Le président du RCD Mohcine Belabbas a prononcé un discours à l’ouverture des travaux du Conseil national de son parti, ce vendredi 1er février, que nous publions intégralement.
“Mesdames et messieurs Bonjour et bienvenus
Nous tenons ce conseil national presqu’une année après notre 5ème congrès et à l’orée du 30ème anniversaire de la fondation de notre parti : le RCD.
En cette double occasion, je tiens, en votre nom à toutes et à tous, à rendre hommage à tous ceux qui ont rejoint le Rassemblement pour militer sincèrement dans nos rangs dans le but de vaincre les peurs et porter haut et fort les luttes pour une Algérie de liberté, de justice, d’égalité en droits et de démocratie. Une Algérie débarrassée de la tutelle de l’autoritarisme et des idéologies importées, d’Orient ou d’ailleurs, qui ont attenté à notre souveraineté, à notre identité millénaire et plurielle et ont piégé le pays dans les méandres du sous-développement.
Nous nous inclinons devant la mémoire de tous ceux qui nous ont quittés pour un autre monde. Le RCD continue de porter leurs combats et leurs espoirs, pour mieux les honorer.
Chers amis,
Voila une année que nous avons tenu notre dernier congrès. Vous étiez témoins de l’intensité des débats au sujet des questions tactiques pour construire notre parti. Je tire personnellement une fierté de ces échanges francs et sincères. Je ne pense pas que beaucoup de formations politiques soient outillées pour organiser et assumer de telles joutes.
Mais un parti, une fois son orientation clarifiée et adoptée par son congrès, c’est l’action ! Sinon nous resterons un cercle de discussion sans influence effective sur le quotidien et le futur de notre peuple.
Dans ce dernier congrès, nous avons décidé de créer des structures dédiées à des catégories ou des segments sociaux spécifiques. Il s’agit des Jeunes Progressistes, des Femmes Progressistes, des Elus Progressistes, des Parlementaires Progressistes et de l’Emigration Progressiste. Les Jeunes Progressistes ont tenu leurs assises, juste après le congrès. Depuis la rentrée sociale, en septembre 2018, nous avons mobilisé nos militants et nos sympathisants autour des thématiques de la participation politique et socioéconomique de la femme dans un colloque nord-africain et du droit du travail avec des universitaires et des représentants d’organisations syndicales. Dans le sillage de ces activités, les Femmes Progressistes se sont dotés d’un cadre pour prolonger, élargir et surtout repositionner le débat sur, et autour de la place de la femme. Pour le RCD, l’égalité en droits de tous les citoyens indépendamment de la couleur de la peau, de la langue maternelle ou du genre est un principe intangible.
Durant cette même période, aussi, nos élus locaux se sont dotés de leur structure pour partager leurs expériences et appréhender au mieux les problèmes des citoyens dans leurs localités et rechercher les synergies et les solidarités pour prendre charge au mieux les doléances et les préoccupations des populations. Ce cadre des Elus Progressistes doit être un espace ouvert à la discussion et à la concertation.
En attendant que nos amis de l’Emigration organisent leurs assises pour se doter d’un cadre qui centralise et valorise le potentiel important de cette catégorie de notre peuple en phase avec nos positions en faveur de la modernité et du progrès , les membres du conseil national auront à prendre connaissance des autres aspects de la situation organique dans le point prévu à cet effet dans l’ordre du jour de cette session.
Chers amis ;
L’impasse politique dans laquelle le régime a plongé le pays appelle de notre part efforts d’analyse, communication offensive, rassemblement solidaire et lucidité.
Depuis 2014, nous n’avons pas cessé d’alerter l’opinion publique et, par là même, les segments sains dans les organisations nationales et les institutions publiques sur le risque pour le pays d’avoir à affronter une situation de désordre aux conséquences irrémédiables. Les échecs des politiques publiques dans les domaines aussi essentiels dans la vie de la nation comme l’amorce d’un renouveau économique, la redistribution des richesses produites, l’effectivité de l’exercice des droits démocratiques ou la protection des droits fondamentaux des citoyens dont les droits sociaux sont partie intégrantes, sont autant de raisons d’un discrédit patent infligé à l’autorité publique par un absolutisme hors d’époque.
Cette situation est légitimement vécue par les populations comme une provocation et un défi à l’intelligence et à la raison de chacun dans la mesure où les moyens financiers pour une autre politique en faveur du développement et du progrès n’ont pas fait défaut durant près de vingt ans. A la place, le pouvoir de Bouteflika a joué pendant deux décennies la partition de la distribution d’enveloppes aux délinquants politiques ou dans des virées folkloriques dans les wilayate du pays. L’appareil judiciaire est transformé en lessiveuse en tout genre pour blanchir les auteurs de détournement de deniers publics et de malfrats attitrés.
