Le chef d’état-major a promis que l’argent pillé du peuple sera récupéré par la force de la loi et avec la rigueur requise. Comment justement peut-on récupérer cet argent détourné soit à l’intérieur du pays ou à l’extérieur ? Que prévoit la loi ?
M. Nasreddine Lezzar, avocat d’affaires. Pour ce qui est de l’argent qui se trouve en Algérie il y a l’application de la loi 06-01 de 2006 relative à la lutte contre la corruption. Il faut dire ici que la corruption est entendu au sens large : ce sont tous les délits, les malversations, les détournements, les pratiques illicites en matière de marchés publics, qui touchent les deniers publics.
Il y a d’abord le gel, la confiscation et enfin la récupération. D’abord, on va geler les biens là où ils sont, on peut les exploiter mais ils ne changent pas de place et restent dans les comptes bancaires. Ils restent la propriété de ceux qui les ont « volés ». Il y a ensuite la confiscation : on récupère l’argent mais celui-ci reste la propriété de l’État (la justice). Pour la récupération, la justice récupère carrément les deniers à leurs propriétaires et les place soit dans des banques publiques ou les restitue éventuellement aux institutions desquels ces deniers ont été volés. Ceci pour les biens qui sont ici en Algérie.
En ce qui concerne les biens et les avoirs détenus à l’étranger, il y a les mécanismes ouverts d’abord par les instruments bilatéraux c’est-à-dire les conventions de coopération judiciaire qui sont signées entre deux pays et qui permettent l’extradition en Algérie des personnes poursuivies pour des détournements de deniers publics. Il y a aussi la convention multilatérale de lutte contre la corruption, laquelle instaure aussi des mécanismes d’entraide entre tous les pays qui sont signataires de cette convention. Cette entraide va consister à se prêter une assistance mutuelle pour le jugement des personnes poursuivies pour délit de corruption ou atteinte aux deniers publics. Il y a aussi le même mécanisme dont on a parlé précédemment à savoir le gel, la confiscation et la récupération des biens obtenus grâce aux deniers publics.
Cela concerne l’argent « connu ». Qu’en est-il des deniers cachés sous différentes formes (comptes offshores, sociétés écrans…etc.) ?
Il y a justement la convention multilatérale qui parle de toutes les techniques d’investigation. Il y a notamment un gros progrès qui a été fait en matière de levée du secret bancaire. Il existe deux pays qui, à mon avis, sont encore retardataires en la matière : la France et la Suisse. Dans ces pays, il y a tout de même des progrès qui ont été faits et où on a restreint la notion de secret bancaire, en permettant des possibilités de lever le secret bancaire, suivant cependant des mécanismes procéduraux assez complexes. Il y a, en outre, les pays qui sont complètement dans l’illégalité, ce qu’on appelle les pays offshore.
Comment parvenir à identifier la traçabilité de cet argent ?
Effectivement, c’est un problème complexe, c’est ce qu’on appelle une zone grise où les poursuites sont, non pas impossibles, mais très complexes et où on se heurte à beaucoup d’obstacles.