Depuis quelques jours, les jeunes de Ouargla et d’autres villes du sud du pays défraient la chronique par des actions de protestations quasi-quotidiennes qui virent parfois à l’émeute et à l’affrontement avec les forces de l’ordre.
Leurs revendications sont les mêmes qu’ils ont soulevées par le passé : emploi, meilleures conditions de vie, projets de développement…
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Le malaise ne date pas d’aujourd’hui. Cela fait maintenant plus d’une dizaine d’années que les chômeurs de la région battent sporadiquement le pavé, organisent des rassemblements notamment devant les sièges des sociétés pétrolières, bloquent des axes routiers.
Le mouvement soulève plus que la question du malaise d’une région, il met le doigt sur toute la problématique de la politique économique, de l’emploi, du développement et de l’équilibre entre les régions du pays.
Les observateurs n’ont eu de cesse de mettre en garde contre la plaie du chômage qui pourrait être l’étincelle qui mettra le feu à la bombe sociale. Les jeunes de Ouargla ont certes soulevé le problème sous un mauvais angle : au lieu d’inciter l’État à leur créer des emplois par des projets générateurs de richesses, ils réclament ceux occupés par les jeunes venus d’ « ailleurs », c’est-à-dire du nord du pays.
Caser des chômeurs en créant d’autres, ça ne peut pas être une solution sérieuse et c’est pourquoi le mouvement n’a pas toujours bénéficié de tout le soutien et de toute la solidarité du reste du pays. Leur problème est très mal posé.
Les jeunes de Ouargla, de Touggourt, d’El Menea et des autres villes bouillonnantes sont en fait victimes d’un discours destructeur qui a fini par les convaincre que la source de leur malheur c’est « l’autre », le jeune d’Alger, de Kabylie, d’Oran ou des Aurès qui vient vivre du produit de « leur » sous-sol.
Ont-ils tort ou raison de s’estimer prioritaires pour jouir des richesses du Sahara, là n’est pas le propos. Il s’agit d’attirer l’attention de tous, les jeunes protestataires en premier, sur cette évidence : si les gens du nord font des centaines de kilomètres pour trouver un emploi, c’est qu’il n’est pas disponible près de chez eux. Autrement dit, le chômage est partout, n’épargne aucune région ou catégorie sociale et constitue l’un des défis majeurs de l’Algérie dans les années à venir.
Seule la relance économique…
Un défi loin d’être insurmontable au vu des potentialités dont dispose le pays et les avantages comparatifs qu’il offre, pour peu qu’une véritable politique de relance et d’encouragement de l’investissement productif soit mise en place.
En attendant un sursaut dans ce sens, le tissu économique a du mal à sauvegarder les emplois existants. L’investissement est au point mort à cause d’un climat général non attractif et d’une sphère économique tétanisée. La relance de l’économie se présente aujourd’hui comme une priorité nationale vitale.
Les émeutes du sud offrent à l’Algérie une raison supplémentaire de ne plus compter excessivement sur la manne pétrolière, en lui ouvrant les yeux sur cette autre évidence : si l’industrie des hydrocarbures peut faire fonctionner le pays et même garantir ses importations, elle ne peut pas occuper et faire vivre tout le monde.
Cela est vrai aujourd’hui et il le sera d’autant plus demain lorsque s’accentuera le déclin, déjà entamé, de la production nationale de pétrole et de gaz, et se concrétiseront les prévisions pessimistes pour la place des énergies fossiles.
Le mouvement met aussi le doigt sur une autre plaie : le déficit de développement qui touche, certes, plusieurs régions du pays, mais qui est particulièrement marqué dans celles du sud.
Si les émeutes ont éclaté à ce moment précis, ce n’est peut-être pas un hasard. Les chaleurs caniculaires de ces derniers jours, insupportables et aggravées dans certains endroits par les coupures d’eau et d’électricité, ont sans doute contribué à réveiller la contestation.
L’État a beaucoup fait pour le sud, c’est indéniable, mais il reste du chemin à faire en matière de services publics, de routes, d’infrastructures de santé et de loisirs. Mais là aussi, il s’agit d’un problème national qui n’épargne aucune région, même si, au risque de se répéter, il se pose avec plus d’acuité dans le sud. C’est l’autre défi majeur qui se pose au pays.
Faut-il souligner que, simultanément aux émeutes de Ouargla, plusieurs axes routiers au cœur de la capitale, dont la route qui mène à l’aéroport, étaient fermés par des habitants de cités réclamant l’eau potable dans leurs foyers ?