Ils sont connus de tous, je ne voudrais pas ressasser devant vous les chiffres vertigineux en dinars et devises engloutis par la machine de la corruption, les scandales couverts par l’administration et la justice, les octrois de chantiers hors des règles élémentaires du marché, un tribalisme assumé, les faits du prince attentant à la dignité de citoyens et de patriotes, l’humiliation et la saignée subies par le pays pour l’achat de la caution ou du silence des puissances étrangères et j’en passe…
L’exil des uns, la fuite des compétences et la harga des jeunes n’ont pas d’égal dans notre histoire contemporaine, y compris dans la décennie noire où beaucoup ont fui le pays pour échapper à la vindicte des groupes armées. D’aucuns estiment que cette politique de la terre brulée sert le pouvoir dans une sorte de soupape de sécurité pour se débarrasser de segments entiers de la jeunesse parmi les plus réfractaires à l’autoritarisme du système. L’organisation tardive d’une rencontre sur ce phénomène par le ministère de l’intérieur ne fait que conforter ce constat dans la mesure où le ministre ne trouve rien d’autre à dire que d’incriminer les réseaux sociaux ! Une manière de se disculper par une généralisation fatale du pire et de se défausser sur les réseaux mafieux transnationaux.
Au-delà de l’échec dans le système de l’éducation, de la formation et d’une politique économique en panne de perspectives, la tragédie de la harga et le drame que vivent de nombreuses familles dans le silence doivent interpeler toutes les consciences.
Vous le savez et nous devons le dire, plusieurs pays autoritaristes facilitent le départ des jeunes cadres bien formés pour, à la fois, se débarrasser de candidats potentiels à la contestation démocratique mais aussi dans le but de nourrir des familles restées au bled par l’intermédiaire de ces exilés de luxe puisqu’il faut bien suppléer une économie nationale rongée par la corruption et le marché noir. Ce n’est pas un pouvoir bâti sur la rente avec une police politique qui veille au grain qui cracherait sur une telle aubaine. L’attrait qu’exerce la vie en France ou à Londres sur nos dirigeants, à tous les niveaux, qui y installent leur famille et la décision de s’y rendre pour le moindre bobo est l’autre pompe d’aspiration et de désillusions pour une grande partie de notre jeunesse qui ne croit pas à l’idée de disposer un jour d’un Etat dédié à la sécurité, au bien être et en l’espoir d’un destin maîtrisé .
Chers amis,
Cette haine de soi qui semble être dans l’ADN du système est insufflée dans une école qui a brouillé et brouille toujours nos repères identitaires. Elle est insufflée par une politique de dévalorisation de nos cadres. Elle est insufflée par la caporalisation des organisations pour porter à leur tête des bouffons et des laquais. Elle est enfin insufflée par la mise à l’écart des patriotes et la promotion d’un personnel politique servile et cupide qui a rompu depuis longtemps avec le destin du pays. La meute qui s’agglutine devant le ministère de l’intérieur pour retirer les dossiers de candidature à l’élection présidentielle est un signe qui ne trompe pas sur le peu de considération que les citoyens portent à cette fonction et à toutes les institutions élues.
C’est l’autre bilan du système. Il est malheureusement plus dramatique que la faillite financière et économique.
C’est pour toutes ces raisons qu’aujourd’hui l’urgence pour le pays n’est pas de choisir entre reconduire un chef de l’Etat grabataire ou désigner un autre parrain en bonne santé pour gérer les équilibres claniques ou en créer d’autres à sa convenance ou à la convenance des plus forts.
Non ! Fidèle à ses principes, le RCD ne cessera pas de redire une évidence et une exigence patriotique élémentaire. Le système de la cooptation et de la fraude n’est pas seulement le fossoyeur de la démocratie, il est le système de l’exclusion et de a division. Il porte, à, termes, les germes de l’instabilité et de la fitna. Notre Rassemblement ne peut s’inscrire dans une démarche qui peut porter atteinte à l’unité de notre peuple. La compétition féroce entre les segments d’un même sytème ne doit pas déboucher sur le chaos.
L’Algérie a besoin d’un nouveau départ !
Ni le coup de force de l’Armée des frontières, ni le coup d’Etat du colonel Boumediene appelé pompeusement « redressement révolutionnaire », ni le parti unique, ni la gestion du pseudo libéral Chadli, ni la reconnaissance forcée du pluralisme politique, ni la venue d’une personnalité aussi patriote et intègre comme feu Mohamed Boudiaf, ni les leçons de la décennie noire n’ont, au bout du compte, permis de prémunir notre pays de crises cycliques et d’échecs à répétition. Le quadruple quinquennat de l’actuel chef de l’Etat se termine comme il a commencé : dans une crise politique et morale qui risque à terme de déboucher sur des désordres qu’aucune force nationale, à l’intérieur ou extérieur du système, ne peut canaliser.
Sauf à croire à une malédiction congénitale, ce que notre histoire multimillénaire et récente récuse, aucun patriote ne peut accorder crédit à une volonté politique subite du pouvoir réel pour redresser le pays et remettre la souveraineté aux Algériennes et aux Algériens afin qu’ils puissent décider de leur sort. La crise profonde que le système traverse est une brèche que les forces patriotiques et de progrès doivent analyser non pas pour colmater les fractures qui le traversent mais pour refuser le statuquo et contraindre ce système à mettre sur la table une vraie discussion qui met à l’ordre du jour un nouveau départ pour le pays. Le problème en Algérie n’est pas de savoir quelle personne ou clan doit assurer la relève dans un système moribond mais d’ouvrir l’avènement de la construction d’institutions qui rendent au peuple algérien sa souveraineté.
