L’Algérie a enregistré son premier cas de mort suite à une contamination au coronavirus. Faut-il s’inquiéter ?
Dr Bekkat Berkani, président du Conseil de l’ordre des médecins. Que peut-on dire d’un seul décès sur 24 cas par rapport à presque 800 décès en Italie sur 12000 cas confirmés ? En vérité, il faut être très vigilant, les mesures de prévention doivent être maximales. Cette pandémie est comme une onde de choc qui a inondé le continent européen. Nous aurions espéré que la Méditerranée soit une barrière, mais malheureusement avec la continuité des lignes aériennes, nous ne pouvons rien faire, étant donné que nous avons une population émigrée importante et des flux importants existent entre notre pays et les pays européens en particulier la France qui est un foyer du coronavirus.
Justement, des appels sont lancés pour suspendre les lignes aériennes avec l’Europe notamment la France. Qu’est-ce qu’on attend pour le faire ?
Ce n’est pas possible. Vous savez, lorsque l’épidémie s’est déclenchée en Italie, les ministres de la Santé des pays de l’Union européenne se sont réunis et ont réfléchi à la fermeture des frontières terrestres. Ils avaient conclu que cela ne servait à rien, et (qu’une telle mesure) allait aggraver la situation politique et économique…vous me direz quelle est notre dépendance vis-à-vis de la France ? Elle est culturelle. Vous allez interdire à des Algériens établis en France de venir en Algérie et à des Algériens de se rendre en France pour de multiples raisons : familiales, médicales… ? Ce n’est pas possible.
Maintenant, il faut rester vigilant sur les frontières. Les mesures qui ont été prises sont bonnes mais peut-être pas suffisantes. Cela fait des semaines qu’on attend qu’on mette en place des fiches de débarquement sanitaire qui permettraient d’avoir une traçabilité. Pour le moment, on soumet les passagers à des contrôles par caméras thermiques tout en priant Dieu pour qu’il n’y ait pas de symptômes un peu plus tard.
Le président vient de décider de la fermeture des écoles, et universités comme mesure de prévention. Qu’en pensez-vous ?
Les grands rassemblements sont facteurs de contamination éventuelle. Même dans les mosquées, la prière du vendredi doit être interdite. Même la mosquée de la Mecque a été fermée. Aux grands maux les grands moyens. En ce qui concerne les écoles, il ne faut pas courir de risque. Nous ne connaissons pas exactement le devenir du virus chez les enfants parce qu’ils sont considérés comme des porteurs sains, c’est-à-dire qu’ils ne tombent pas malades mais peuvent contaminer. La fermeture des écoles et des universités est une excellente décision.
Pour le moment on parle de cas importés de Covid-19 (Coronavirus) mais les autorités sanitaires n’excluent pas l’éventualité de l’apparition de cas autochtones. Le pensez-vous aussi ?
Il n’existe pas de cas autochtones. Tous les cas ont été importés de Chine vers l’Europe. Les cas (en Algérie) sont importés de ces régions qui sont des foyers de l’épidémie devenue pandémie. Donc, il ne s’en trouvera pas quelqu’un qui est isolé à Laghouat tout seul qui attrape le coronavirus.
Qu’en est-il des personnels de santé ? Comment régissent-ils face à la situation ?
Pour le moment, nous sommes au stade de la prévention. Si on risque d’être submergés par les cas supposés ou véritables, ça nous posera un problème. Le diagnostic est centralisé, quoi que l’on dise, au niveau de l’Institut Pasteur d’Algérie.
Nous avons appelé depuis des années pour la mise sur pied d’une Agence nationale de veille sanitaire qui est habilitée à prendre des décisions dans ce genre de catastrophes et de maladies transmissibles notamment extérieures. Elle pourrait faire des simulations et des chemins de parcours des personnes suspectées, donner des instructions fermes au personnel du public et du privé.
Je suis dans un cabinet privé, si j’ai un cas suspect je ne sais pas ce que je dois faire…