Très attendu, le plan d’action du gouvernement devrait être dévoilé, du moins dans ses grands axes, ce jeudi 6 février, à l’occasion d’un conseil des ministres extraordinaire dédié à son examen. Sur la forme, la nature « extraordinaire » du conseil pose question, étant donné que son objet n’a rien d’imprévu.
Deux Conseils des ministres en trois jours, dont un “extraordinaire”, cela signifie au moins qu’il y a urgence, pas seulement de faire taire les voix qui s’interrogent sur le retard mis par le Premier ministre, nommé il y a plus d’un mois, à présenter son plan d’action comme le prévoit la Constitution, mais aussi de faire face à une situation économique et sociale aux perspectives peu rassurantes.
Le règlement de la crise politique et ses retombées sur l’état des libertés étant plus du ressort du chef de l’Etat, c’est sur les questions économiques et sociales que seront attendus Abdelaziz Djerad et son cabinet. Plus clairement, pour quelle stratégie optera le gouvernement pour relancer la machine économique et amorcer un début de son affranchissement des hydrocarbures ?
Mais d’abord, que réserve-t-il pour les brûlants dossiers que sont l’industrie d’assemblage automobile et électronique, les entreprises en difficultés, l’investissement dans le secteur pétrolier et le gaz de schiste ? Surtout, comment compte-t-il concilier la concrétisation des généreuses promesses électorales du président et l’impératif de rétablir les équilibres budgétaires et de stopper l’érosion des réserves de change ?
A la veille de ce conseil extraordinaire, et pour effectuer « une dernière lecture », Djerad a réuni ses ministres en conseil du gouvernement à l’issue duquel il a annoncé la couleur : ceux qui veulent des actions concrètes, des prévisions chiffrées et un échéancier précis devront attendre. « Le Plan d’action du gouvernement ne constitue pas, en soi, un plan détaillé dans lequel seraient énumérées toutes les actions à venir des secteurs, avec des objectifs quantitatifs et un échéancier de réalisation », mais (juste) un « point d’ancrage d’une méthode pour le gouvernement dans son approche visant à assurer la prise en charge des besoins de développement du pays, dans leurs différents volets », indique un communiqué du gouvernement.
Les ministres sont donc appelés à œuvrer à « affiner les politiques et les programmes à mettre en place en les déclinant, dans le détail, sur leurs feuilles de route respectives qui seront établies après l’adoption du plan d’action par les deux chambres du Parlement ». En plus clair, les feuilles de route ne sont pas prêtes et ne le seront pas avant plusieurs semaines, voire plusieurs mois.
Djerad et son équipe sont-ils à court d’idées ? Peut-être pas, mais la complexité de la situation dont a hérité la nouvelle équipe dirigeante nécessite sans doute une réflexion plus approfondie au niveau de chaque département et beaucoup de prudence. Les casse-têtes sont en effet nombreux avec un déficit abyssal des finances publiques, une baisse inexorable des réserves de changes, des prix de pétrole qui ne remontent pas, un front social en ébullition, des entreprises en difficulté, des contingents de travailleurs mis au chômage et des investissements qui ne viennent pas.
Une mission qui relève de la quadrature du cercle pour le nouveau président et son Premier ministre qui, à leur décharge, doivent aussi faire avec l’héritage de leurs prédécesseurs. Ils ont déjà dû se résigner à geler l’application d’une disposition de la loi de finances, celle relative à l’imposition des professions libérales, et ne semblent pas savoir quoi faire pour la décision précipitée d’autoriser l’importation des véhicules d’occasion.
Le cadeau le plus empoisonné laissé par les autorités de la transition demeure néanmoins la mise en difficulté de nombreuses entreprises par le fait d’une gestion à la hussarde et cette paranoïa qui s’est emparée de la sphère économique et qui nécessitera sans doute du temps pour se dissiper. En attendant qu’il affine sa stratégie et que ses ministres finalisent leurs feuilles de route, le gouvernement ne semble pas avoir d’alternative aux anciennes recettes, comme le démontre le crédit débloqué pour éviter une faillite imminente de l’Eniem, un fleuron de l’industrie nationale.