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Comment la voiture est devenue un produit de luxe en Algérie

Comment la voiture est devenue un produit de luxe en Algérie

Il y a un peu plus d’une année, le 11 décembre 2019, le chef de l’Etat par intérim Abdelkader Bensalah signait la Loi de finances 2020. Le lendemain, les Algériens étaient appelés aux urnes pour élire un nouveau président de la République.

Dans le document paraphé par Bensalah, une disposition met fin à l’interdiction d’importation des véhicules de moins de trois ans, qui était en vigueur depuis le milieu des années 2000. Dans un élan populiste et électoraliste, le gouvernement de Noureddine Bedoui, qui préparait la présidentielle du 12 décembre, prend une mesure populaire en plein hirak.

Il fixe rapidement les critères et sélectionne le type de véhicules à importer. Privés de voitures neuves depuis un moment déjà après les restrictions imposées aux usines de montage, de nombreux Algériens applaudissent, la fin d’une mesure impopulaire. En Algérie, les transports en commun sont médiocres et peu fiables, la voiture reste un moyen de déplacement facile et peu coûteux.

Mais la mesure phare du gouvernement Bedoui allait rester tout simplement de l’encre sur papier. Élu le 12 décembre 2019 dans un contexte politique et économique très difficile, le président Abdelmadjid Tebboune donne le ton quelques jours après, en critiquant les usines de montage automobile qui ont fleuri sous la présidence d’Abdelaziz Bouteflika.

 « Certains projets de la filière automobile  ne peuvent être qualifiés d’industrie, car il s’agit simplement d’une importation déguisée », déclare-t-il lors d’une visite à la foire d’Alger. Le démantèlement de cette « industrie » à l’algérienne n’allait pas tarder.

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Privés de kits SKD/CKD que l’Algérie a décidé ne plus importer, les usines de montage ferment l’une après l’autre, alors que leurs propriétaires Algériens sont jugés et condamnés à de lourdes peines. Le rêve d’une voiture « made in Algeria » prend définitivement fin. Retour à la case départ.

Conséquence, le marché algérien se retrouve brusquement non approvisionné de véhicules neufs. Sur le marché de l’occasion, les prix des voitures, qui étaient déjà élevés, prennent littéralement l’ascenseur, faute d’offre suffisante alors que la demande est restée quasiment la même. La voiture est devenue soudainement un luxe pour la majorité des Algériens, dont le pouvoir d’achat est laminé par la crise économique, qui s’est installée depuis la chute des prix du pétrole en 2014.

Entre-temps, le dossier du retour à l’importateur du véhicule de moins de trois ans, attend dans les terroirs du ministère de l’Industrie, que dirige désormais Ferhat Ait Ali. En février, il affirme que les voitures d’occasion importées seront soumises à la TVA et aux droits de douanes.

Puis, il s’est attelé à modifier les réglementations relatives à l’importation des véhicules neufs et au montage automobile. Dans la LFC 2020, le gouvernement maintient la mesure relative à l’importation des voitures usagées, sans l’appliquer. Puis, le ministre de l’Industrie annonce la nouvelle de son gel.

« L’importation des voitures de moins de trois ans a été gelée (…) Nous ne voulons pas importer de la ferraille (…) Et nous ne voulons pas encourager le marché informel de la devise », déclare-t-il le 3 octobre dernier, remettant en cause pour la première fois une disposition de la LF 2020.

« Lorsque cette mesure a été introduite dans la loi de finances de 2020, il n’y avait pas la possibilité d’importer des véhicules neufs », a-t-il justifié.

Une semaine après, changement de ton. Ferhat Ait Ali affirme que la mesure relative à l’importation des véhicules de moins de trois ans est gelée, mais pas supprimée, laissant la porte légèrement ouverte pour une éventuelle application.

« Dans un moyen terme, grâce aux réformes financières et économiques (qu’engagera le gouvernement), lorsqu’on aura supprimé le marché parallèle de la devise, on pourrait réfléchir à importer des véhicules (d’occasion) avec le taux de change officiel », avait-t-il, en évaluant ce « moyen terme » entre 3 et 4 ans.

Une semaine après, coup de théâtre. Le président de la République annonce que le dossier est programmé pour le conseil des ministres prévu dimanche 18 octobre. Cette réunion est annulée ensuite, et le conseil des ministres ne s’est pas tenu depuis en raison de la maladie du président de la République, qui a été évacué en Allemagne le 28 octobre, après avoir été testé positif au Covid-19.

Depuis rien d’important n’a été dit sur les importations de véhicules de moins de trois ans et les prix des véhicules continuent de grimper. Des voitures d’occasion se vendent plus que leur prix d’achat neuf, il y a seulement trois ans, et même plus. La voiture bon marché, symbole de la prospérité qui a accompagné la hausse des prix du pétrole dans les années 2000, est désormais un lointain souvenir.

Le retour à l’importation des voitures neuves n’est pas encore effectif. Aucun concessionnaire n’a été agréé pour le moment. Pour l’industrie automobile, aucun constructeur ne s’est officiellement manifesté.

Ce lundi 28 décembre, Ferhat Ait Ali balaie d’un revers les doutes en excluant définitivement le recours à l’importation de véhicules d’occasion. « L’importation des véhicules d’occasion n’est ni reportée ni gelée. L’article 110 (de la LF 2020, ndlr) est inapplicable et ne sert pas l’économie nationale », tranche-t-il, dans un entretien à la Radio nationale.

En guise de consolation, le ministre sort un chiffre : l’Algérie a économisé 3,5 milliards de dollars en 2020, qui devaient être utilisés pour importer les véhicules et les pièces de rechange automobile. Pour les Algériens, le véhicule est entré dans la catégorie des produits de luxe.

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