La Russie cherche à renforcer sa présence dans au moins 13 pays africains en établissant des relations avec les dirigeants existants, en concluant des accords militaires et en formant une nouvelle génération de « dirigeants » et d’« agents » infiltrés, rapporte le journal britannique The Guardian, qui cite des documents ayant fuité.
La mission visant à accroître l’influence russe en Afrique serait dirigée par Yevgeny Prigozhin, un homme d’affaires basé à Saint-Pétersbourg et proche allié du président russe Vladimir Poutine. L’un des objectifs de cette mission est de « pousser » les États-Unis et les anciennes puissances coloniales à l’image du Royaume-Uni et la France hors de la région. Un autre objectif visé est d’éliminer les soulèvements « pro-occidentaux » en Afrique, rapporte la même source.
Une carte de l’Afrique consultée par The Guardian montre le niveau de coopération entre l’entreprise de l’oligarque Yevgeny Prigozhin et les gouvernements africains. Chaque pays se voit attribuer un niveau de coopération de 1 à 5, le niveau 5 étant le niveau de coopération le plus élevé et le niveau 1 étant le niveau le plus bas.
Les pays aux relations les plus étroites avec l’entreprise de Prigozhin sont la République centrafricaine, le Soudan et Madagascar, tous au niveau 5. La Libye, le Zimbabwe et l’Afrique du Sud sont au niveau 4, tandis que le Soudan du Sud est au niveau 3 et la RD Congo, le Tchad et la Zambie au niveau 2. L’Ouganda, la Guinée équatoriale et le Mali sont les trois autres pays cités comme étant des « pays où il est prévu de travailler ».
Un exemple de la coopération entre l’entreprise de l’oligarque et les pays africains cité par The Guardian est le Soudan. Selon le journal britannique, des spécialistes russes ont établi un programme de réformes politiques et économiques conçues pour garder au pouvoir le président Omar el Béchir, désormais déchu. Le programme incluait un plan visant à dénigrer les manifestants antigouvernementaux, copiant apparemment des tactiques utilisées en Russie contre les opposants du président Poutine (un mémo dit même par erreur « Russie » au lieu de « Soudan »).
L’un des stratagèmes développés était d’utiliser des fake news et des vidéos fake pour présenter les manifestants à Khartoum et dans d’autres villes comme « anti-islam », « pro-Israel » et « pro-LGBT », affirme The Guardian. Il a également été recommandé au gouvernement d’augmenter le prix des journaux pour rendre plus difficile aux opposants de faire passer leur message, et de découvrir des « étrangers » dans les rassemblements contre le gouvernement, affirme la même source.
Dans une lettre divulguée, Prigozhin se plaint notamment au président Bachir ne pas avoir suivi les conseils donnés, mentionnant « l’absence d’activité » par le gouvernement soudanais et sa « position extrêmement précaire ». Omar el Béchir sera au final destitué par un coup d’État militaire au mois d’avril dernier.
Les conseillers russes avaient également conseillé le conseil militaire soudanais d’éliminer les activistes avec « une perte humaine minimale mais acceptable », affirme The Guardian. Plus de 120 personnes ont été tuées depuis le 3 juin après que les forces armées soudanaises aient ouvert le feu contre les manifestants qui effectuaient un sit-in devant le QG de l’armée pour demander l’instauration d’un État civil.