Le RCD est un parti démocratique, c’est-à-dire qu’il met au centre de l’organisation de la société, la liberté incluant la protection juridique et sociale par le biais de la consécration des principes d’égalité et de solidarité, le pluralisme politique et les mécanismes transparents d’alternance. Mais nous sommes aussi un Rassemblement de patriotes. Pour nous, l’heure n’est pas à l’engagement dans une opération électorale viciée mais au rassemblement le plus large pour jeter les bases d’une refondation institutionnelle qui garantit la stabilité sociale, la défense de l’intérêt général et la libre compétition politique.
Avec un dispositif électoral qui a organisé et validé tant de fraudes et une administration qui a commis de multiples violations de la constitution, ceux qui prétendent porter et faire valoir l’avènement d’une politique qui répond aux aspirations du peuple à la justice et au progrès ne sont, au fond, que ceux qui aspirent à déloger les occupants du pouvoir pour s’installer dans le même moule. Ceux qui prétendent accéder au pouvoir dans la situation présente par des moyens réguliers, en plus d’accepter d’être perçus comme des pales copies de ceux qu’ils veulent remplacer, prennent le risque d’apparaître comme des imposteurs car ils abusent et détournent tous les acquis démocratiques visant à offrir au pays des institutions à la mesure des ambitions du peuple algérien pour satisfaire leurs ambitions.
Certains diront que le réquisitoire que nous faisons de la gestion du pays est exagéré ou alors que c’est un discours de circonstance. En tant que membres du conseil national vous savez que rien n’est moins vrai. Nous avons donné du temps au temps. Nous nous sommes engagés dans des scrutins après d’âpres débats sur des considérations tactiques. A chaque fois nous avons analysé nos expériences en essayant d’en tirer les meilleurs enseignements possibles. C’est le RCD qui a exigé et obtenu que l’administration délivre sur place les procès verbaux des dépouillements des bureaux de vote. Nous avons constaté ensuite que cette avancée ne suffisait pas à enrayer les manipulations des résultats puisque l’administration (wilaya et ministère de l’intérieur) rédigeait des consolidés selon les instructions de la police politique. Plus tard encore, il a aussi fallu constater que les engagements solennels des dirigeants de l’institution militaire quand à la neutralité de l’Armée ont toujours été démentis par les faits.
En vérité, nous avons tout tenté pour donner le maximum de chance au régime de s’amender pour s’orienter vers une pratique de la compétition politique saine. Force est de constater que le système en place depuis le coup d’Etat du Caire de 1957 perpétré contre le CCE, n’est pas amendable. La crise de confiance est irréversible.
Vous vivez, nous vivons avec les populations pour savoir que la perte d’espoir touche de larges couches de notre peuple. Vous savez aussi que le désespoir nourrit la démission et l’aventurisme. Mais vous savez aussi que nous avons mené la bataille des législatives sous le slogan « Pour un nouveau départ pour l’Algérie. Vous savez aussi que le slogan de notre cinquième congrès est « un nouveau départ pour une Algérie de progrès ». Notre objectif n’est pas d’avoir raison mais d’accompagner, pas à pas, notre peuple dans la conquête de ses droits.
Cher amis,
Notre parti est né des luttes et de sacrifices de militants connus ou anonymes. Il n’a ni peur des stigmatisations des agents du système, ni de ses relais. Nous sommes fiers de notre autonomie de décision et nous refusons de semer des illusions. Notre discours a fini par imprégner la plupart des catégories sociales qui s’en saisissent pour se l’approprier. C’est notre objectif. Nous ne luttons pas pour protéger des droits d’auteur mais pour faire partager l’espoir et la pratique démocratiques. Les impostures d’agents fraichement mis en avant pour instrumentaliser ou se faire prévaloir de sacrifices de nos ainés et de nombreux militants politiques démocratiques ne sont que des artifices servant de relance, sous une forme ou une autre, à un système politique inopérant et antipatriotique.
Chers amis,
Je ne voudrais pas anticiper sur la nature de la décision que prendra notre conseil national sur l’échéance présidentielle d’avril prochain même si la deuxième session en a largement débattu en septembre dernier. Notre position doit être tranchée aujourd’hui. Le débat ne doit pas se focaliser uniquement sur la question binaire participation /boycott. Il nous appartient aussi, dans cette réunion, d’esquisser les grandes lignes d’une offre politique qui puisse faire sortir le pays des crises cycliques qu’il traverse depuis le faux départ de 1962.
Cela suppose un parcours politique sain fait d’abnégation de cohérence et de rigueur, c’est à dire un engagement loyal et résolu. Face à ce genre de challenges,nous ne sommes pas les moins pourvus.
Bienvenue à tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, sont disposés à entendre une banale réalité : on ne peut pas sauver, à la fois, le système et l’Algérie.”