Les résultats de notre commerce extérieur semblent confirmer mois après mois, depuis maintenant près de deux ans, la résistance des importations aux différentes mesures de contingentement adoptées par le gouvernement.
Dans ce domaine, les dernières statistiques publiées hier par l’administration des douanes suggèrent que le scénario pour l’année 2018 risque de ressembler comme deux gouttes d’eau à celui de l’année dernière.
On se souvient que l’année 2017 avait été marquée par une réduction très minime des importations, de seulement 2%, soit une économie de moins de 1 milliard de dollars sur la facture de nos achats à l’extérieur, en dépit d’un dispositif de licences d’importation élargi progressivement à un grand nombre de produits.
La maigreur des résultats obtenus l’année dernière avait conduit à l’annonce spectaculaire de l’abandon des licences. Près de 2 ans après leur mise en place, l’ancien ministre du Commerce Mohamed Benmeradi, annonçait le 19 décembre dernier, la suppression du système des licences en 2018 sauf pour les véhicules. Avec beaucoup de franchise, il précisait que ce dispositif avait été « critiqué et est considéré comme pas suffisamment transparent. Une mesure à caractère bureaucratique et administratif, nous avons décidé qu’il n’y aura plus de licences ».
Un scénario qui se répète
Exit donc les licences qui ont été remplacées immédiatement par une liste élargie de 851 produits suspendus « provisoirement » à l’importation depuis le début de l’année 2018. Problème : le nouveau système ne semble pas produire de résultats très significatifs non plus.
L’année avait pourtant bien commencé et pouvait susciter beaucoup d’espoir pour les fonctionnaires du ministère du Commerce qui ont conçu et tentent encore de perfectionner le nouveau dispositif.
Au cours des mois de janvier et février, on enregistrait en effet une baisse importante des importations réduites de près de 11% par rapport à la même période de l’année dernière. Fin mars, les choses commençait déjà à se gâter avec des importations réduites de seulement 6% au premier trimestre. Les résultats à fin avril ont été rendus publics hier : la diminution des importations sur les 4 premiers mois de l’année est désormais inférieure à 5%. Plus précisément, les importations se sont établies à 15,22 milliards de dollars contre 15,99 milliards en 2017, soit une baisse de 771 millions de dollars correspondant à un recul de 4,8%.
Dans ce contexte, elles devraient, selon toute vraisemblance, rester supérieures à 45 milliards de dollars pour l’ensemble de l’année en cours (contre 46 milliards de dollars en 2017) et enregistrer au fil des mois à venir une diminution de plus en plus modeste par rapport aux résultats de l’année dernière en mettant de nouveau sur la sellette le dispositif administratif de contrôle des importations.
Des importations de biens de consommation en hausse…
Comment expliquer cette résistance des importations ? En entrant dans le détail des résultats communiqués par les douanes, on s’aperçoit que deux groupes de produits se comportent en réalité de façon bien différentes. Depuis près de deux ans en effet, les importations de biens de consommation augmentent tandis que les importations de biens d’équipement sont en recul constant et sensible.
Ce résultat, préoccupant et totalement paradoxal par rapport aux objectifs annoncés par le gouvernement, est pourtant inscrit de façon évidente dans les dernières statistiques de notre commerce extérieur.
À fin avril 2018, les importations de biens de consommation alimentaires sont en hausse de 5% par rapport à la même période de l’année dernière en dépassant déjà la barre des 3 milliards de dollars. De leur côté, les biens de consommation non alimentaires sont en augmentation encore plus sensible et ont été importés depuis le début de l’année pour 2,9 milliards de dollars contre 2,6 milliards l’année dernière (+8,1%).
La conclusion semble couler de source : les mesures de suspensions des importations, qui sont sensées précisément réduire les importations de produits finis destinés à la consommation, sont inefficaces et sans effet sur la facture d’importation de ce type de produits.
Une analyse plus fine révèle en réalité que les importations de produits alimentaires sont essentiellement boostées par les achats de céréales qui ont augmenté de plus de 8% depuis le début de l’année et celles de produits laitiers qui augmentent au rythme plus modéré de 1%.
En revanche, les importations de sucre et sucreries sont bien en baisse sensible de plus de 20%.
Côté importations de biens de consommation non alimentaires, la facture s’alourdit essentiellement en raison de l’augmentation considérable des achats de médicaments qui sont en hausse de plus de 40% depuis le début de l’année en cours tandis que les importations de collections CKD, qui sont classées curieusement comme des biens de consommations par les douanes algériennes, affichent une hausse de plus de 70%.
…et une baisse inquiétante des importations de biens d’équipement
Le résultat le plus surprenant et le plus inquiétant de notre commerce extérieur est que la réduction des importations en ce début d’année est surtout imputable à une diminution très sensible des importations de biens d’équipement. C’est ainsi qu’à fin avril, les biens d’équipements industriels ont été importés pour 4,13 milliards de dollars contre 5,34 milliards l’année dernière soit une baisse considérable de plus de 22,6%. Même résultat pour la facture d’importation des biens d’équipements agricoles qui s’est établie à 187 millions de dollars contre 250 millions (-25,2%).
Une information qui ne constitue pas forcement une très bonne indication à propos du climat de l’investissement dans notre pays. Cette tendance inquiétante ne date d’ailleurs pas de cette année et les importations de biens d’équipements avaient déjà enregistré une baisse de 8,4% en 2017 qui semble s’amplifier considérablement en 2018.
Fournisseurs : la Chine qui recule et l’Europe qui progresse
Si les mesures de contingentement des importations semblent être impuissantes à réduire et surtout réorienter significativement nos approvisionnements à l’extérieur, elles semblent en revanche produire des résultats sensibles dans le classement et les parts de marché respectives de nos principaux fournisseurs.
À fin avril 2018, la Chine est encore en tête de nos fournisseurs avec 15% des importations algériennes, mais le montant des importations en provenance de ce pays est en baisse très forte de plus de 28%.
Le fournisseur chinois est désormais suivi de près par un groupe compact de pays européens dont la part de marché est en augmentation sensible depuis le début de l’année et la mise en place du dispositif de suspension de certaines importations. De quoi donner des arguments aux fonctionnaires algériens dans leurs négociations avec l’Union européenne.