Il faudra bien plus que le massacre en cours à Gaza pour que le Maroc interrompe ses échanges commerciaux et autres avec Israël.
Bien qu’il se fasse plus discret depuis le début de l’agression israélienne contre l’enclave palestinienne, le business ne s’estompe pas entre Rabat et Tel-Aviv. Plutôt que de prendre une position ferme, le royaume préfère cacher la réalité de ses liens avec Israël.
Maroc : une opinion publique pro-Gaza, un palais royal pro-Israël
Le Maroc a normalisé ses relations avec l’État hébreu en décembre 2020. Il fait aujourd’hui partie des États arabes qui se retrouvent dans une posture gênée depuis le déclenchement de la guerre de Gaza, le 7 octobre dernier.
Dans leurs rares sorties, le palais royal et le gouvernement tentent d’éviter de fâcher leur opinion publique pro-palestinienne et leur nouvel allié israélien.
Cette volonté de contenter les uns et les autres a déteint sur les échanges économiques avec Israël qui se poursuivent, mais avec une certaine discrétion, comme le rapporte ce lundi 10 juin le site Africa Intelligence.
Le média rappelle que les équipes du bureau de liaison israélien, qui fait office d’ambassade d’Israël au Maroc, ont quitté Rabat après le début de la guerre à Gaza.
Certains sont, depuis, revenus, mais sur la pointe des pieds. Cependant, le chef du bureau de liaison marocain à Tel-Aviv n’a jamais quitté son poste.
La chambre de commerce et d’industrie Maroc – Israël (CCIMI), dirigée par Joseph Lévy, un homme d’affaires marocain de confession juive, n’a de son côté jamais rompu le contact avec son homologue israélienne, la CCIIM, présidée, elle par le diplomate israélien d’origine marocaine Yehuda Lancry.
Business avec Israël : les Marocains gênés, mais…
Ce sont évidemment les Marocains plutôt que les Israéliens qui sont le plus gênés par ce business alors que les Palestiniens meurent par dizaines chaque jour à Gaza.
Selon le même média, les partenaires marocains d’Israël « privilégient les rencontres sans photos », notamment depuis la multiplication des appels au boycott des entreprises traitant avec Israël.
Et alors que les Israéliens souhaitent lancer de nouveaux projets de partenariat, les Marocains préfèrent se limiter à ceux qui ont fait l’objet d’engagements avant le 7 octobre, assure Africa Intelligence. Ce sont aussi les Israéliens qui font pression pour le retour des vols directs entre les deux capitales.
Cette discrétion adoptée par le Maroc dans ses liens économiques avec Israël est illustrée par une rencontre tenue en mai dernier à Marrakech.
Officiellement, une seule société israélienne, Waterfall Security Solutions, a pris part au salon Gitex Africa. Mais en réalité, révèle Africa Intelligence, de nombreuses entreprises de l’Etat hébreu étaient présentes sans toutefois figurer dans le catalogue officiel.
Rabat tente de cacher son jeu avec Tel-Aviv, mais…
Même si le Maroc tente de cacher son jeu, il n’y parvient pas toujours, tant les échanges et le partenariat avec Israël sont denses.
Africa Intelligence cite plusieurs événements qui ont réuni récemment des partenaires des deux pays.
La rencontre de cyber-sécurité SIT Africa Forum, organisée à Marrakech également en mai dernier, deux entreprises israéliennes, CheckPoint et Cyberreason, étaient présentes.
Le salon mondial des fruits et légumes frais tenu en février à Berlin avait accueilli le leader marocain de la tomate cerise Azura, les Domaines Zniber et le Groupe Delassus qui produit des agrumes, ainsi que deux entreprises agricoles israéliennes implantées au Maroc, Granot et Mehadrin.
Ce dernier a formé avec le marocain Ad Olam une joint-venture pour l’exportation de l’avocat marocain.
Granot a lui aussi créé en juillet 2023 une joint-venture avec le Marocain Sanam Agro pour réaliser des projets de pisciculture au Sahara occidental.
Le leader israélien de l’irrigation goutte à goutte, Nefatim, a ouvert en mars 2023 une usine à Kénitra et Rimon Group, une entreprise israélienne spécialisée dans la gestion de l’eau, gère un projet de dessalement de l’eau de mer au Maroc depuis septembre 2023.
La coopération israélo-marocaine est évidemment avant tout sécuritaire et militaire.
Il y a un mois, BlueBird Aero Systems, la grande entreprise israélienne de l’armement, a annoncé l’ouverture au Maroc d’une usine de drones. Un deuxième projet similaire est en cours.
Selon Africa Intelligence, un représentant de l’entreprise israélienne Elbit Systems ferait actuellement "des allers retours fréquents" entre les deux pays afin de concrétiser le projet de réalisation d’une usine de drones dans le royaume.