La corruption ronge le football algérien. Le phénomène a pris de l’ampleur et les langues commencent à se délier. Les accusations de vente et d’achats de matchs se sont multipliées ces derniers mois. Dernière en date, celle du journaliste et porte-parole du CSA-MCA Djamel Rachedi. Sa cible : le président de la JS Kabylie Chérif Mellal.
« Mellal parlait de la corruption, alors qu’il eu à faire à ça pour assurer le maintien, c’est le procédé classique chez nous. C’est une réalité. Celui qui a dit qu’il n’a pas eu recours à l’achat des matchs pour se sauver est un menteur. C’est pour ça qu’on ne peut pas parler de projet sportif en Algérie « , a affirmé Rachedi dimanche soir sur le plateau de l’émission Talk Foot sur la chaîne El-Djazaïria One.
La JSK n’a pas tardé à réagir, puisque elle annoncé par le biais de son avocat maître Meftah sa décision de déposer plainte pour « diffamation » : « La réaction de la direction du club à ces accusations qu’elle considère mensongères et diffamatoires, a été immédiate. En effet, Djamel Rachedi devra désormais répondre de ces graves accusations devant la justice ».
Quelques jours plutôt, Mellal avait tiré à boulets rouges sur le directeur de l’USMA Hakim Serrar le qualifiant de « grand hypocrite et magouilleur »
La BBC et France Football dénoncent, Zetchi impuissant
Ce grand déballage a été précédé par deux enquêtes sur la corruption dans le football algérien, réalisées par deux grands médias occidentaux, la BBC et France Football.
En septembre dernier, la BBC a révélé notamment que le coût pour arranger une victoire dans un match de championnat s’élève à l’équivalent de 50.000 livres sterling (près de 8 millions de dinars). L’enquête s’est basée sur trois années d’investigations s’intéressant aux premières divisions du championnat algérien, durant lesquels le média britannique a recueilli les témoignages de plusieurs intermédiaires, joueurs actuels ou retraités, des arbitres, des initiateurs et des victimes de corruption. Le résultat révèle le caractère systémique et systématique de la corruption dans le football algérien. Toutefois, aucun nom d’accusé n’a été dévoilé. Un mois plus tard, le magazine France Football s’est également penché sur la corruption en Algérie, enfonçant davantage le clou, confirmant l’incapacité des institutions compétentes à combattre le fléau.
« Bienvenue au pays de la corruption », titrait sèchement FF en Une dans son édition du 23 octobre dernier. Le point commun des deux enquêtes est la publication du barème de la corruption en Algérie, tout en argumentant par des témoignages de personnes ayant été impliqué dans des cas de corruption, présents sous couvert d’anonymat.
Loin de prêter attention à ces deux enquêtes chocs, ou du moins s’alarmer sur l’ampleur prise par le fléau le président de la FAF Kheireddine Zetchi a réagi avec la langue de bois.
« Les organes de presse et les médias sont tout à fait libres de s’exprimer. En ce qui concerne ce petit article (celui de France Football, ndlr), il n’est jamais beau de voir l’image du pays touchée ne ce serait-ce qu’à un petit degré. En lisant l’article, nous avons constaté qu’il était vide et dépourvu de toutes preuves », a-t-il jugé.
Et de promettre : « Le jour où nous aurons des éléments palpables par rapport à cette corruption, nous nous promettons que nous serons engagés à combattre ce fléau à travers notre commission de l’éthique. La meilleure manière c’est de laisser faire. Il y a une ligne directrice au niveau de la FAF, et nous irons en justice contre X le jour où nous jugerons au niveau du Bureau fédéral qu’il est aujourd’hui utile de le faire ».
En l’absence de preuves, la FAF aurait dû au moins diligenter une enquête pour lever le voile sur la corruption qui existe bel et bien en Algérie, mais sans que pour autant que leurs auteurs ne soient inculpés.
L’arbitre Abid Charef suspendu par la CAF pour corruption
En novembre dernier, l’arbitre international algérien Mehdi Abid Charef est suspendu par la Confédération africaine (CAF) pour corruption, moins d’une semaine après son arbitrage jugé « scandaleux » en finale (aller) de la Ligue des champions entre Al-Ahly du Caire et l’ES Tunis (3-1) à Alexandrie.
L’enfant de Constantine (37 ans) avait accordé deux penaltys aux Égyptiens, qui ont été jugées « imaginaires » par l’EST, tout en recourant à chaque fois à la VAR (assistance vidéo à l’arbitrage), pour sa première utilisation dans une épreuve interclubs au niveau africain. Le Comité disciplinaire de la CAF a prononcé sa décision de suspendre le referee algérien sur la base de preuves reçues à propos de son implication dans une affaire de corruption. L’annonce a eu l’effet d’une bombe en Algérie. Mais aucune décision n’a été prise pour lutter contre le phénomène de la corruption.
La FAF se cache derrière l’absence de preuves et le ministère de la Jeunesse et des sports n’a pas jugé nécessaire de réagir. Le phénomène de la corruption dans le football algérien semble avoir malheureusement de beaux jours devant lui.
Considéré dans un passé récent comme un sujet tabou, la corruption dans le football algérien a pris des proportions alarmantes, mais le tout s’est limité aux simples accusations à tort et à travers, par médias interposés, au moment qu’aucune procédure judiciaire n’a été enclenchée. Le pas n’a pas encore été franchi. Jusqu’à quand ?