Dans un rapport publié en avril dernier, le FMI a prévu pour l’Algérie de monter pour la première fois sur le podium des économies africaines en 2024. Un expert du cabinet français Xerfi avance des prévisions plus optimistes.
Des experts voient désormais plus grand pour l’économie algérienne, capable de rafler à l’Égypte la deuxième place du continent avec un PIB qui devrait atteindre 348 milliards de dollars en 2024, selon le FMI.
Avec un PIB de 267 milliards de dollars, l’Algérie devrait passer devant le Nigeria en 2024, selon le FMI. Le PIB du Nigeria devrait s’établir à 253 milliards de dollars en 2024 et celui de l’Afrique du Sud, première économie du continent, avec un PIB prévisible de 373 milliards de dollars cette année.
Le cabinet Xerfi loue « l’efficacité » de l’économie algérienne
Certes, cette performance est due au déclin économique du Nigéria, mais pas que. C’est aussi le fruit de « l’efficacité » de l’économie algérienne depuis la fin de la crise sanitaire du covid-19, estime Alexandre Mirlicourtois, directeur de la conjoncture et de la prévision chez l’agence Xerfi.
Dans un décryptage diffusé sur le site de Xerfi, Mirlicourtois a ainsi résumé la métamorphose en cours de l’économie algérienne : « Plutôt que d’utiliser la manne pétrolière et gazière pour acheter la paix sociale et faire perdurer le modèle de la rente, une nouvelle voie qui se dessine pourrait amener l’Algérie à viser la deuxième place des économies africaines. »
Cette deuxième place est actuellement occupée par l’Égypte avec un PIB de 373 milliards de dollars (exercice 2022-2023). Fin mars dernier, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, avait prévu une forte hausse du PIB de l’Algérie qui devrait, selon lui, dépasser les 400 milliards en 2026.
Dans son décryptage, Alexandre Mirlicourtois a fait ressortir qu’une telle performance est dans les cordes de l’économie algérienne.
Un PIB de 400 milliards de dollars est possible, selon Xerfi
D’abord, souligne-t-il, l’Algérie a su tirer profit de la nouvelle carte énergétique mondiale, avec le maintien à un haut niveau des cours du pétrole et du gaz et la réorientation géographique des approvisionnements en gaz de l’Europe.
« L’Algérie est un acteur incontournable du marché », dit-il, rappelant qu’elle est 10ᵉ producteur mondial de gaz naturel et premier exportateur africain de GNL, ce qui la place dans le top 10 mondial.
Le pétrole et le gaz constituent le pilier de l’économie algérienne, et de ce fait, « des prix élevés du pétrole, c’est l’assurance de l’accélération de la croissance, des comptes courants excédentaires, des finances publiques assainies et des réserves de change qui enflent », explique l’analyste, soulignant que c’est bien le cas en ce moment, puisque « les excédents courants ont fait leur grand retour l’année dernière pour la première fois depuis 2013 » et « les réserves de change ont de nouveau progressé ».
Les clés qui devraient permettre à l’Algérie de devenir la deuxième économie d’Afrique
Toutefois, si « l’horizon est dégagé » et les prévisions de croissance pour cette année comme pour 2025 sont « prometteuses », ce n’est pas seulement grâce à la conjoncture énergétique mondiale. C’est aussi grâce au « virage stratégique » pris par les autorités algériennes pour revitaliser l’ensemble du tissu économique.
Cela, explique Alexandre Mirlicourtois, en recyclant les recettes pétrolières et en sollicitant les investisseurs étrangers. Dans ce sens, rappelle-t-il, l’Algérie a procédé à la suppression de la règle 51/49 qui constituait « un frein évident aux IDE ».
Les efforts de l’Algérie pour diversifier son économie n’épargnent aucun secteur. Dans le secteur primaire, l’analyste note le plan d’investissement de plus de 50 milliards de dollars prévu entre 2024 et 2028 dans le pétrole et le gaz.
Une ferme géante « grande comme la Martinique »
Il relève aussi « la volonté d’exploiter un sous-sol riche pour soutenir la ré-industrialisation du pays », citant les gros investissements destinés à l’exploitation des gisements de minerai de fer (Gara Djebilet), de zinc et de plomb (Oued Amizour) et de phosphate (Tébessa) dont l’objectif est de « faire de l’Algérie un leader mondial de l’exportation d’engrais et de fertilisants ».
Dans l’agriculture, Mirlicourtois ne pouvait pas ne pas évoquer le mégaprojet algéro-qatari qui porte sur la réalisation d’une ferme géante « grande comme la Martinique » dans le désert algérien pour l’élevage de vaches laitières et la production de lait en poudre. Le coût de l’investissement est de 3,5 milliards de dollars. Il est mené par le FNI (Algérie) et Baladna (Qatar).
Dans l’industrie, c’est le même dynamisme. L’analyste de Xerfi cite le complexe textile de Relizane développé avec la Turquie et qui devrait permettre à terme la création de 25 000 emplois directs, l’industrie pharmaceutique qui couvre plus de 70 % des besoins domestiques en générique et qui maintenant « s’ouvre à l’international », les 30 demandes d’installation d’usines de montage automobile, dont 12 sont déjà acceptées par les autorités…
Virage stratégique
L’Algérie a aussi beaucoup misé ces dernières années sur les startups et l’économie de la connaissance. Alexandre Mirlicourtois reconnaît que le secteur se développe rapidement en Algérie, « en synergie avec une jeunesse qualifiée et hyper connectée ».
Il s’attarde sur le succès de Yassir, qui a commencé comme application de service de VTC avant de diversifier ses activités et devenir la start-up « la plus valorisée d’Afrique du Nord ». Yassir a pu lever plus de 200 millions de dollars, « y compris avec des fonds en provenance de la Silicon Valley ».
Parallèlement, l’Algérie poursuit le « développement rapide » de ses infrastructures routières, portuaires et autres, avec l’achèvement de tronçon principal de la Transsaharienne « qui va accélérer les échanges avec les pays africains ».
L’objectif de dépasser 400 milliards de dollars de PIB et rafler la deuxième place des économies du continent est plus que jamais à la portée de l’Algérie.