Près de 800 Algériens ont demandé l’asile politique depuis 2015 et jusqu’au mois de mai dernier à Ceuta et Melilla, les deux villes espagnoles enclavées sur la côte nord-africaine, selon une statistique rendue publique par le ministère de l’Intérieur espagnol à la demande du sénateur basque Jon Iñarritu.
Pour ce faire, la plupart des Algériens sont d’abord rentrés illégalement au Maroc, à travers une frontière terrestre théoriquement fermée. Ils se sont ensuite introduits dans les deux villes en se faisant probablement passer pour des Marocains résidant dans les provinces limitrophes de Nador ou de Tétouan. Ceux qui y habitent n’ont pas besoin d’un visa Schengen pour rentrer dans les enclaves espagnoles. Une simple pièce d’identité leur suffit.
La majorité des Algériens ont déposé leur demande à Ceuta (549) bien que cette ville soit bien plus éloignée de la frontière algérienne que Melilla ou 237 ont sollicité l’asile depuis janvier 2015. Leur séjour dans un centre pour étrangers dans les deux villes se prolonge alors sept ou huit mois jusqu’à ce que les autorités se prononcent sur leur demande et, en général, la rejettent. Dans ce cas, ils sont conduits sous bonne escorte à la Péninsule et, de là, renvoyés en Algérie par le ferry qui relie Alicante à Oran.
Les demandes d’asile, formulées par des Algériens, qui invoquent des raisons purement politiques n’ont aucune chance d’aboutir. La preuve c’est que le gouvernement espagnol a approuvé, le 8 septembre, l’extradition en Algérie de Salah Abbouna et Khoudir Sekkouti, militants du Mouvement pour l’Autonomie du M’zab appréhendés en juillet à Melilla. Alger considère que ces deux militants amazighs sont des terroristes, ce qu’ils nient de toutes leurs forces.
Les demandeurs algériens invoquent donc souvent leur conversion au christianisme ou leur homosexualité. Les questions simples qui leur sont posées sur leur nouvelle religion, et auxquelles dans certains cas ils ne savent pas répondre, permettent aux enquêteurs de conclure qu’il s’agit d’un prétexte pour essayer d’obtenir l’asile, indiquent des sources qui connaissent de près le processus.
Les tromperies sur l’orientation sexuelles sont plus difficiles à détecter. Par amour ou par supercherie, certains demandeurs d’asile sont allés jusqu’à annoncer à la presse leur intention de se marier en Espagne où l’union des couples homosexuels est permise par la loi depuis juillet 2005. Un couple formé par un Algérien de Kabylie et un Marocain du Rif a défrayé la chronique, en mai 2016, quand ils ont annoncé publiquement dans la presse de Melilla leur intention de se marier.
Malgré cela, les rapports des enquêteurs préconisent souvent le rejet de ces demandes car, disent-ils, s’ils sont discrets ils peuvent avoir sans trop de problèmes des rapports homosexuels dans les pays du Maghreb où la loi punit, cependant, les relations intimes entre personnes du même sexe.
La plupart des Algériens qui rentrent en Espagne de façon irrégulière ne le font cependant pas à travers Ceuta et Melilla. Ils débarquent sur les côtes d’Andalousie, de Murcie, d’Alicante et des Baléares. Ils ont été, jusqu’au 10 septembre, 1.244 à se faire appréhender par la police ou la Garde Civile (Gendarmerie) espagnoles, un chiffre record pour l’Espagne. Leur nombre est sans doute plus élevé mais certains ont réussi à se faufiler entre les mailles des forces de sécurité espagnoles pour ne pas se faire rapidement renvoyer en Algérie.