Longtemps désignée du doigt pour son inefficacité ou ses compromissions, l’opposition algérienne est face à une responsabilité historique.
De sa capacité à s’entendre et des décisions qu’elle prendra dans cette conjoncture particulière dépendra son avenir, voire celui du pays.
Le pouvoir politique vient en quelque sorte de lui jeter la patate chaude en lui laissant le soin de définir, à travers un dialogue auquel il ne participera pas, tous les mécanismes, les garanties et l’échéancier de l’élection présidentielle qui devrait permettre à l’Algérie de tourner la page de la crise.
Faut-il oui ou non accepter la proposition émise par Abdelkader Bensalah au nom du pouvoir ? Telle est la grande question qui taraude sans doute les états-majors des partis politiques au lendemain de cet énième discours à la nation du chef de l’État par intérim. Sans doute aussi que l’ordre du jour de la conférence dite du dialogue national, qui va se tenir ce samedi 6 juillet à l’initiative d’une partie de l’opposition, sera légèrement, voire profondément chamboulé et que la « nouvelle approche » du pouvoir prendra sa part dans les débats.
Les partis des Forces du changement, une dizaine, ainsi que quelques confédérations syndicales et organisations de la société civile avaient programmé un conclave pour le lendemain de la célébration de la fête de l’Indépendance et du vingtième vendredi pour discuter des modalités des discussions éventuelles à mener avec le pouvoir. Mais voilà que celui-ci vient de signifier qu’il ne souhaite plus dialoguer, offrant à la classe politique plus que ce qu’elles réclamaient, soit l’exclusivité de décider de tout ce qui a trait au scrutin présidentiel, y compris le choix de la composante de l’instance qui l’organisera, le supervisera et annoncera ses résultats.
Le pouvoir n’a rien cédé sur ses préalables qui sont le refus d’une période de transition, le respect du cadre constitutionnel donc le maintien en poste du chef de l’État et du Premier ministre et l’organisation d’une élection présidentielle dans des délais « raisonnables ». Soit tout le contraire des revendications que le hirak réitère limpidement chaque vendredi.
Aussi, l’offre lue à la télévision par Bensalah ne fait pas référence à la levée des entraves aux libertés, nombreuses depuis quelques semaines. Au contraire, un passage entier les justifie presque. Ce n’est pas la quadrature du cercle, mais l’équation qui se pose à la classe politique est au moins difficile à résoudre car la proposition du pouvoir s’apparente dans certains aspects à une véritable opportunité.
Les participants à la conférence de ce samedi seront face à la responsabilité historique de ne pas la laisser passer et celle de ne pas se laisser mener en bateau une énième fois par le régime.
Le même dilemme se posera sans doute à l’autre faction de l’opposition, les partis de l’Alternative démocratique qui tiennent jusque-là une ligne plus radicale en exigeant des mesures d’apaisement comme préalable à toute discussion.
Les deux camps pourraient néanmoins se donner bonne conscience en rendant au pouvoir une réponse unique qui serait intransigeante sur cette exigence de l’ouverture préalable des champs médiatique et politique et de la cessation immédiate des atteintes à la liberté d’expression, de manifester et de circuler.
À moins que les conjectures qui entourent les motivations de la conférence de ce samedi ne soient pas une vue de l’esprit…