Politique

Coronavirus en Algérie : faut-il suspendre les liaisons avec la France et l’Europe ?

Face au risque de propagation du coronavirus, l’Algérie fait-elle ce qu’il faut ou pas assez ? La réponse se trouve sans doute dans ce qu’entreprennent les autres pays, plus ou moins exposés à l’épidémie.

La mesure la plus radicale vient de tomber et elle a été prise par la première puissance mondiale, au système de santé bien plus solide que le nôtre. Les Etats-Unis ont décidé ce jeudi 12 mars de suspendre, et pour 30 jours, tous les vols en provenance d’Europe, devenue de facto le deuxième foyer de l’épidémie après le reflux enregistré ces derniers jours en Chine.

Si l’Amérique consent à se couper de manière aussi brutale de l’Europe, autant dire du reste du monde, c’est qu’elle a jugé la menace sérieuse. L’Italie a quasiment confiné toute sa population (60 millions d’habitants) en quarantaine en appelant les gens à rester chez eux et en fermant les commerces. La France, qui a déjà pris des mesures fortes, en fermant les écoles dans les régions les plus touchées, s’apprête à décréter le passage au stade 3 de l’épidémie, impliquant des restrictions plus sévères sur l’activité et la mobilité.

Qu’en est-il en Algérie ? Avant même la découverte d’un premier cas, le 26 février, les autorités avaient pris les premières mesures, comme la suspension des vols de et vers la Chine et le renforcement des procédures de contrôle sanitaire aux frontières. Le sujet diagnostiqué positif était venu d’Italie, mais il a fallu que ce pays soit presque autant touché que la Chine pour que l’Algérie suspende les liaisons aériennes avec Milan, puis avec Rome – à partir du 15 mars seulement.

Deux semaines après le premier cas, l’Algérie en compte officiellement 24 et déjà un décès. La plupart sont d’une même famille, à Blida, et quasiment tous ont été en contact avec des personnes contaminées venues de France qui compte une très forte communauté algérienne, dont une grande partie entretient des liens forts avec son pays d’origine.

La fréquence des vols et des liaisons maritimes entre les deux pays est importante et elle constitue pour l’Algérie le premier facteur de risque de propagation de l’épidémie. Le souci des autorités algériennes était d’éviter de susciter une panique inutile et c’était compréhensible tant que le nombre de cas enregistrés demeurait infime et confiné dans une seule région, mais plus maintenant.

Des cas viennent d’être enregistrés à Tizi Ouzou et à Souk Ahras, à l’extrême Est, et ils ont toujours, parait-il, la même origine française. Faut-il faire comme les Etats-Unis et suspendre pour une longue durée toutes les liaisons avec les foyers de l’épidémie, dont l’Europe ? Les autorités doivent se pencher sur la question et sur les autres mesures susceptibles d’être prises en interne.

Il y a deux jours, le ministre de la Santé a révélé des instructions présidentielles pour l’interdiction des rassemblements publics d’ordre culturel, économique, sportif et politique. Beaucoup de manifestations, comme les salons internationaux, ont été annulés et le huis clos est décrété pour les compétitions sportives. Mais il reste la très délicate question des rassemblements « politiques » que les autorités ne peuvent suspendre sans s’attirer le soupçon de vouloir mettre à profit le risque d’une épidémie pour interdire les marches hebdomadaires du hirak.

Il y a aussi la prière hebdomadaire qui rassemble chaque vendredi des millions de fidèles aux quatre coins du pays, de surcroît dans des espaces clos. Néanmoins, avant de prendre quelque décision sur ces questions sensibles et délicates, le gouvernement a toute la latitude d’agir sur le premier facteur de risque, les liaisons avec l’Europe.

Des mesures fortes doivent être prises, quel qu’en sera le prix économique à payer, avant qu’il ne soit trop tard. Car si le système de santé italien a déjà flanché, il n’y a aucune illusion à se faire sur le nôtre qui, en temps normal, peine à prendre en charge les migraines et autres bobos dans les urgences.

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