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Comment le Qatar résiste à l’embargo saoudien

Comment le Qatar résiste à l’embargo saoudien

Le Qatar a célébré avec faste, lundi 18 décembre, sa fête nationale. Les grands boulevards et les gratte-ciels de Doha ont pris les couleurs blanche et prune du drapeau national. Le portrait en relief du prince Tamim Ben Hamad Al Thani, à la tête du pays depuis juin 2013, est déployé sous plusieurs formes sur les devantures des immeubles en verre. Un défilé militaire a été organisé sur la grande avenue de la corniche de Doha en présence d’invités étrangers alors qu’une nouvelle ligne de métro a été inaugurée.

« Le sentiment patriotique est devenu plus fort ces derniers mois au Qatar. C’est le résultat de l’embargo imposé par les pays voisins » menés par l’Arabie saoudite, constate une journaliste algérienne vivant à Doha. Ilustration de ce regain de patriotisme, dans les supermarchés, des pulls, des fanions, des serviettes et des accessoires aux couleurs nationales sont très prisés par les consommateurs.

Depuis le 5 juin 2017, le Qatar est mis en isolement par ses trois voisins, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et Bahrein, qui l’accusent de « soutenir le terrorisme » et d’entretenir des relations avec l’Iran, la puissance chiite soupçonnée de vouloir « déstabiliser la région arabe ». L’Egypte a également rompu ses relations avec le Qatar.

Du jour au lendemain, ce pays de 2,7 millions habitants, s’est trouvé « coupé » du monde. La seule route qui lie la péninsule au continent passe par l’Arabie Saoudite. Or, plus de 90 % des besoins alimentaires passaient par cette route de 585 km (entre Riyad et Doha), les 10 % autres par le port artificiel de Jbel Ali aux Emirats arabes unis. La Turquie, l’Iran, le Maroc et l’Algérie sont venus à la rescousse, durant les premières semaines de l’embargo, en envoyant des denrées alimentaires et des produits frais par les voies aériennes.

Le Qatar veut booster le tourisme du shopping dans un Doha ouvert la nuit


« Qatar restera libre »

Sans terres cultivables, Qatar, pays désertique, importe presque tous ses besoins en fruits et légumes, en produits laitiers, en viandes et en médicaments de l’étranger. L’embargo terrestre, maritime et aérien imposé par les voisins a compliqué davantage la situation. Les avions de Qatar Airways ne survolent plus les territoires saoudien et égyptien, mais passent par l’Iran, puis la Syrie et la Turquie avant de rejoindre l’Afrique du Nord, l’Europe et les Amériques. Il faut donc une heure et demie de plus pour assurer la liaison Doha-Alger, par exemple (entre 6 et 8 heures de vol).

Al Hissar (l’embargo) a obligé Doha à revoir tous ses calculs et à explorer en profondeur la doctrine du « compter sur soi » en mettant en avant l’idée du « Qatar restera libre », pour souligner une volonté de n’accepter aucune tutelle extérieure, surtout de la part de l’Arabie saoudite, un royaume qui cherche à prendre le leadership politique et militaire dans la région.

« Nous sommes une lanterne qui illumine la région. Nous avons adopté un nouveau système d’enseignement et encouragé la liberté de la presse et la liberté des médias. Des valeurs nouvelles pour la région. Nous sommes également une plateforme d’énergie pour le monde entier, nous apportons de la lumière du Japon à la Grande Bretagne en fournissant de l’énergie propre et du GNL », a déclaré Mohamed Ben Abderrahmane Al Thani, ministre des Affaires étrangères du Qatar, au Doha Forum, qui s’est déroulé les 15 et 16 décembre 2018.

Doha, qui est devenue la capitale des plus grands congrès, conférences et débats du monde, soigne son image à l’étranger et consolide le front intérieur en entamant un programme de réformes économiques et culturelles. « Ici, à Doha, chaque jour, il y a un événement d’envergure internationale », constate un consultant en communication.

Le système d’enseignement qatari, qui utilise les dernières techniques pédagogiques, est connecté aux plus grandes écoles et instituts dans tous les domaines de la recherche. Un centre a été ouvert à Doha pour travailler sur l’intelligence artificielle.

Doha veut devenir un grand centre du commerce mondial


Passer à « l’économie de la connaissance »

« Nous avons fait en 18 mois ce que nous n’avons pas pu faire en 20 ans », a confié Ali Ben Ahmed Al Kuwari, ministre du Commerce, lors du Doha Forum. Selon lui, le Qatar veut modifier son modèle économique. « Nous voulons passer de l’économie du pétrole à l’économie de la connaissance », a appuyé Ali Shareef Al Emmadi, ministre des Finances du Qatar, lors d’un débat sur « les possibilité de croissance dans les marchés émergents et ses répercussions sur l’économie mondiale ».

