Les journalistes algériens commencent à se familiariser avec le siège de la présidence de la République. Ceux qui n’y ont pas mis les pieds ces vingt dernières années, l’ont fait plutôt deux fois qu’une en moins d’un mois.
Ce mercredi 13 mai, deuxième conférence de presse du porte-parole de la Présidence, Mohand Oussaid Belaid, après celle du 21 avril. Au menu, en plus de la crise sanitaire qui sévit toujours, les retombées de la chute des prix des hydrocarbures, et le projet de révision constitutionnelle dont une première mouture a été divulguée jeudi.
« Inutile d’émettre des préjugés sur les dessous de ce timing », lance le ministre conseiller qui explique pourquoi le président Abdelmadjid Tebboune a décidé de remettre l’avant-projet aux acteurs politiques et la société civile alors que le pays vit toujours sous le confinement imposé par la crise sanitaire.
« La distribution de l’avant-projet intervient après l’insistance de certains acteurs politiques et représentants de la société civile, malgré l’impossibilité de tenir des réunions publiques. Le seul objectif, comme indiqué dans la lettre du président qui a accompagné la mouture, c’est de mettre à profit le confinement pour prendre connaissance des amendements et les débattre profondément et dans le calme », dit-il.
Mohand Oussaid réitère qu’il s’agit d’un avant-projet, donc de propositions qui peuvent être débattues et enrichies. Une commission au niveau de la présidence se chargera de recevoir les avis et propositions de tous les acteurs pour arriver à « une constitution consensuelle » qui « prémunira l’Algérie du pouvoir personnel » et lui évitera de « tomber dans les crises à chaque soubresaut au sommet du pouvoir ».
Même si les premiers débats, fait remarquer un confrère, sont focalisés sur la question identitaire, le ministre-conseiller juge qu’on n’en est qu’au début et toutes les questions seront abordées. « Nous retiendrons tout ce qui unit les Algériens et rejetterons ce qui les divise (…) La Présidence ne peut pas intervenir maintenant pour ne pas donner l’impression de diriger les débats », dit-il.
« Il faut apprendre à respecter la loi »
À une question sur l’éventualité d’organiser des législatives et des locales anticipées, il dit ne pas voir l’utilité d’une telle démarche dans la phase actuelle, rappelant que le programme est tout tracé : référendum sur la nouvelle constitution, révision de la loi électorale puis renouvellement des institutions. « Une chose est sûre, nous entamerons l’année 2021 avec de nouvelles institutions », promet-il.
Belaïd Mohand Oussaid a dû aussi répondre de nouveau à une question sur les atteintes aux libertés et au musellement de la presse. « Des jeunes sont emprisonnés pour avoir exprimé un avis sur les réseaux sociaux, et à la télévision publique on ne voit que vous. C’est pour quand la nouvelle Algérie des libertés que vous avez promis ? », interroge un journaliste.
« Nous avons commencé à ouvrir les médias publics à l’opposition, on ne peut pas inviter tout le monde au même temps. Pour les jeunes arrêtés, je dirai que certains ont pris l’habitude d’enfreindre la loi. Il est temps d’apprendre à respecter la loi. Cela dit, si quelqu’un se sent lésé, l’État est là pour le rétablir dans ses droits. Toutes les libertés sont ouvertes, mais la liberté doit s’accompagner de responsabilité », répond le porte-parole de la Présidence.
Autre sujet largement évoqué, la crise sanitaire. « Malheureusement, nous allons passer l’Aïd sous le confinement », regrette Mohand Oussaid Belaïd qui explique que la reconduction des mesures de prévention pour 15 jours supplémentaires a été décidée suite aux comportements constatés dès l’allègement du dispositif au début du ramadan.
« Ce qu’on voit dans la rue n’est pas rassurant »
« C’est la responsabilité des citoyens. On était sur le point de sortir de la crise, mais la forte affluence des gens a amené les autorités à reconsidérer leur décision. Ce qu’on voit dans la rue n’est pas rassurant », dit-il.
Néanmoins, en termes de statistiques, la situation est maîtrisée avec « moins de 200 cas détectés quotidiennement » et la baisse constante du nombre de décès. De plus, « nous avons tous les moyens à tous les niveaux. Nous disposons de 26 centres de dépistage opérationnels, au moment où certains pays n’en ont qu’un seul. L’Algérie est première au Maghreb et deuxième en Afrique en termes de capacités de dépistage. Il y a moins de 20 malades actuellement en réanimation alors que l’État s’est préparé pour prendre en charge jusqu’à 6 000. Dans le monde, la tendance est à la baisse, en Algérie aussi ».
Concernant les opérations de solidarité, 22 000 tonnes de produits alimentaires, de produits d’hygiène et d’équipements médicaux ont été distribués sur 700 000 familles, dont 74% résident dans des « zones d’ombre », révèle M. Belaid qui égrène d’autres chiffres en lien avec le sujet : 3 milliards de dinars et 1,9 million de dollars ont été collectés au titre de l’opération de solidarité « Covid-19 », 300 000 citoyens se sont inscrits pour bénéficier de l’aide de 10 000 DA instituée pour les familles dont le revenu est impacté par la crise sanitaire et 1.2 million de familles ont bénéficié du même montant au titre de l’opération « couffin de ramadan ».
Sans s’étaler, le ministre-conseiller a évoqué d’autres questions de l’actualité comme la récupération des biens détournés qui se fera « lorsque les accusés seront condamnés définitivement ». « La loi de finances complémentaire a été élaborée sur la base d’un baril de pétrole à 30 dollars » et « il n’est pas difficile de deviner le pays auquel sont destinés les propos du président de la République sur la question mémorielle », allusion à la France, a-t-il dit.