Connaître la tactique de l’ennemi et le devancer a été “le principal atout” du Colonel Amirouche, qui était alors capitaine et chef militaire de la Petite Kabylie, pour sécuriser le Congrès de la Soummam qui s’est tenu le 20 août 1956 à Ifri Ouzellaguen dans la wilaya.
C’est le moudjahid Djoudi Attoumi qui détaille dans deux de ses ouvrages “Le colonel Amirouche, entre légende et Histoire” et “Chroniques des années de guerre de la wilaya III“, comment cet héros de la révolution a sécurisé le Congrès de la Soummam, selon des extraits publiés par l’agence officielle.
Garantir la sécurité des congressistes était “le problème le plus important” pour la tenue de ce rendez-vous historique d’envergure, selon M. Attoumi qui a relevé qu'”aucun endroit ne pouvait réunir toutes les conditions de sécurité, comme il ne se trouvera aucun responsable qui pouvait se targuer de mettre à l’abri les congressistes d’une éventuelle attaque ennemie“.
Amirouche Ait Hamouda, qui a brillé par une organisation “perfectionnée” de la Petite Kabylie, à travers la mobilisation des populations et l’intensification des opérations contre l’armée coloniale française, qui était “passionné par le combat et emporté par cette fougue du devoir à accomplir” et qui avait aussi, et surtout, une armée de 3 000 hommes sous son commandement, “était l’homme indiqué pour cette mission“, a souligné ce même moudjahid.
“Au vu de toutes ces données, Si Amirouche et ses adjoints étaient “bien placés” pour organiser et assurer la sécurité des congressistes“, a insisté M. Attoumi. Toutefois la mission n’est pas de tout repos et un incident, celui de la mule chargée des documents du Congrès, qui a rejoint un poste militaire, n’a fait que rappeler à ce chef militaire la complexité de la tâche qui lui a été confiée.
En effet, alors que l’endroit a été choisi, le Congrès devait se tenir au village El Kalaa chez les Ait Abbes, cet incident a failli remettre en question l’organisation même de cette rencontre importante pour la Révolution. “À un moment les responsables pensèrent franchement que le conclave serait annulé, ou tout au moins éloigné le plus possible de la Kabylie“, témoigne M. Attoumi.
Amirouche a réussi à convaincre Krim Belkacem de maintenir le congrès en Petite Kabylie et de l’organiser à Ouzellaguen à quelque 20 Km d’Akbou. Pour sa réussite, il comptait sur deux atouts que le secret sera bien gardé par la population et les moudjahidine, et le fait que la Petite Kabylie disposait déjà de plusieurs centaines d’hommes bien entraînés, en mesure de faire face à l’ennemi, a relevé M. Attoumi.
Devancer l’ennemi et deviner ses plans pour une contre-tactique
Toutefois, a observé ce secrétaire de PC en wilaya III, ces atouts ne suffisaient pas, “il fallait devancer l’ennemi et pourquoi pas deviner ses plans. Pour cela Amirouche mettra en place un vaste réseau de renseignement qu’il déploya telle une toile d’araignée dans la région“, écrit-t-il dans ces deux livres/témoignages.
Selon l’auteur de ces livres/témoignages, dans le cadre de cette stratégie, “les réseaux de renseignements étaient renforcés au niveau de chaque village et tout autour des postes militaires à partir même des maisons limitrophes de ces postes ennemis, où les voisins immédiats étaient tenu de donner le signal dans le cas d’un mouvement ennemi suspect“.
Des vigiles se relayaient de jour comme de nuit sur les crêtes pour guetter tous les mouvements suspects, dont le mouvement des véhicules militaires, et surveiller les effectifs des postes militaires. “Il fallait s’informer sur la quantité de pain commandé chez le boulanger, poster discrètement à l’entrée de chaque poste militaire un agent de renseignement pour détecter les mouchards et les gens qui fréquentaient les militaires“, poursuit M. Attoumi.
Dans “Chronique des années de guerre en Wilaya III historique” (pages 72 à 73), il rapporte avec détails toutes les données recueillies par Amirouche sur la tactique et le mouvement ennemi. Des informations qui étaient nécessaires pour Si Amirouche et ses collaborateurs “afin de mieux cerner les problèmes de sécurité du Congrès et afin de décider comment déployer les forces de l’Armée de libération nationale (ALN) et de l’implantation des garnisons dans les villages“.
La contre-tactique consistait à déployer les 3 000 combattants de l’ALN dans des villages choisis en fonction de la tactique de l’ennemi. Les villages se trouvant à la périphérie du douar d’Ouzellaguen, servirent de garnison de sorte a sécuriser ceux du centre et protéger ainsi le Congrès.
Pendant le conclave qui a duré 11 jours, en plus d’assurer la sécurité de Krim Belkacem, dont il était chargé, “il ne cessa pas ses va-et-vient, quand c’est possible, à travers les villages de garnison de l’ALN à Ighbane, Timliouine, Ighil Oudles, Tizi Maghlaz, entre autres, qui formaient le cordon de sécurité ou étaient stationnées les unités de combattants, pour s’assurer que chacun est à son poste“.
“Les 3 000 combattants furent mobilisés pour assurer la sécurité des congressistes. Si Amirouche convoquait des chefs d’unité pour leur donner des instructions, coordonner leur mouvement et leur mise en place“, a-t-il précisé.
Plusieurs actions de diversion ont été organisées loin du lieu de la rencontre pour attirer l’attention de l’ennemi ailleurs par des embuscades et des harcèlements destinés à éparpiller ses forces et à les maintenir sur la défensive et sur le qui-vive, a-t-il ajouté.
Djoudi Attoumi témoigne qu'”à la fin du Congrès, Abane Ramdane conscient du problème de sécurisation des congressistes déclara: ‘il faut être fou pour organiser un tel congrès'”. “Il mesurait ainsi tous les dangers auxquels s’exposaient les chefs, il aurait été terrible pour la Révolution si le lieu fût envahi par les soldats ennemis et que des chefs fussent tués“, raconte-t-il.
Ce jeudi, à l’occasion de la célébration de la journée nationale du Moudjahid, une statue a l’effigie du colonel Amirouche, chef de la Wilaya III historique sera inaugurée à Ath Yenni (Tizi-Ouzou) au lieu dit “Attranchi”, pour rappeler son rôle dans l’organisation et la sécurisation du Congrès de la Souammam, a-t-on appris auprès de la Fondation qui porte son nom.