Les créneaux horaires de décollage et d’atterrissage de la défunte Aigle Azur à Orly ont été distribués : HOP, Transavia, Lufthansa, Wizzair, Easyjet, Air Caraïbes, Corsair, La Compagnie et TAP Portugal sont les heureux élus. Ils se sont partagés près de 10.000 créneaux alors que les demandes de l’ensemble des opérateurs s’élevaient à 230.000.
Ca y est. Plus de deux mois après la disparition d’Aigle Azur, les quelque 9.500 créneaux horaires de décollage et d’atterrissage (« slots ») que la compagnie aérienne française utilisait à l’aéroport parisien d’Orly ont été distribués à d’autres transporteurs. Cohor, le gestionnaire des créneaux horaires en France l’a annoncé aux compagnies aériennes ce jeudi 5 décembre. L’aéroport d’Orly étant plafonné à 250 000 décollages et atterrissages par an, ces créneaux sont rares et donc extrêmement précieux.
Un pool de 12.335 créneaux disponibles
En comptant les 3.000 créneaux que certaines compagnies comme Norwegian, Icelandair ou Royal Air Maroc (RAM) avaient perdu ces derniers mois pour des raisons diverses et qui n’avaient pas encore été distribués en raison de la baisse d’activité imposée à Orly par les travaux de rénovation de l’une des pistes, le pool de créneaux à distribuer s’élevait à 12.335 « slots ». Du jamais vu depuis les disparitions d’Air Lib et d’Aeris en 2003. L’Etat ayant fait jouer son droit de préemption à hauteur de 20% maximum de ce volume pour les attribuer aux lignes d’obligation de service public, ce sont exactement 9.868 créneaux (l’équivalent de 13 vols quotidiens) qui ont été distribués selon les contraintes parfois discutables du règlement européen sur les créneaux horaires. Ceci, alors que la somme de toute les demandes équivalaient à 230.000 créneaux, quasiment la capacité actuelle d’Orly.
Sept vols quotidiens pour les nouveaux entrants, six pour les acteurs installés
Le règlement demande de répartir les créneaux pour moitié aux compagnies déjà installées sur l’aéroport, pour l’autre aux nouveaux arrivants. Pour autant, afin de devoir éviter de devoir attribuer l’équivalent de 6,5 vols quotidiens pour les acteurs installés et les nouveaux entrants, Cohor a visiblement préféré distribuer aux compagnies de quoi exploiter au moins un vol quotidien complet. Il a en effet distribué l’équivalent de six vols quotidiens pour les compagnies déjà présentes à Orly et sept pour les nouveaux arrivants.
Trois catégories de nouveaux entrants…, dont une prioritaire
Pour ces derniers, la définition fixée par le règlement est complexe et impose une hiérarchie. Il y a en effet trois catégories de nouveaux entrants :
– les compagnies qui sont peu (moins de 5 vols par jour) ou pas présentes sur l’aéroport (même si elles appartiennent à des groupes, dans lesquels certaines filiales sont, elles, déjà présentes; à ce titre la licence d’exploitation est déterminante).
– les transporteurs qui sont déjà présents à Orly et qui demandent des créneaux pour assurer une desserte intra-communautaire sur laquelle il y a moins de trois acteurs sur cet axe (Orly et Roissy réunis). Dans ce cas-là, le nombre de créneaux est limité à l’équivalent de deux vols par jour.
– et enfin les compagnies qui combinent les deux caractéristiques précédentes, c’est à dire celles qui sont à la fois peu ou pas présentes à Orly et veulent assurer à raison de deux vols par jour maximum des lignes intra-communautaires sur lesquelles il y a moins de trois opérateurs. Or, selon l’article 10.6 du règlement européen sur les créneaux, de telles demandes sont prioritaires. Ce qui explique que les sept vols quotidiens réservés aux nouveaux entrants ont été attribués aux compagnies répondant à de tels critères. A savoir Lufthansa pour deux vols quotidiens vers Munich, HOP (la filiale régionale d’Air France) pour deux vols quotidiens également Francfort, la low-cost hongroise en pleine croissance Wizz Air (jusqu’ici présente à Beauvais) pour deux vols quotidiens, l’un vers Sofia, l’autre vers Budapest, et Easyjet UK pour un vol quotidien vers Glasgow.