D’après Ali Ben Ahmed Al Kuwari, le Qatar, qui se considère comme une économie émergente et s’inspirer du modèle de Singapour, veut avoir des partenariats avec tous les pays. D’où l’offensive vers l’Amérique du Sud. Le président de l’Equateur et le ministre des Affaires étrangères de l’Argentine étaient présent au Forum de Doha. Les échanges commerciaux entre l’Argentine et le Qatar ont explosé ces derniers temps, en augmentation de 60 %.

Le Qatar a également lancé des programmes d’investissements en Turquie, en Chine, en Tunisie et en Allemagne. En Italie, le Qatar a racheté le grand quartier d’affaires de Milan, le Porta Nuova, après avoir acquis beaucoup de biens à la City de Londres et à Paris (y compris dans les banlieues de la capitale française). Le montant des investissements qataris engagés à travers le monde dépasse les 100 milliards de dollars.

« Le nombre des plateformes d’exportation du port Hamad est passé de 7 à 27 en 18 mois. Et, le nombre de passagers à l’aéroport de Doha a augmenté pour atteindre 50 millions par an. En 2018, le PIB a également augmenté de 1,7 %. Idem pour les échanges commerciaux, en hausse de 16 % durant la même période », a détaillé le ministre du commerce qatari.

Doha est une ville inscrite dans la modernité


« Un pays plus ouvert sur le monde »

Le ministre a rappelé que le pays a adopté un programme de développement, « Vision 2030 », et qui consiste à rendre le Qatar « plus ouvert sur le monde ». « Et plus arrimé à la mondialisation. Il faut trouver un équilibre entre la nécessité de rester ouvert et celle de préserver les intérêts nationaux », a-t-il dit.

Pour attirer les investisseurs étrangers, le Qatar offre plusieurs avantages comme celui de pouvoir être propriétaire à 100 %. Il a également supprimé le visa pour les ressortissants de 80 pays. Selon Ali Ben Ahmed Al Kuwari, la législation sera encore allégée pour encourager les exportations et l’investissement productif.

« Le pays a réalisé un miracle en quelque mois en devenant autosuffisant en produits laitiers après avoir importé 14.000 vaches d’Australie », explique un universitaire travaillant sur les questions économiques. La société Baladna (notre pays) a rapidement pris le relais de la saoudienne Al Marai pour couvrir les besoins du marché local et s’inscrire dans une perspective d’exportation vers les marchés arabes et asiatiques.

Outre le lait, le fromage et le yaourt, Baladna, qui emploie des ingénieurs agronomes venus de partout, produit des viandes rouges et des engrais dans ses usines ultramodernes.

A Doha, le portrait de l’Emir et des drapeaux du Qatar accrochés aux grattes-ciel


Doha, future plaque tournante du commerce mondial ?

Premier exportateur de gaz naturel liquéfié au monde (GNL), le Qatar, vient de claquer la porte de l’OPEP. Il veut s’appuyer sur une stratégie gazière forte qui consolide des choix diplomatiques et politiques futurs. Le pays envisage d’augmenter sa production de gaz naturel de 30 % lors des cinq prochaines années pour dépasser la barre des 100 millions de tonnes annuellement.

Les autorités du Qatar veulent faire de Doha une plaque tournante du commerce mondial, avec l’appui de l’Iran, de la Turquie et d’Oman. Oum Al Hawl, une zone franche, sera bientôt ouverte à Doha à côté du port Hamad. Une autre zone franche est prévue à côté de l’aéroport de Doha. Et pour concurrencer le tourisme du shopping de Dubaï, des centres commerciaux de classe internationale seront construits dans le down town et la périphérie de la capitale qatarie, bien desservie par Qatar Aiways.

Les 190 appareils de cette compagnie, qui est classée dans le Top 5 mondial, assurent des vols vers 157 destinations à travers la planète. Ce mois de décembre, Qatar Airways a offre trois nouvelles dessertes vers Da Nang (Vietnam), Mombassa (Kenya) et Gothenurg (Suède). Début 2019, une ligne sera ouverte vers Ispahan, l’ancienne ville iranienne. L’aéroport de Doha est le principal hub dans le pays du golfe puisque la plupart des passagers venant d’Afrique, d’Europe ou des Amériques, en transit vers l’Asie, passent par Doha.Seul l’aéroport de Dubaï peut apporter de la concurrence.

Tout compte fait, l’embargo a incité le Qatar, habituellement indolent en matière économique, à recharger ses batteries, à relancer sa machine et à en finir avec les solutions de facilité. « Avec ou sans embargo, on continuera notre marche », a rassuré le ministre des Finances du Qatar.

Le Sheraton Doha est la plaque tournante des conférences et des congrès internationaux


Le Doha Forum est un grand rendez annuel qui regroupe l’élite mondiale


Des produits frais tunisiens dans un supermarché à Doha


L’embargo des trois pays voisins a fait naître un sentiment patriotique plus fort au Qatar

 

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