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Comptes devises : un changement de politique et des inquiétudes

Comptes devises : un changement de politique et des inquiétudes

Changement de cap des autorités algériennes dans la gestion des flux de devises. Il y a à peine une année, la Banque d’Algérie encourageait les citoyens à multiplier les dépôts en monnaies étrangères au niveau des banques de la place, instruites d’alléger le dispositif réglementaire pour l’ouverture de comptes devises, en renonçant notamment à l’obligation de justifier la provenance des fonds.

C’était en juin 2018, lorsque la priorité était donnée à la captation d’une partie de la masse monétaire de l’informel vers les circuits bancaires.

Cette semaine, une note du gendarme financier est venue serrer de nouveau la vis. « L’alimentation des comptes devises à partir du montant de 1 000 euros doit être justifiée par une déclaration douanière d’importation de cette somme ».

La disposition peut à première vue paraître louable en ce sens qu’elle pourrait constituer un outil supplémentaire dans la lutte contre la corruption, blanchiment d’argent et surtout les transferts illégaux de capitaux vers l’étranger. La Banque d’Algérie n’a rien inventé. Les règles relatives au contrôle des flux de capitaux et à la lutte contre toutes sortes de trafics financiers sont universelles et elle ne fait que les appliquer.

Sauf qu’il y a comme une grosse omission de sa part, un paramètre fondamental qui semble ne pas avoir été pris en compte. Il s’agit de la législation et de la réalité du marché de change local, fait essentiellement de la double parité de la monnaie nationale (un taux officiel et un autre parallèle) et l’inexistence de bureaux de change aussi bien dans les textes que dans les faits.

La Banque d’Algérie ne peut pas l’ignorer, tout comme elle n’est pas sans savoir que chaque Algérien a droit seulement à l’équivalent de 15 000 dinars (un peu plus de 100 euros) d’allocation touristique annuelle. Du coup, il n’était pas difficile de deviner la provenance de toutes les sommes qui servent pour diverses prestations à l’étranger, comme les soins et les inscriptions dans les universités, qui doivent être justifiées par des relevés bancaires conformément aux législations des pays d’accueil.

Tout le monde sait que les étudiants algériens, les malades et parfois même les pèlerins, s’approvisionnent en monnaie étrangère au marché parallèle, dont le square Port-Saïd, à Alger, est l’une des places fortes. Les pensions des retraités de France sont converties en dinars à longueur d’année sur les trottoirs improvisés en bureaux de change où tout le monde semble trouver son compte.

Vouloir y mettre un terme c’est bien, mais penser à tous ceux qui seront pris au dépourvu, c’est mieux. Dans beaucoup de pays européens, 100 euros, c’est à peine le prix d’une ou deux nuitées dans un hôtel tout juste potable. Pour les étudiants, c’est 7500 euros minimum pour chaque année d’étude en France que le postulant doit justifier. Les frais de soins doivent aussi être justifiés à l’avance pour éviter les contentieux relatifs à la couverture sociale, de plus en plus nombreux depuis quelques années.

Question : comment feront, en l’absence d’alternative au marché informel de la devise, les milliers d’étudiants qui s’inscrivent chaque année à l’étranger, les malades qui n’ont pas de prise en charge et qui sont tout aussi nombreux ?

Les acquéreurs de véhicules d’occasion dont l’importation devrait être autorisée dès le début de l’année prochaine, pourront alimenter leurs comptes en présentant la domiciliation, mais pour les étudiants, les malades et d’autres franges, un sérieux casse-tête risque de se poser.

Cette énième aberration devrait relancer le débat sur l’ouverture des bureaux de change que le gouvernement et la Banque d’Algérie refusent toujours d’envisager. Avec des arguments, faut-il le souligner, pas toujours convaincants.

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