Pour les six vols quotidiens réservés aux acteurs déjà présents à Orly, Air Caraïbes international, Corsair et Transavia (la filiale low-cost d’Air France) ont chacun obtenu l’équivalent de deux vols jour. Les quelques « slots restants » ont été distribués au transporteur français La Compagnie (3 vols par semaine) et à TAP Air Portugal.
Obligations de service public
Dans le même temps, la direction générale de l’aviation civile (DGAC) a également distribué les créneaux réservés aux lignes d’obligation de service public. Ce pool était gonflé par des créneaux récupérés des lignes vers Périgueux, Lannion, Annecy ou Limoges. Le détail n’a pas été communiqué mais si l’on compare la réactualisation du tableau des bénéficiaires de tels créneaux avec la précédente version, on constate que Chalair a obtenu moins de 2000 créneaux pour desservir Quimper, qu’Air France et Corsica en ont obtenu pour ajouter des vols hebdomadaires sur la Corse et que les deux compagnies du Groupe Dubreuil, French Bee et Air Caraïbes en ont également reçu pour ajouter des vols supplémentaires sur La Réunion et Cayenne. Ces deux compagnies étaient les seules sur ces axes à ne pas avoir de créneaux d’aménagement du territoire.
ASL Airlines, IAG, Volotea, Ryanair les grands perdants
Au final, le groupe Air France (HOP et Transavia) obtient 31% des créneaux disponibles, les low-cost étrangères (Wizzair et Easyjet) 23% (et quasiment la moitié des créneaux réservés aux nouveaux entrants, tandis que les compagnies françaises hors groupe Air France 31% (et plus des deux-tiers des créneaux réservés aux compagnies déjà présentes à Orly).
Si toutes ces compagnies peuvent se réjouir, d’autres, sont au contraire forcément très déçues. A commencer par la compagnie française ASL Airlines qui avait fait de nombreuses demandes de créneaux pour la desserte de l’Algérie, afin de reprendre tout ou partie du réseau de la défunte Aigle Azur. Mais aussi les low-cost Ryanair qui, selon certaines sources a pâti d’un dossier mal formulé, Volotea et Vueling qui n’ont rien obtenu (ces deux dernières avaient également demandé de nombreuses destinations en Algérie). Au-delà de Vueling, c’est tout le groupe IAG (British Airways, Iberia, Aer Lingus, Vueling, Level) qui n’obtient rien. Mais il avait fait partie des bénéficiaires lors de la précédente distribution qui avait suivi la disparition d’Air Berlin.
Les lacunes du règlement européen
Cette distribution traduit les lacunes du règlement européen sur les créneaux horaires, notamment les conditions d’attribution des « slots » aux nouveaux entrants. En utilisant la licence d’exploitation d’une compagnie comme critère de définition d’un nouvel entrant, le règlement ne prend pas en compte les compagnies appartenant à un groupe composé de plusieurs filiales. C’est le cas par exemple de HOP, filiale d’Air France. En transférant il y a quelques temps tous ses créneaux à sa maison-mère, elle s’est retrouvée à pouvoir postuler au statut de nouvel entrant, alors que le groupe Air France dispose de près de 54% des créneaux à Orly. Idem pour Easyjet UK qui a récemment transféré tous les créneaux à son entité basée à Vienne.
L’autre lacune du règlement est la priorité donnée aux nouveaux entrants qui se positionnent sur des lignes intra-communautaires sur lesquelles sont en concurrence moins de trois opérateurs. Cette priorité a empêché de facto d’accorder des créneaux à des compagnies prêtes à se positionner sur les lignes vers l’Algérie assurées autrefois par Aigle Azur. Ceux qui hériteront de droits de trafic sur ces lignes devront par conséquent les assurer au départ de Roissy, qui ne connaît pas de contraintes de capacité, si bien sûr ils ne disposaient pas déjà de créneaux à Orly.
Autant de points sur lesquels la Commission européenne serait bien avisée de se pencher dans son projet de révision du règlement.
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