« Il y a des points positifs, d’autres timides et, parfois, à mon sens, non pertinents. Donc, globalement, c’est un bon projet mais qui nécessite des améliorations ». C’est ainsi que Soufiane Djilali résume, dans un entretien au quotidien El Watan paru ce lundi 11 mai, sa vision de l’avant-projet de révision constitutionnelle.
« Incontestablement, il y a dans cette mouture de nombreuses dispositions nouvelles, certaines même inattendues. La partie qui traite des droits fondamentaux et des libertés publiques propose des avancées notables (…) Le mouvement populaire du 22 février (hirak) est mentionné dans le préambule et devient ainsi un élément du consensus national. Disons-le clairement, sur ce chapitre, il sera difficile de surenchérir », affirme le président de Jil Djadid.
« Mais, nuance-t-il, cette Constitution, aussi bonne soit-elle, doit refléter un minimum de consensus dans la société et surtout doit être mise en application de manière fidèle. C’est d’ailleurs ce point-là qui risque de donner du grain à moudre à la partie de l’opinion qui n’est pas convaincue de cette réforme. Autrement dit, notre système politique doit changer concrètement et ne pas se contenter d’offrir un texte de loi qui restera sans effet sur le réel, même s’il est a priori séduisant. »
Pour Soufiane Djilali, le régime semi-présidentiel pour lequel a opté la commission Laraba est le mieux adapté à la réalité algérienne. “Un régime parlementaire chez nous ne pourrait qu’aboutir à un désordre inextricable. Nous n’avons pas le droit de prendre des risques de voir l’Etat algérien devenir l’otage des contradictions encore trop vives des différents courants politiques. La nation algérienne est encore jeune pour s’exposer de la sorte aux jeux politiciens, même si c’est au nom de la démocratie », estime-t-il, tout en exprimant son incompréhension de l’institution du poste de vice-président et ses prérogatives.
« L’institution du poste de vice-président est une surprise. Il prévoit qu’en cas d’empêchement, le président de la République est remplacé par le vice-Président jusqu’à la fin du mandat. Or, un homme désigné par le Président, qui n’a aucune autre source de légitimité, ne peut prétendre à la direction du pays. D’ailleurs, on sent comme une hésitation de la part des rédacteurs du projet. Soit cela leur a été imposé, soit ils ne se sont pas mis d’accord sur ce point. De mon point de vue, c’est la disposition la plus critiquable de ce projet et qui d’ailleurs l’affaiblit », dit-il.
Pour le domaine de la justice, les nouveautés « sont également significatives », mais, « pour autant, nous ne serons pas dans la République des juges », indique le président de Jil Jadid qui estime que l’appareil judiciaire a été pendant longtemps gangrené par la corruption et ne peut être de ce fait autonomisé complètement.
« Concernant le CSM, il y a là les germes d’une évolution conséquente de l’autonomie des juges. Le fait d’écarter le ministre de la Justice de la gestion des carrières des magistrats et de rendre inamovible les juges est un pas important vers l’indépendance de la justice. Sincèrement, au vu de l’état de notre appareil judiciaire, il serait hasardeux d’aller, pour le moment du moins, beaucoup plus loin. Ce n’est pas l’idéal dans l’absolu, mais cela correspond aussi à la réalité de notre justice, qui a été tellement gangrenée par la corruption qu’il serait difficile de l’autonomiser totalement sans risque de dérapages.”