TRIBUNE. La communauté algérienne en France, mais plus globalement les communautés arabes et musulmanes, vivent les événements tragiques en Palestine avec les mêmes sentiments de révulsion et d’injustice que tous les autres peuples du monde, y compris le peuple français lui-même, il faut le dire.
Révulsion devant le traitement de l’information par certains médias français, alignés sur les éléments de langage du gouvernement suprémaciste israélien, qui pratique impunément l’apartheid et la colonisation et se rend en ce moment même coupable de crimes de guerre et de génocide.
Ces crimes ne semblent pas gêner outre mesure ces médias qui trouvent dans le conflit actuel une nouvelle opportunité de s’adonner à leur exercice préféré, celui qui consiste à donner la parole à des personnages politiques et médiatiques hideux dont la passion est de charger les Arabes et les musulmans, certains par conviction raciste et xénophobe, d’autre pour des raisons politiques et électoralistes.
C’est ainsi que tout ce syndicat du racisme et de la xénophobie est convoqué dans une sorte de concours d’immondice et d’immoralité, comme un hymne à la haine de l’autre, l’étranger, dans une orgie hystérique et xénophobe.
À telle enseigne, et comme le ridicule ne tue pas, on a même eu droit sur un plateau TV à un personnage médiatique venu nous expliquer qu’il fallait se méfier des arabes et des musulmans parce qu’ils travaillent majoritairement dans le bâtiment et qu’ils manipulent, de ce fait, des explosifs qu’ils pourraient retourner contre les Français !
Et faut-il revenir sur les propos de ceux qui affirment à l’antenne vouloir dégommer ceux qui ne sont pas de leur avis ?
Hallucinant ! Mais c’est bien ce que l’on voit et ce que l’on entend à la télévision française aujourd’hui sans que cela ne soulève l’ire de tous ceux qui ne guettent que les faits et gestes des Arabes et des musulmans pour crier au loup et ruer dans les brancards médiatiques.
Imaginez un instant si de tels propos avaient été prononcés par un Français d’origine algérienne ? Quel déchaînement politique et médiatique que nous aurions eu !
Cette stigmatisation à outrance des Arabes et des musulmans, outre qu’elle relève de la justice, est servie en toute impunité dans le paysage audiovisuel d’un pays qui se veut pourtant être un modèle de démocratie respectueuse des libertés et des droits de l’homme.
Ce glissement raciste et xénophobe ne date bien évidemment pas d’aujourd’hui puisqu’il s’était déjà accentué lors des élections présidentielles françaises de 2022 en faisant de la haine des Arabes et des musulmans, et des Algériens en particulier, un enjeu de pouvoir. Et les derniers débats sur la loi relative à l’immigration en est un parfait exemple.
Révulsion aussi devant la réaction et les prises de position des responsables politiques, qui non seulement se sont alignés sur Israël, mais ont accouru sur place en plein massacre des Palestiniens, non pas pour exprimer une compassion pour les victimes qui vivent les meurtres de masse ciblant délibérément les journalistes, les femmes, les enfants et les vieillards, les hôpitaux, les ambulances et le personnel médical, mais bien pour soutenir Israël et son gouvernement.
Ce faisant, ces responsables politiques importent eux-mêmes sur le sol français le conflit israélo palestinien et accentuent, de ce fait, les divisions dans la société française, alors qu’ils sont censés être en responsabilité d’apporter cohésion et sérénité dans la société. Naturellement, la mauvaise foi aidant, ils ne manquent pas de faire porter sur les Arabes et les musulmans l’importation du conflit.
Il faut néanmoins souligner ici l’exception notable du parti de La France Insoumise qui a refusé avec courage de se fourvoyer dans cet alignement aveugle et complice et de céder aux oukases des inconditionnels d’Israël.
Le personnel politique français qui s’est déplacé en Israël, ne l’a pas fait non plus pour demander un arrêt des crimes de guerre en cours, mais pour réaffirmer en chœur au gouvernement israélien le droit inconditionnel d’Israël à se défendre et donc de commettre plus de crimes de guerre et de génocide contre les Palestiniens.
