L’économie du Venezuela est en chute libre. L’hyperinflation, les coupures de courant et les pénuries de nourriture et de médicaments poussent des millions de Vénézuéliens à quitter le pays. Beaucoup de Vénézuéliens blâment le président Nicolás Maduro et son gouvernement pour l’état désastreux dans lequel se trouve le pays mais d’autres le soutiennent encore dans une société extrêmement polarisée.
L’hyperinflation et les pénuries empoisonnent la vie des Vénézuéliens
L’hyperinflation est sans doute le principal problème auquel les Vénézuéliens sont confrontés dans leur vie quotidienne. Le taux d’inflation annuel a atteint 83 000% en juillet, selon une étude récente de l’Assemblée nationale vénézuélienne contrôlée par l’opposition. Le Fond monétaire international a même évoqué une inflation de 1 000 000 % pour la fin 2018.
Les prix ont doublé tous les 26 jours en moyenne, avec pour résultat une perte de pouvoir d’achat vertigineuse pour les Vénézuéliens qui ont du mal à se procurer des produits de base, même les plus élémentaires comme la nourriture.
Cette situation a aussi engendré de graves pénuries alimentaires dans beaucoup de villes du pays faisant grimper la malnutrition des enfants à des niveaux record.
En plus des pénuries d’aliments et de médicaments, les coupures prolongées d’eau et d’électricité se sont avérées catastrophiques pour le système de santé vénézuélien. Les femmes enceintes traversent la frontière pour accoucher et les mères se rendent dans les centres de santé en Colombie pour faire vacciner leurs bébés.
Selon les chiffres des Nations Unies, près de 7,5% des Vénézuéliens, soit 2,3 millions des 30,6 millions d’habitants ont quitté le pays depuis le début de la crise économique en 2014. La majorité d’entre eux sont allés en Colombie voisine, d’où certains partent ensuite en Équateur, au Pérou et au Chili. D’autres sont partis vers le nord du Brésil, où des camps de migrants vénézuéliens ont été attaqués le 18 août. Le Venezuela a également vu plus de 200 000 de ses citoyens émigrer en Espagne, dont la plupart sont les enfants d’Espagnols venus au Venezuela dans les années 1950 et 1960.
Cette migration de masse est considérée comme l’un des plus grands déplacements de population de ce début de 21ème siècle.
La dépendance aux hydrocarbures et la création monétaire
Le Venezuela est riche en pétrole et possède les plus grandes réserves prouvées au monde ce qui lui a permis d’être le pays le plus riche d’Amérique du sud pendant une quinzaine d’années. Le régime a mis en place une politique sociale très généreuse en direction de sa population.
Du temps de l’aisance financière, le Venezuela n’a jamais songé à diversifier une économie fortement dépendante de la rente pétrolière qui représente 95% de ses recettes d’exportation et lui permettait jusqu’en 2014 d’importer les biens dont il avait besoin de l’étranger.
Avec la chute des prix du pétrole en 2014, les entrées en devises du pays ont plongé rendant l’importation des marchandises plus difficiles et provoquant des pénuries sur le marché vénézuélien. Les entreprises locales ont aussi dû augmenter leurs prix ce qui a favorisé l’inflation.
Dans le même temps, le gouvernement vénézuélien a eu un recours simultané à la création monétaire – la fameuse planche à billets- et à des augmentations successives du salaire minimum provoquant une perte de valeur considérable de la monnaie nationale, le bolivar.
De plus, avec des déficits budgétaires autour des 20% et une dette extérieure estimée à 150 milliards de dollars, le gouvernement a été déclaré en défaut de paiement partiel par les agences internationales de notation, faisant fuir des créanciers et des investisseurs internationaux moins enclins à prendre le risque d’investir au Venezuela.
Face à cela, le gouvernement a de nouveau décidé de créer plus de monnaie, affaiblissant davantage sa valeur et exacerbant l’inflation.
Crise politique, manifestations et sanctions internationales
A cette situation économique catastrophique s’est superposée une crise politique qui a entraîné de graves troubles dans le pays.
La crise politique a commencé lorsque la Cour suprême vénézuélienne a suspendu, en janvier 2016, l’élection de quatre membre de l’Assemblée nationale du pays – trois de l’opposition et un membre du parti au pouvoir – pour des irrégularités de vote présumées.
L’opposition, qui détient la majorité à l’Assemblée nationale, a accusé la Cour suprême d’avoir essayé de lui retirer sa majorité et a décidé d’investir les trois députés en question dans leurs fonctions. En réponse, la Cour suprême a décidé d’annuler l’ensemble des décisions de l’Assemblée nationale.
La Cour suprême a enchaîné par la suspension en 2016 d’un référendum qui devait décider des destinées du président Maduro à la tête du Venezuela et par le report des élections régionales à 2017.
La situation politique s’est davantage compliquée lorsque l’Assemblée nationale a refusé d’approuver une décision portant sur la possibilité pour la compagnie pétrolière publique du Venezuela de s’associer avec des sociétés privées. En réponse, la Cour suprême a décidé en mars 2016 de reprendre les pouvoirs législatifs des deux chambres législatives vénézuéliennes.
