Ce n’est pas encore la cote d’alerte, mais la menace de l’épidémie de coronavirus devient de plus en plus sérieuse.
L’Algérie a déjà pris toutes les mesures ou presque décidées par les pays durement touchés : écoles et université, crèches, beaucoup de types de commerces recevant un grand nombre de clients en espaces clos, ports et aéroports, tribunaux, mosquées…
L’activité du pays est déjà en grande partie à l’arrêt. Même le hirak populaire qui battait le pavé deux fois par semaine depuis plus d’une année sans discontinuer a consenti à observer une trêve après beaucoup d’hésitation.
Il reste les marchés hebdomadaires, que le gouvernement a laissé à l’appréciation des walis et le passage à l’ultime phase de l’alerte avec un confinement général ou partiel de la population.
Une telle éventualité est-elle envisageable dans les jours à venir ? Tout dépendra en fait de l’évolution de la situation. Jusque-là, les chiffres sont inquiétants, mais pas alarmants. Une soixantaine de cas confirmés, la plupart confinés dans une seule région, et cinq décès, pour une population de 43 millions d’habitants, l’Algérie est encore loin des dizaines de milliers de contaminations et des milliers de décès enregistrés en Europe.
Mais beaucoup relèvent que dans ces pays aussi la cadence de progression de l’épidémie était lente à ses débuts et très peu avaient entrevu une dégradation qui imposerait le confinement général des populations et fera dire au président français : « Nous sommes en guerre ».
Le risque d’une propagation à large échelle
Le risque d’une propagation à large échelle en Algérie n’est donc pas écarté et les autorités prennent la menace très au sérieux, d’autant qu’une éventuelle dégradation de la situation, le système national de santé ne pourra pas prendre en charge tous les cas nécessitant une prise en charge médicale. Les autorités sanitaires reconnaissent que tout le pays ne dispose que de 400 lits de réanimation.
Avant de s’adresser ce mardi soir solennellement à la Nation, le président de la République avait tenu dans la journée une réunion de haut niveau consacrée à l’évaluation de la situation et aux éventuelles mesures qui restent à prendre.
Celle du confinement de la population, du moins dans la région de Blida dans un premier temps, reste envisageable. D’autant plus que les effets d’une telle action extrême viennent de se faire sentir dans les pays les plus touchés. Selon le journal français Le Monde de ce mardi, un net ralentissement de la propagation est enregistré dans les régions du nord de l’Italie où le confinement avait été décrété en premier.
Le recours à un tel procédé pourrait donc être décidé en Algérie si la situation se met à se dégrader plus rapidement et ce serait le meilleur sinon l’unique moyen de pallier les insuffisances innombrables du système de santé national.
Produits alimentaires de base
Ce serait dès lors aux autres secteurs d’être mis à l’épreuve et il n’est pas sûr qu’ils résisteraient longtemps à un confinement total. L’approvisionnement de la population en produits alimentaires de base risque de s’avérer un défi difficile à relever.
L’Algérie importe près de la moitié de son alimentation et, avec la fermeture des liaisons maritimes avec les principaux fournisseurs, les stocks disponibles pourraient ne pas être suffisants, sachant que les rayons des magasins sont déjà presque vides dans certains endroits, pris d’assaut par des citoyens inquiets.
En temps normal, le pays connait des perturbations récurrentes dans l’approvisionnement en lait, pour ne citer que ce produit, jusqu’à en devenir la priorité d’un ministère entier. Le gouvernement aura le souci d’assurer un approvisionnement continu de la population sans perdre de vue la lutte contre la propagation du virus.
L’équation risque d’être insoluble si des cas de contamination venaient à être détectés dans les grandes usines de production, notamment celles de l’agroalimentaire qui constituent le gros du tissu industriel national.
Des problèmes risquent aussi de se poser pour la connexion internet, déjà l’une des plus lentes au monde. Beaucoup de spécialistes se demandent si le réseau national pourra répondre à la très forte demande qu’induira le recours au télétravail et le confinement des lycéens, étudiant et autres.
Les autorités algériennes ont jusque-là beaucoup copié sur les gouvernements européens dans leur gestion de la crise, autant donc les imiter jusqu’au bout et décréter les mêmes mesures accordées aux entreprises outre Méditerranée (45 milliards d’euros rien qu’en France).
Avec les services de santé et de sécurité, le tissu productif national sera le plus impacté et le plus sollicité si l’Algérie se voit contrainte de recourir à la mesure extrême de confinement.