Le complexe sidérurgique d’El Hadjar est en ébullition. Depuis deux semaines, un conflit social déclenché par des travailleurs sous contrats de travail aidé (CTA) et d’autres sous contrats de travail à durée déterminée (CDD), paralyse une partie de ses installations. Les grévistes réclament des contrats à durée indéterminée (CDI).
Mercredi, la tension était montée d’un cran au sein du complexe et un affrontement entre travailleurs grévistes et non-grévistes a été évité de peu.
Que veulent les grévistes ?
La plupart des grévistes ont un niveau universitaire, selon Smain Kouadria, député PT de Guelma et ancien secrétaire général de la section syndicale UGTA du complexe.
Les contrats de travail aidé (CTA) relèvent du Dispositif d’aide à l’insertion professionnel (DAIP), qui a été instauré en 2008 par le gouvernement. Ce type de contrat permet aux employeurs, privés ou publics, de recruter des primo-demandeurs d’emploi, soit des jeunes diplômés, et de bénéficier d’avantages accordés par l’État. Celui-ci contribue à hauteur de 6000 à 12000 dinars au salaire de l’employé, selon la qualification de ce dernier. En outre, les employeurs bénéficient d’une réduction des charges patronales.
Combien sont-ils ?
La section syndicale, la direction du complexe et le ministère de l’Industrie donnent des chiffres différents quant au nombre de grévistes.
Daoudi Skander, chef de la division du suivi des participations de l’État au ministère de l’Industrie affirme qu’ils sont « tout au plus une cinquantaine, dont une trentaine de meneurs connus » et « une centaine à participer au blocage en journée ».
« Le complexe compte 1 600 travailleurs sous CTA ou CDD qui sont concernés par le mouvement et environ 400 participent à la protestation et au blocage », indique Djemai Rédha, Secrétaire général de la section UGTA de l’aciérie.
Autre point de divergence entre le syndicat et le ministère de l’Industrie, la perception qu’ont les non-grévistes du mouvement de protestation. Si le premier affirme que les non-grévistes sont solidaires, Daoudi Skander assure le contraire. « Les travailleurs non-grévistes ont failli s’en prendre aux grévistes », affirme-t-il.
Les grévistes attaqués avec des chiens ?
Dès le début de leur mouvement de protestation, les grévistes ont planté des tentes sur le rail servant à transporter le métal produit dans le haut-fourneau vers les autres ateliers du complexe. Les ateliers ont fonctionné, malgré ce blocage, jusqu’à hier mercredi 19 décembre, grâce à leur stock, selon M. Daoudi. Mais l’activité a fini par cesser « faute d’approvisionnement par le haut-fourneau », explique le cadre du ministère de l’Industrie.
Les travailleurs ne faisant pas partie du mouvement de protestation ont mal vécu cet arrêt de leur activité et y ont vu une menace pour leurs emplois, à en croire les explications de M. Daoudi qui a affirmé qu’hier « plus de 1200 travailleurs ont essayé de s’en prendre aux grévistes ».
Les agents appartenant à la société de gardiennage privée SGS qui assure la sécurité du complexe sont intervenus pour éviter un « dérapage terrible », selon Hichem Bammoun, directeur de la communication du groupe Sider, propriétaire du complexe.
« C’est grâce à l’intervention de la SGS que nous avons pu maîtriser la situation à l’intérieur du complexe », affirme-t-il. Une version des faits confirmée par le Directeur général de SGS : « Nous avons formé un bouclier autour des grévistes pour éviter l’affrontement entre eux et les autres travailleurs ».
Quant aux chiens, leur présence près du haut-fourneau où étaient rassemblés les grévistes est habituelle et normale, selon le DG de SGS. « Les chiens n’ont pas été amenés là contre les travailleurs. Le haut-fourneau est un point gardé et il y a toujours des maîtres-chiens », détaille-t-il.
Hier, les syndicalistes ont affirmé, que l’intervention des agents de la SGS avait pour but de « les déloger par la force ».
Quel sort pour le complexe d’El Hadjar ?
Le complexe sidérurgique est à l’arrêt total depuis hier mercredi, selon M. Daoudi. Le haut-fourneau qui fournit la matière première aux divers ateliers de l’usine, est à l’arrêt depuis dimanche 9 décembre, dès le blocage, par les grévistes, du rail de transport du métal du haut-fourneau vers les ateliers.
« L’activité dans les ateliers a pu se poursuivre grâce aux stocks en métal de ceux-ci », affirme Daoudi Skander mais dès hier, les stocks épuisés, l’ensemble des travailleurs du complexe ont vu leur activité suspendue.
Le haut-fourneau, élément principal de l’aciérie est également le plus sensible. « En cas de refroidissement du fer qui se trouve dans le four, il faudra une réfection totale alors que nous l’avons déjà faite l’année passée », s’inquiète le cadre du ministère de l’Industrie.
Pour lui, un endommagement du haut-fourneau conduirait à la fermeture du complexe. « Le haut-fourneau ne pourra tenir que jusqu’à lundi, au-delà, il n’y aura plus d’El Hadjar, à cause d’une trentaine de grévistes », avertit M. Daoudi.
Le complexe d’El Hadjar est en phase de relance avec plusieurs opérations de mise à niveau lancées récemment alors que l’entreprise souffre d’un « lourd endettement », héritage de « la privatisation ratée et de la gestion de l’ancien syndicat », affirme M. Daoudi. Pour lui, cette situation rend la permanisation des travailleurs impossible car cela représenterait « une charge que l’entreprise ne pourra pas supporter ».
« Ces travailleurs ne nous laissent plus que deux choix, soit fermer El Hadjar tout de suite, soit le fermer dans quatre mois, la durée que pourra tenir l’entreprise si nous accordons ces augmentations de salaires », insiste Daoudi Skander.