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Comment le pouvoir d’achat des enseignants s’est dégradé en 4 décennies

Comment le pouvoir d’achat des enseignants s’est dégradé en 4 décennies

En quatre décennies, le pouvoir d’achat des enseignants algériens a chuté d’une façon drastique, obligeant certains instituteurs à recourir à des métiers manuels pour arrondir leur fin du mois, et nourrir leurs familles.

A l’appel des syndicats, les enseignants ont observé une grève de trois jours, de dimanche à mardi derniers, pour protester contre la dégradation de leur pouvoir d’achat.

Le coordinateur du Syndicat autonome des professeurs du secondaire et du technique (Snapest), Meziane Meriane, établit une comparaison entre le pouvoir d’achat d’un instituteur des années 1960/70 et celui de l’enseignant d’aujourd’hui.

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Une comparaison qui reflète le degré de précarisation extrême qui a atteint le corps enseignant. « A l’époque, expose M. Meriane, l’instituteur touchait 600 DA/mois. À une époque où le dinar était à son plus haut niveau, son besoin quotidien était de 6 DA. De quoi subvenir aux besoins de sa famille de cinq personnes. Un kilo de viande coûtait à cette époque-là moins de 1 DA, une baguette de pain vingt centimes ».

« L’enseignant doit toucher 180.000 DA par mois… »

Quatre décennies plus tard, la situation a viré à l’extrême. « Actuellement, poursuit M. Meriane, pour faire face aux besoins d’une famille de cinq personnes, convenablement entendons-nous, un enseignant doit débourser au minimum 1800 DA par jour. L’enseignant doit toucher 180 000 DA par mois pour être au même niveau de pouvoir d’achat de l’instituteur des années 60/70 ».

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Aujourd’hui, le salaire d’un enseignant du lycée ne dépasse pas 50 000 DA. « Sincèrement, comment peut-il vivre avec ce salaire ? », se demande Meziane Meriane qui précise qu’il ne s’agit pas seulement de prendre en compte l’alimentation.

« Il y a aussi le transport et même s’il a une voiture, il doit payer les frais. Il faut penser également au loyer et les charges (électricité, eau…) », énumère encore le coordinateur du Snapest.

« Pour subvenir à son alimentation quotidienne équilibrée lui et sa famille, son salaire ne va pas tenir quinze jours », assure-t-il tout en alertant que la pauvreté s’est accentuée au sein du corps enseignant. « Même les couples d’enseignants se plaignent et que dire dans les familles où il n’y a qu’un seul salaire», fait observer cet instituteur.

Des enseignants-maçons, peintres, plombiers…

« Les salaires des enseignants ne sont un secret pour personne. C’est la fonction publique, c’est connu. Un enseignant débutant touche 30 000 DA et chaque 3 ans il est augmenté de 1 500 DA, et après 30 années d’ancienneté, il perçoit entre 40 et 45 000 DA. En parlant de 30 000 ou 36 000 DA voire 50 000 DA pour un père de famille, il est presque impossible de survivre avec un tel salaire », affirme Bachir Kiouas enseignant de français dans un établissement du primaire à Alger.

Et d’en expliquer les raisons évidentes comme l’inflation, la dégradation du pouvoir d’achat, la dévaluation du dinar, etc.

Comment un enseignant fait-il concrètement pour arrondir ses fins des mois et subvenir aux besoins de sa famille ? « Je connais des enseignants qui dispensent des cours particuliers ou dans des écoles privées. Même s’ils font cela il faut savoir que c’est au détriment de leur santé, de leur temps de repos », témoigne M. Kiouas qui est membre de la Coordination des enseignants du cycle primaire à Alger-est.

Plus surprenant encore, notre interlocuteur affirme que des confrères enseignants s’adonnent à des métiers manuels comme la plomberie, la maçonnerie et la peinture, pour arrondir leurs fins de mois.

« Voilà comment un enseignant survit en Algérie en 2021 », se désole-t-il. Il arrive que les enseignants débutants soient amenés à travailler en dehors de leur wilaya, avec tout ce que cela implique comme charges et frais supplémentaires, pour leurs déplacements, hébergement, restauration…

« Des enseignants dorment dans leurs classes quand un arrangement avec son directeur est possible. Ils écument les dortoirs pour un lit à 3 000 DA ou optent pour des colocations dans des taudis », relate M. Kiouas. « On a atteint l’insupportable », tempête ce professeur de français.

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