Les résultats du Bac 2022 en Algérie, qui ont été publiés samedi 16 juillet avec un taux de réussite de 58,75 %, ont fait réagir beaucoup d’observateurs et d’acteurs du secteur de l’éducation.

D’aucuns s’inquiètent de la dégradation de la valeur de ce diplôme à cause notamment de la moyenne d’admission fixée à 9,5/20 pour la deuxième année consécutive.

Depuis des années, les appels à réformer le baccalauréat se sont fait persistants. Des promesses ont été faites. Mais aucune réforme n’a été concrétisée. Où se situent les failles et comment y remédier ? Faut-il revoir l’enseignement secondaire dans son ensemble ?

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Autant de questions pour lesquelles nous avons sollicité Ahmed Tessa, pédagogue -auteur et ancien conseiller au ministère de l’Éducation nationale.

« Je tente une analogie qui vaut son pesant d’or. Quand les fondations d’une maison sont vermoulues et ses murs endommagés, doit-on penser à la toiture ou aux finitions d’intérieur ? C’est le cas pour le système scolaire algérien. Le préscolaire et le primaire sont les premières victimes du non-respect des normes pédagogiques universelles », assène-t-il d’entrée avant d’ajouter : « Forcément que les autres cycles en accusent le coup à leur tour ».

Et d’expliquer qu’« avant de revoir l’enseignement secondaire, il nous faut réfléchir à une refondation de notre école, voire même de notre système éducatif dans sa globalité ».

Cette année comme en 2021, la moyenne d’admission a été fixée à 9,5/20. Quelles répercussions sur le niveau des futurs étudiants ? Le pédagogue ne se fait guère d’illusion.

« Quelle que soit la moyenne arrêtée et quel que soit le taux de réussite – nous avons atteint les 61 %, il y a de cela une dizaine d’années – rien n’empêchera le taux effarant de redoublement en 1re année universitaire : on parle de 50 % et plus – et ce depuis au moins deux décennies », affirme-t-il. « Cela signifie que la qualité de notre enseignement est faible, pas seulement dans le secondaire », complète-t-il.

Pour une « école algérienne en rupture avec les archaïsmes »

Dans ce contexte, qu’est ce qui redonnerait au Bac algérien sa valeur de jadis et la reconnaissance qui lui manque tant ? Pour Ahmed Tessa, c’est « d’abord et avant tout redonner de la valeur et de la reconnaissance à l’enseignant, à la pédagogie, à la motivation de l’élève, à l’adhésion des parents ». « Bref, c’est revoir de fond en comble le fonctionnement du système scolaire », dit-il.

« Actuellement, il tourne à vide et engloutit des milliards de dinars chaque année pour de piètres résultats sur les plans instruction et éducation », fait-il observer.

Pour le Bac 2022, la filière « mathématiques » est sortie du lot en occupant la première place au classement national avec un taux de réussite de 78,78 %. Ce taux reflète-t-il la réalité de la filière ?

À entendre M. Tessa, c’est loin d’être le cas. « En 2011 ou 2012, l’École supérieure de la police de Soumaa, organisait un concours pour les bacheliers maths et sciences ayant des moyennes supérieures à 15/20. Aucun n’a décroché la moyenne. C’est dire la valeur des moyennes du bac algérien qui est truffé d’épreuves dont certaines servent à doper ladite moyenne », illustre-t-il.

Il se montre tout aussi surpris par cette percée de la filière « maths » dans laquelle les taux de réussite, il y a encore quelques années, étaient plus faibles.

 « Comment expliquer cette première place ? Serait-ce un miracle ? Pourtant ce sont les mêmes enseignants, les mêmes programmes, les mêmes méthodes d’enseignement, les mêmes manuels, voire le même rituel des cours clandestins », fait-il remarquer.

Le pédagogue conclut : « Au lieu de disserter sur les détails de cet examen, ayons une pensée pour les recalés et souhaitons que les jeunes générations d’élèves voient une nouvelle école algérienne en rupture avec les archaïsmes actuels et débarrassée des tabous qui la ligotent ».