Parmi ces inconditionnels, on retrouve de hauts responsables de l’État et un certain nombre de députés dont on ne sait plus à laquelle des deux représentations nationales, française ou israélienne, ils appartiennent.
Là aussi, essayez d’imaginer ce que cela aurait donné si des députés d’origine algérienne avaient fait le déplacement en Cisjordanie ou à Gaza pour exprimer leur soutien aux Palestiniens. À coup sûr, nous aurions eu droit à l’hystérie et à un déchaînement médiatique et politique et probablement à des poursuites judiciaires, des déchéances de mandat et de nationalité.
Tout le monde a bien évidemment en tête le lynchage officiel, politique et médiatique auquel a eu droit un footballer qui a simplement osé déclarer sa compassion pour les Palestiniens, sans d’ailleurs porter de jugement sur les crimes perpétrés par Israël.
Là aussi, le récent débat sur le projet de loi sur l’immigration a permis de voir comment des députés d’origine algérienne qui ont pris position contre ce projet ont été traités et ramenés à leurs origines.
Révulsion, enfin, devant les tentatives de bâillonner tous ceux qui osent exprimer leur soutien au peuple palestinien et leur condamnation de l’odieux régime colonialiste israélien.
On a d’abord tenté d’interdire de manière générale et permanente toute manifestation publique de soutien aux Palestiniens, et le comble de la duperie et de l’hypocrisie, juste après avoir organisé et fait la promotion du rassemblement de soutien à Israël du 9 octobre auquel ont participé de hauts responsables de l’État.
L’instruction donnée à tous les préfets par le ministre de l’Intérieur pour interdire les manifestations de soutien à la Palestine précisait que cela pouvait être porteur de potentiels troubles à l’ordre public.
Cette insidieuse et sournoise assertion laissant à penser que les soutiens des Palestiniens sont par nature des fauteurs de troubles, car l’arrière-pensée sous-jacente est que ce ne peut être que des arables et des musulmans.
C’est ainsi que plusieurs manifestations ont été interdites et des milliers de contrevenants ont été verbalisés.
En parallèle, on assiste à des velléités de criminalisation de toute expression anti sioniste assimilée ipso facto à de l’antisémitisme.
C’est bien évidemment du terrorisme intellectuel auquel s’ajoutent d’autres tentatives de dissuader quiconque de faire le moindre parallèle entre ce que les Européens ont fait subir aux Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale et ce que les Israéliens font subir aux Palestiniens depuis des décennies.
Les mots extermination, pogrom, déportation, rafles… sont ainsi devenus des mots réservés, privatisés, et qu’il ne faut surtout pas appliquer aux autres, et certainement pas aux Palestiniens complètement déshumanisés.
Toute cette énumération non exhaustive crée chez la communauté musulmane de France, et chez nos compatriotes particulièrement ciblés, un fort sentiment d’injustice et d’inquiétude, pour ne pas dire d’insécurité, a fortiori lorsque les partisans de la chasse aux signes religieux musulmans n’hésitent pas à assumer que les principes et professions de foi laïques puissent être bafoués dans l’enceinte même du temple de la République.
Tout cela met en exergue ce deux poids deux mesures déjà perceptible et désormais assumé et sublimé, aussi immoral et odieux soit-il. Un deux poids deux mesures qui a fini par accentuer la pression sur les communautés arabes et musulmanes de France et libéré et banalisé une parole xénophobe qui n’est plus désormais le seul apanage des partis racistes historiques.
Ces nouvelles réalités interpellent profondément les membres de notre communauté, en particulier les différentes générations nées en France, et les interrogent sur leur capacité à défendre leurs droits et leur dignité dans ce nouveau contexte tout en restant en sécurité et en sérénité en France. À l’évidence, désormais, la question du projet de vie en France se pose pour bon nombre de nos compatriotes.
Important : les tribunes publiées sur TSA ont pour but de permettre aux lecteurs de participer au débat. Elles ne reflètent pas la position de la rédaction de notre média.
*Vice-président de Jil Jadid
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