Le premier ministre Abdelmalek Sellal a promis, jeudi, de libérer cette année le projet d’usine de montage du constructeur français PSA, mais l’Algérie peine à tirer profit de ses atouts (situation géographique, marché de 40 millions d’habitants) pour dynamiser le secteur automobile. D’autres pays ont pourtant réussi ce pari, notamment le Maroc et l’Iran. Pourquoi le Maroc et l’Iran sont-ils parvenus de leur côté à développer leur industrie automobile ? Explications.
Maroc : nouvelle terre d’accueil des constructeurs automobiles
Pour séduire les constructeurs, et doubler le poids de son secteur automobile, le gouvernement marocain a mis en place des mesures incitatives. Résultat, en quelques années, le royaume chérifien est parvenu à attirer les mastodontes du secteur (Renault, PSA, Ford toujours en discussion) et à se hisser parmi les plus gros constructeurs automobiles.
« Le Maroc est devenu le deuxième producteur de véhicules en Afrique après l’Afrique du Sud avec une part de marché de 35% en 2014 contre 5% en 2003 », indiquait une note de mars 2015 du ministère de l’Économie et des Finances marocain. « Une production destinée à 90% à l’export », explique à TSA Gaëtan Toulemonde, analyste automobile chez Deutsche Bank.
Procédure douanière simplifiée, avantages fiscaux
Le français Renault s’est imposé comme leader sur le marché, avec deux usines à Tanger et à Casablanca. En 2016, le constructeur a produit 347.000 véhicules contre 288.053 en 2015. « Nous maintenons avec nos marques Renault et Dacia entre 37 et 38% de part de marché et une place de leader incontesté », indiquait à l’Usine nouvelle en novembre 2016, Marc Nassif, directeur général du groupe Renault au Maroc.
En 2019, c’est un autre français, PSA (Peugeot-Citroën), qui ouvrira une nouvelle unité d’assemblage à Kenitra, installée sur la zone franche « Atlantic Free Zone ». Une zone qui permet aux entreprises de bénéficier d’une exonération des droits de douanes, d’une simplification des procédures douanières, et d’un impôt sur les sociétés à 0% pendant les cinq premières années d’activité.
Renault, installé sur la zone franche de Tanger en 2012 a également pu bénéficier des mêmes avantages.
Selon les données du cabinet d’intelligence économique Oxford Business Group, l’automobile stimule les exportations puisque le pays affiche pour la troisième année consécutive en 2016, des exportations record avec 316.712 véhicules expédiés à l’étranger, soit une hausse de 22,4% en glissement annuel.
Le secteur automobile est même devenu en 2014 puis en 2015, selon l’Office des Changes, le premier pôle exportateur du royaume chérifien, devant celui des phosphates. « En 2015, l’automobile a ainsi représenté 22,7% des exportations totales en valeur, tandis que la part des phosphates s’établissait à 20,7% », indique une note du ministère de l’Économie et des Finances marocain en juin 2016.
Construction à bas coût
Si les constructeurs automobiles se pressent dans le pays, c’est aussi parce que « le coût de la main d’œuvre n’est pas cher » (environ 265 euros par mois pour le salaire minimum, NDLR), détaille l’analyste automobile chez Deutsche Bank. À titre de comparaison, le coût horaire de la main-d’œuvre en Espagne dans l’industrie manufacturière est estimé à 22,82 euros d’après Coe-Rexecode qui compile les données d’Eurostat. En Slovaquie, où plusieurs constructeurs automobiles (Renault, PSA, Volkswagen pour ne citer qu’eux ) ont des usines, il est de 10,86 euros.
De plus, la situation géographique du Maroc, aux portes de l’Europe permet aux constructeurs une économie importante sur l’acheminement des marchandises. « Ce que l’on gagne sur le coût de la main d’œuvre, on ne le perd pas en transport », résume Gaëtan Toulemonde.
Iran : un marché de 80 millions d’habitants
Autre exemple à suivre : l’Iran. Le marché automobile iranien a subi une contraction pendant la période d’embargo européen (1,65 million d’unités en 2011 contre 740.000 en 2013), mais la levée officielle des sanctions économiques internationales en janvier 2016 a permis d’amorcer une vraie reprise.
Depuis cette date, la République islamique d’Iran, redevenue fréquentable, est considérée comme l’un des marchés automobiles au plus fort potentiel de croissance (le taux d’équipement y est inférieur à 100 voitures pour 1.000 habitants). Elle attire tous les constructeurs automobiles qui espèrent capter ou récupérer leurs parts de marché d’avant les sanctions.
Parc automobile vieillissant
Dans une note de juillet 2015, les analystes du cabinet d’études IHS notaient : « Il existe des possibilités de croissance grâce à une population relativement jeune et le potentiel de renouvellement du parc automobile vieillissant ».
Contrainte d’interrompre ses relations avec l’Iran en 2012 en raison de la menace de sanctions internationales, le français PSA veut retrouver ses parts de marché avec son partenaire historique (30% avant les sanctions). L’entreprise française vise désormais 40% du marché iranien. En janvier 2016, PSA et le constructeur iranien Iran Khodro avaient annoncé la création d’une coentreprise pour développer et produire des véhicules de la marque Peugeot en Iran dès 2017.
Pour sa part, Renault (qui n’avait pas quitté l’Iran pendant les sanctions) et le gouvernement iranien ont signé, en septembre 2016, un « accord stratégique » pour la création d’une coentreprise en Iran. Ils veulent également augmenter leur volume de production.
Les marques françaises ne sont pas les seules à vouloir tirer leur épingle du jeu. Le constructeur automobile sud-coréen Hyundai va pour la première fois assembler et produire des voitures en Iran.
Selon les analystes, le marché iranien devrait atteindre d’ici 2022 les deux millions de véhicules par an, soit la taille du marché français. Dont la moitié destinée à l’export.
Exportation
L’Iran cherche, en effet, à devenir un centre d’exportation. Sa situation géographique peut lui permettre de capter un marché potentiel conséquent, aussi bien en Europe, au Moyen-Orient, qu’en Asie centrale.
D’ici à 2025, Téhéran veut exporter un million de voitures grâce à ces co-entreprises avec les constructeurs étrangers. Conformément aux exigences des autorités iraniennes, les co-entreprises automobiles sont assignées à un taux d’exportation de 30% de la production. « Ils attirent l’investissement étranger pour que ça rende l’économie plus compétitive », commente pour TSA, Thierry Coville, chercheur à l’IRIS, spécialiste de l’Iran.
De plus, le coût du travail y est extrêmement attractif. Selon le classement Doing Business de la Banque mondiale, le salaire minimum applicable aux travailleurs en Iran est de 279,9 dollars par mois (soit 262,8 euros environ). Le nombre d’heures travaillées n’est toutefois pas précisé.