Cette dernière décision de la Cour suprême vénézuélienne, qui s’est ensuite rétractée en avril 2016, a provoqué des manifestations de rue quasi-quotidiennes pendant plus de trois mois durant le printemps 2016, avec des affrontements violents entre jeunes manifestants et forces de sécurité vénézuéliennes. L’ampleur des manifestations a été exacerbée par l’hyperinflation et les pénuries d’aliments et de médicaments dans le pays.
A cette situation politique très compliquée se sont ajoutées des sanctions américaines et européennes en novembre 2017 qui ont été renforcées en janvier puis en mai 2018 suite à la réélection le même mois de Nicolàs Maduro à la tête du pays.
Dans la foulée de cette élection, considérée par une partie de la communauté internationale comme non-conforme aux standards internationaux de transparence, les pays du groupe de Lima comprenant l’Argentine, le Brésil, le Canada, le Chili, la Colombie et le Mexique, ont décidé de rappeler leurs ambassadeurs à Caracas.
Mesures anti-crise du gouvernement vénézuélien
Le 20 août dernier, le gouvernement vénézuélien a annoncé la création d’une nouvelle monnaie, le « bolivar souverain », en remplacement de l’ancien bolivar.
Le nouveau bolivar sera indexé au « petro », une monnaie virtuelle que le gouvernement dit liée aux réserves pétrolières du Venezuela, et aura 5 zéros de moins avec la mise en circulation de huit nouveaux billets d’une valeur de 2, 5, 10, 20, 50, 100, 200 et 500 bolivars souverains et de deux nouvelles pièces.
Cette nouvelle monnaie fait partie d’un « paquet de mesures économique » que le gouvernement présente comme étant la solution miracle pour aider l’économie vénézuélienne à se redresser.
Parmi ces mesures figure l’augmentation du salaire minimum à 34 fois son niveau précédent à partir du 1er septembre. De manière plus surprenante, le gouvernement compte aussi limiter ses généreuses subventions à ceux « qui sont en possession d’une carte d’identité » tout en augmentant la TVA de 4% à 16%.
Bien qu’elle soit susceptible d’améliorer la trésorerie pendant un certain temps, certains économistes ont également averti que la nouvelle monnaie pourrait aussi faire face aux mêmes problèmes que l’ancienne. Ils estiment qu’à moins que les causes profondes de l’hyperinflation ne soient traitées, la valeur de la nouvelle monnaie pourrait plonger sous l’effet de la hausse des prix.
Les employeurs ne sont pas non plus certains de pouvoir assurer une multiplication par 34 du salaire minimum.
Une société fortement polarisée entre la droite et la gauche
La crise politique et économique que vit le Venezuela depuis près de 4 ans rappelle que la société vénézuélienne est très polarisée entre d’un côté une gauche fortement marquée par l’orientation redistributrice et parfois populiste d’Hugo Chàvez et de l’autre une droite hétéroclite représentée par la classe moyenne et les élites économiques.
La droite accuse le gouvernement chàviste de Nicolàs Maduro d’avoir provoqué les pénuries et l’inflation en raison d’une gestion économique irrationnelle. Celle-ci pointe par exemple le contrôle des prix, instauré par Hugo Chavez pour rendre les produits de base plus abordables pour les pauvres, comme étant l’une des causes des pénuries en raison de son effet inhibant sur la production locale des quelques entreprises vénézuéliennes qui ne trouvaient plus rentable de fabriquer des produits tels que l’huile et la farine.
La gauche chàviste qui bénéficie d’un ancrage populaire bien plus large que la droite, au sein des couches les plus pauvres de la population, estime que les problèmes actuels du Venezuela n’ont pas été causés par le président Maduro ou son prédécesseur, Hugo Chàvez, mais par l’hostilité de l’opposition à l’intérieur du pays et celle des « forces impérialistes » et de la Colombie voisine à l’extérieur. Ceux-ci estiment que les sanctions américaines et européennes ont affaibli le gouvernement en compliquant à dessein la restructuration de la dette.
Une large part des couches défavorisées de la population vénézuélienne, qui ont directement bénéficié des programmes sociaux du gouvernement, estime, malgré les pénuries, qu’elle est encore mieux lotie qu’avant l’arrivée d’Hugo Chávez en 1999.
Une autre partie de ces classes populaires, a rejoint des groupes d’extrême droite, les « guarimberos » ou les « barricadiers », que la gauche chàviste rend responsables des violences lors des manifestations de l’opposition et qui ont fait plus d’une centaine de morts.
Cette faction de l’opposition, représentée par le parti Voluntad Popular d’un Leopoldo Lopez ancien maire de Caracas et bénéficiant du soutien de l’administration américaine de Donald Trump, défend le recours à des manifestations violentes contre le gouvernement.
Selon les observateurs, ces manifestations se dérouleraient le plus souvent dans les localités aisées de Caracas dominées par l’opposition tandis que les quartiers populaires de la capitale resteraient calmes. En face, les chàvistes organisent régulièrement des rassemblements en soutien du gouvernement de Maduro, illustrant l’extrême polarisation de la société vénézuélienne.