Les autorités chinoises ont annoncé, jeudi, des bonds records de contaminations et de décès liés au coronavirus, désormais appelé Covid-19. Ces chiffres, qui alimentent les craintes d’une sous-estimation de l’épidémie de la part de Pékin, sont dus à une nouvelle définition plus large des cas d’infection. Suite à ces résultats, des personnalités influentes ont été démises de leurs fonctions.
La Chine a annoncé, jeudi, quelque 15.000 contaminations supplémentaires par le coronavirus, un bond record qu’elle justifie par une nouvelle définition des cas d’infection, les principaux responsables de la province berceau de l’épidémie étant eux démis de leurs fonctions.
Ce chiffre inquiétant et ces sanctions disciplinaires alimentent les spéculations selon lesquelles la gravité de l’épidémie de pneumonie virale, désormais appelée Covid-19, pourrait avoir été sous-estimée.
La Commission de la santé du Hubei (centre) a annoncé, jeudi, 242 nouveaux décès dans la province. C’est de loin l’augmentation la plus forte enregistrée en 24 heures depuis que la crise a débuté en décembre dans le chef-lieu provincial, Wuhan.
Ces bonds sont dus à une nouvelle définition plus large des cas d’infection. Dorénavant, les autorités locales comptabiliseront les cas « diagnostiqués cliniquement ».
En clair, une radio pulmonaire sur les cas suspects peut désormais être considérée comme suffisante pour diagnostiquer le virus. Jusqu’à présent, un test d’acide nucléique était indispensable.
Les autorités justifient cette nouvelle méthode par leur « meilleure connaissance » de la maladie et de ses symptômes et par leur volonté de faire bénéficier au plus vite les patients d’un traitement.
« Dans ce genre d’épidémie, il y a deux méthodes: soit ratisser large pour faire en sorte qu’aucun malade ne passe à travers les mailles du filet, soit faire un dépistage précis », mais qui prend plus de temps, déclare à l’AFP Kentaro Iwata, professeur à l’université de Kobe (Japon) et expert en maladies infectieuses.
Des têtes tombent
« C’est toujours un dilemme », estime-t-il, jugeant « compréhensible » que les autorités du Hubei choisissent la première solution face à l’urgence.
Ces nouveaux chiffres portent le bilan humain en Chine à près de 60.000 cas confirmés et au moins 1.355 morts.
Coïncidence ou pas: le plus haut responsable du Parti communiste chinois (PCC) dans le Hubei, Jiang Chaoliang, a été démis de ses fonctions. Il est remplacé par le maire de Shanghai, Ying Yong, réputé proche du président Xi Jinping.
Le principal responsable communiste de Wuhan, Ma Guoqiang, a également été limogé.
Des chutes anticipées, tant la colère de l’opinion semble vive. Une grande partie des citoyens accuse depuis plusieurs semaines les autorités locales d’avoir tardé à réagir face aux premiers cas de la maladie.
Un mécontentement devenu fureur après la mort vendredi de Li Wenliang, 34 ans, l’un des premiers médecins à avoir alerté sur l’épidémie. Réprimandé par la police qui l’accusait de propager des « rumeurs », il avait lui-même été contaminé.
Les têtes avaient déjà commencé à rouler en début de semaine au Hubei. Les deux plus hauts responsables provinciaux du ministère de la Santé avaient été démis de leurs fonctions.
« Trop tôt »
Les chiffres annoncés jeudi tranchent avec ceux de la veille: la Chine avait fait état du plus faible nombre de nouvelles contaminations depuis près de deux semaines. Un expert chinois reconnu avait même prédit un « pic » de l’épidémie d’ici fin février.
Le président chinois Xi Jinping s’était lui aussi montré optimiste mercredi, soulignant « l’évolution positive » de la situation.
À Genève, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est cependant montrée prudente. Michael Ryan, chef du département des urgences sanitaires, a déclaré:
« Je pense qu’il est aujourd’hui beaucoup trop tôt pour tenter de prédire le commencement, le milieu ou la fin de cette épidémie ».
Le chef de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a renchéri, préconisant « une extrême prudence ». « Cette épidémie peut aller dans n’importe quelle direction », a-t-il affirmé.
Pour l’instant, 99,9% des décès enregistrés dans le monde l’ont été en Chine.
Au Japon, la situation est toujours tendue à bord du paquebot de croisière Diamond Princess, en quarantaine près de Yokohama (est): 218 personnes sont contaminées, 44 nouveaux cas ayant été annoncés.
Jeudi matin, une mise en quarantaine a été édictée pour la première fois au Vietnam, pour une commune de 10.000 habitants, près de Hanoi. Quinze personnes sont à ce stade touchées par l’épidémie dans ce pays.
F1 et smartphones
Dans l’Union européenne (UE), les ministres de la Santé doivent se réunir jeudi à Bruxelles pour discuter de l’épidémie.
La crainte d’une contamination a conduit mercredi les organisateurs du Salon mondial du mobile de Barcelone, la grand-messe annuelle de la profession, à annuler leur manifestation, prévue du 24 au 27 février.
La Fédération internationale de l’automobile (FIA) a également annoncé le report à une date non précisée du Grand Prix de Chine de Formule 1, qui devait se dérouler le 19 avril à Shanghai.
Craignant la perspective d’une rude chute de la croissance, le Premier ministre chinois Li Keqiang a appelé mercredi à une « reprise ordonnée de l’activité et de la production ».
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