Un démenti a été apporté via (ou par) l’agence officielle APS à l’information faisant état de la levée du gel du commerce entre l’Algérie et l’Espagne.
On pourrait comprendre donc que la mesure n’est pas levée et il n’y a « aucune reculade de l’Etat » à ce sujet, pour reprendre les mots de la dépêche diffusée samedi soir.
Cependant, celle-ci ajoute plus de confusion à la situation qu’elle n’apporte d’éclairage. Sa teneur permet même de se demander s’il y a eu blocage des transactions commerciales entre les deux pays.
L’agence officielle, sans se référer à aucune source, dénie à l’Association des banques et établissements financiers (Abef) la prérogative de prendre des « décisions concernant les questions financières et commerciales qui engagent l’Etat », qui sont prises « en Conseil des ministres, par le ministère des Finances ou par la Banque d’Algérie et sont annoncées par les canaux officiels ».
Il est fait allusion à la décision de levée du blocage, signifiée deux jours plus tôt par l’Abef aux banques commerciales. Logiquement, la dénégation vaut aussi pour la note de la même association divulguée par la presse le 8 juin, instituant le gel des domiciliations bancaires pour les transactions commerciales de et vers l’Espagne, à l’exception des hydrocarbures.
Cette note a été adressée le jour même de l’annonce par la présidence de la République de la suspension du traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération signé avec l’Espagne en 2002.
Que faut-il comprendre de la dépêche de l’APS de samedi 30 juillet ? Qu’il n’y a pas de « reculade » de l’Etat parce que le gel du commerce est toujours de mise ou parce qu’il n’y a jamais eu de blocage pour parler de reculade ? Le flou est si épais que toutes les lectures demeurent possibles.
Cela dit, il est inconcevable qu’une « fausse information » d’une telle importance puisse attendre près d’un mois pour se faire démentir, de surcroit par l’agence de presse officielle
Si la décision (du blocage) a été prise de sa propre initiative par l’Abef, « une association à caractère professionnel » ayant pour seule mission la défense des « intérêts de ses adhérents », dont des banques étrangères comme le rappelle subtilement l’APS, il est tout aussi incompréhensible que le rappel à l’ordre tombe aussi tardivement.
Ni confirmation ni démenti
La note de l’Abef a été rendue publique le 8 juin et a été suivie d’une avalanche de réactions, suscitant même la saisine par l’Espagne de la Commission européenne et une mise en garde publique de cette dernière à l’égard de l’Algérie.
« L’UE est prête à s’opposer à tout type de mesures coercitives appliquées à un État membre de l’Union européenne », avait déclaré le 10 juin dans une déclaration commune le haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères, Josep Borrell, et le vice-président de la Commission européenne, Valdis Dombrovskis.
Dans sa réaction, le ministère des Affaires étrangères a dénoncé la « précipitation et le parti-pris de ces déclarations » qui « mettent en évidence le caractère inapproprié de leur contenu », rappelant que la crise avec l’Espagne est « un désaccord politique avec un pays européen de nature bilatérale n’ayant aucune incidence sur les engagements de l’Algérie à l’égard de l’UE et ne nécessitant par voie de conséquence nullement le déclenchement d’une quelconque consultation européenne aux fins de réaction collective ».
Dans ce communiqué diffusé le 10 juin, il n’a pas été fait référence au blocage du commerce entre l’Algérie et l’Espagne. Il n’y a eu ni confirmation ni démenti.
Seule la représentation algérienne à Bruxelles a rendu publique une déclaration qui peut s’apparenter à une timide infirmation. « S’agissant de la prétendue mesure d’arrêt par le gouvernement des transactions courantes avec un partenaire européen, elle n’existe en fait que dans l’esprit de ceux qui la revendiquent et de ceux qui se sont empressés de la stigmatiser », avait indiqué la représentation diplomatique algérienne, également le 10 juin.
« Aucune information officielle n’a été rendue publique à ce sujet par les autorités ou les institutions compétentes », rappelle l’APS dans sa dépêche. Celle-ci, sans référence à une source officielle identifiée ou anonyme, demeure elle-même un commentaire de presse qui n’a aucun cachet officiel, quand bien même elle émane de l’agence d’Etat et lue et relue dans les journaux télévisés de la télévision publique.
Dans ce cafouillage, c’est la gestion de l’économie et l’image du climat des affaires en Algérie qui sont malmenés. On est au moins devant deux organes, une association professionnelle et un média officiel, qui se substituent aux voix habilitées dans une affaire hautement sensible.