Karim Zéribi va lancer vendredi 8 mars à Paris le Conseil mondial de la diaspora algérienne (CMDA), le nouvel outil du soft power algérien à l’étranger.
Dans cet entretien, cet ancien député européen nous dit tout sur cette instance inédite. Il parle de ses objectifs, du soft power algérien à l’étranger, de la volonté de beaucoup de Franco-Algériens de revenir investir en Algérie….
Vous allez lancer vendredi 8 mars le Conseil mondial de la diaspora algérienne. Pourquoi avez-vous pris cette initiative ?
Karim Zéribi : Cela fait plusieurs mois que le président de la République Abdelmadjid Tebboune lance des appels à la diaspora algérienne installée partout dans le monde.
Ces appels, que nous n’avions jamais senti aussi forts et sincères auparavant, ont raisonné positivement et nous ont donné envie de créer une instance de dimension internationale capable de rassembler les forces vives de notre diaspora à l’échelle mondiale.
De plus, il est important de rappeler qu’en qualité d’Algérien de nationalité ou Algérien d’origine, nous sommes tous naturellement attachés à la terre de nos ancêtres.
Nos racines communes ajoutées à notre détermination à agir positivement au service de l’Algérie peuvent être utiles au développement économique, culturel et sportif de ce grand et beau pays.
Pour toutes ces raisons, nous avons décidé de créer le Conseil mondial de la diaspora algérienne, instance unique et inédite qu’aucune autre diaspora ne possède à ce jour.
La diaspora algérienne a-t-elle besoin d’une telle structure ?
Karim Zéribi : Oui, nous avons indéniablement besoin de mieux nous connaître, de nous identifier, de nous rencontrer afin d’envisager ensemble la mise en place de synergies et de mécanismes de solidarité et d’entraide.
De nombreuses associations réunissant différentes franges de la diaspora algérienne existent et font un travail remarquable à l’échelle nationale mais il nous est apparu nécessaire de créer une instance qui dépasse les frontières car à l’ère d’une mondialisation ouverte et dans un monde interdépendant nous devons agir en diaspora ambassadrice de notre pays d’origine et force de propositions avec les compétences qui la composent.
Je dis souvent que nous possédons d’innombrables talents individuels algériens ou d’origine algérienne dans le monde sans jamais nous connaître et nous retrouver collectivement.
Avec le CMDA, nous aurons désormais la possibilité de créer ce réseau mondial de compétences au service des projets de chacune et chacun mais également au service du développement de l’Algérie en de nombreux domaines.
La diaspora algérienne en France est parfois marginalisée, stigmatisée, attaquée par les courants d’extrême-droite. Une telle structure ne risque-t-elle pas de la stigmatiser davantage ?
Karim Zéribi : Non au contraire, elle va nous permettre de nous compter et de démontrer que nous sommes utiles voire indispensables au bon fonctionnement de la société française.
Si demain l’on se passait de cette diaspora que l’on retrouve chez les chefs d’entreprises, les professeurs de l’éducation nationale, les médecins, les fonctionnaires mais également tous les services publics et les employés qui exercent des métiers essentiels à la vie quotidienne sans oublier les figures emblématiques du monde du sport et de la culture, c’est l’économie française et plus largement le rayonnement de la France dans le monde qui se trouverait largement pénalisés.
Lors de ce dîner de gala à Paris ce vendredi 8 mars nous aurons la présence de cette diaspora qui entreprend, qui rayonne et qui représente un potentiel humain extraordinaire tant pour la France que pour l’Algérie.
En Algérie, la diaspora peine à trouver sa juste place. Tous les projets gouvernementaux algériens pour attirer la diaspora ont échoué. Comment faire en sorte pour que l’Algérie profite pleinement de sa diaspora ?
Karim Zéribi : Il y a une méconnaissance des dispositifs existant en Algérie pour encourager l’esprit entrepreneurial et diversifier l’économie nationale algérienne.
La diaspora a besoin d’être orientée sur le plan administratif, accompagnée dans les partenariats à mettre en œuvre et formée parfois à la législation algérienne sans oublier la partie qui consiste à trouver des fonds pour mener à bien un projet économique quel qu’il soit.
Nous servirons de comptoir pour accueillir les porteurs de projets qui désirent investir en Algérie. J’ajoute que cette diaspora a également un rôle à jouer là où elle est installée car chacun sait qu’en parallèle de la diplomatie officielle il y a des voix économiques, scientifiques, culturelles ou sportives qui peuvent s’exprimer dans une approche de soft power.
Nous devons intégrer cette dimension car le terme lobbying qui est péjoratif en France l’est beaucoup moins chez les Anglo-Saxons qui savent s’appuyer sur leurs sociétés civiles en vue de défendre leurs intérêts.
C’est un angle qui sera abordé au sein du CMDA car très souvent l’Algérie est victime d’attaques ou de critiques injustes et infondées, il faudra compter avec nous désormais pour répondre aux contrevérités et aux fake-news.
De nombreux entrepreneurs algériens de France veulent investir en Algérie. Comment expliquez-vous ce nouveau phénomène ?
Karim Zéribi : La situation économique et sociale s’est fortement dégradée ces derniers mois en France et plus largement en Europe. Il y a un manque de perspective et un moral qui n’est pas au beau fixe pour une grande partie des Français dont font partie les binationaux de la diaspora.
La forte inflation, les salaires qui stagnent, le chômage qui semble repartir à la hausse et certains pans de l’économie en crise indiquent globalement que la confiance en l’avenir n’est pas là.
L’Algérie et plus largement le continent africain représentent au contraire une destination où beaucoup restent à faire en matière de développement économique, ce qui augure d’un avenir potentiellement prospère pour celles et ceux qui possèdent un esprit entrepreneurial et qui sont porteurs de projets en tous domaines.
De plus, il y a une fibre affective qui rentre en ligne de compte pour la diaspora car l’Algérie représente nos racines et envisager une implantation dans le pays de ses parents et grands-parents possède une forte portée émotionnelle et symbolique.
Entre opportunités économiques et attachement à la terre de ces ancêtres vous avez là les raisons principales qui expliquent les projets de retour au pays.
Enfin, il ne faut pas non plus se voiler la face en omettant d’évoquer la montée de l’islamophobie et du racisme sous toutes ses formes en France.
L’idéal républicain semble avoir du plomb dans l’aile aux yeux de certains binationaux qui ne supportent plus de devoir trop souvent se justifier sur le plan identitaire.
Ces derniers, trouvant l’air relativement irrespirable en France, ont décidé d’investir dans un nouveau projet de vie en Algérie. Ainsi, dans ce contexte, le CMDA trouve sa raison d’être assez naturellement en servant d’interface pour accompagner les projets de la diaspora.
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