Économie

Comment le gouvernement a taillé en pièces l’activité naissante de montage de smartphones

Plongée dans le coma depuis plusieurs mois, l’industrie naissante de montage de smartphones risque de ne plus relever la tête. Les derniers espoirs se sont évaporés après la décision prise par le gouvernement de mettre fin au régime SKD pour l’assemblage des téléphones mobiles.

« Tous les opérateurs sont à l’arrêt. Les usines vont fermer, les salariés mis au chômage et les investissements réalisés pour les besoins de cette filière seront perdus », se désole le patron d’une grande marque d’électroménager, qui assemblait également des téléphones portables.

En apparence, cette filière donnait des signes de vigueur. De nombreuses grandes marques (Samsung, LG, Huawei, etc) ont décidé de créer des usines de montage en Algérie, après la décision du gouvernement de mettre les téléphones portables sur la liste des produits interdits à l’importation à partir de 2018. Mais dans les faits, la situation est tout autre.

En un laps de temps très court, les marques de smartphones, attirées par un marché de 8 millions d’unités par an, ont pullulé et l’Algérie, qui ne dispose d’aucune technologie dans ce domaine, est devenue un « grand producteur » de téléphones mobiles. Le concept est facile : ramener des composants et parfois des produits finis de Chine, et les estampiller « made in Algeria », et le tour est joué.

L’aggravation de la crise économique, ces derniers mois, a tout remis en cause. Après la chute de Bouteflika, ses décisions économiques ont été remises en cause par le nouveau gouvernement. Ce dernier a décidé de s’attaquer au montage de smartphones.

Comme d’habitude, les autorités n’ont pas pris de gants et tout le monde est passé à la trappe, le bon et le mauvais, le spéculateur et le vrai investisseur. « Chez nous, ça commence et ça finit toujours comme ça, les bons paient pour les mauvais. Il fallait mettre des barrières à l’entrée pour laisser passer que les véritables investisseurs. Cela n’a pas été fait, le marché a été ouvert à tout le monde, c’est le résultat de l’improvisation, d’absence de stratégie et surtout de la primauté des intérêts individuels sur l’intérêt général », résume le patron d’une grande marque d’électroménager.

Le gouvernement s’est attaqué à cette filière en deux étapes. D’abord, il a bloqué les importations de kits SKD/CKD exonérés des droits de douanes. « Aucun modèle de smartphone n’a été homologué depuis plus de 8 mois. Aucune licence d’importation de téléphones portables n’a été donc délivrée par les autorités », souligne une source proche du dossier.

Le gouvernement a décidé ensuite d’inscrire la mesure dans la Loi de finances 2020 et d’exclure le montage de la téléphonie mobile du régime spécial SKD/CKD.

Face à la protestation des producteurs qui ont mis en avant les pertes d’emploi (6000 postes) et les investissements réalisés, la ministre de l’Industrie Djamila Tamazirt a assuré que l’activité d’assemblage de téléphones n’était pas interdite.

« Nous n’avons pas décidé de geler les entreprises qui s’activent dans la téléphonie mobile. C’est par rapport aux avantages de l’exonération », a affirmé la ministre, expliquant que « ceux qui travaillent dans cette industrie sont exonérés de droits et taxes à l’importation de leurs kits ».

« Il se trouve qu’il n’y a pas de montage dans cette activité, ce sont des téléphones qui sont importés », a accusé Mme Tamazirt, précisant que les entreprises concernées peuvent continuer leur activité « mais avec le droit commun et non pas avec les avantages du montage », a souligné la ministre.

En réalité, le gouvernement n’a renouvelé aucune licence d’importation de kits pour l’assemblage de téléphones portables. « Sans licence, on peut rien importer », remarque le patron d’une marque de smartphones, en insistant sur l’impact de cette décision sur le marché des téléphones portables. « Les prix des téléphones vont flamber et le marché noir va se renforcer », prévient-il.

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