Après le coup de filet en France dans la mouvance de l’ultradroite, les gardes à vue des dix personnes suspectées de préparer des attaques terroristes contre des musulmans se poursuivaient lundi tandis que des représentants de l’islam exprimaient leur « profonde préoccupation ».
Cette affaire braque les projecteurs sur l’ultradroite alors que la menace terroriste est venue ces dernières années essentiellement des réseaux jihadistes, responsables d’une vague d’attentats sans précédent depuis 2015.
Menées dans la nuit de samedi à dimanche par les policiers de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), les arrestations se sont déroulées en Corse, en région parisienne et en Charente-Maritime (ouest). Les enquêteurs ont retrouvé des fusils, des pistolets et des grenades artisanales lors de perquisitions, selon des sources proches de l’enquête.
Les dix interpellés, toujours soumis lundi à une garde à vue qui peut durer 96 heures en matière terroriste, avaient « un projet de passage à l’acte violent, aux contours mal définis à ce stade, ciblant des personnes de confession musulmane », a précisé une source proche de l’enquête.
Parmi eux figure une femme. Ils ont entre 32 et 69 ans.
Selon le groupe de télévision TF1-LCI qui a révélé le coup de filet, ils ciblaient notamment des imams radicaux, des détenus islamistes sortant de prison mais aussi des femmes voilées, choisies au hasard, dans la rue.
Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a exprimé sa « profonde préoccupation » pour la sécurité des quelque 2.500 lieux de culte et des près de six millions de fidèles de la deuxième religion de France.
L’instance représentative du culte musulman, qui devait être reçue par le ministre de l’intérieur Gérard Collomb dans l’après-midi, lui demande de « prendre toutes les mesures » de protection « appropriées ».
Dans un tweet, le ministre avait salué dimanche « l’engagement constant de la DGSI, qui veille au quotidien à la protection des Français face à toute action violente, d’où qu’elle vienne ».
– « Passage à l’acte » –
Si le nombre d’actes antimusulmans enregistrés a diminué en 2017 par rapport à 2016, notamment grâce à une forte baisse des simples menaces, la sous-catégorie des actions violentes a augmenté, passant de 67 à 72 faits.
Des responsables religieux et associatifs déplorent en outre un haut niveau d' »islamophobie » dans le débat public, sur fond de menace jihadiste.
« Je n’ai pas été surpris par ce coup de filet parce que le climat actuel d’islamophobie encourage ce type de passage à l’acte », a déclaré à l’AFP le président de l’Observatoire contre l’islamophobie du CFCM, Abdallah Zekri.
Pour le très militant Comité contre l’islamophobie en France (CCIF), « la normalisation du discours islamophobe ainsi que le manque d’action et de fermeté des pouvoirs publics nourrissent la violence idéologique et préparent le passage à l’acte ».
La présidente du Rassemblement national (extrême droite), Marine Le Pen, a, elle, mis en garde contre tout « lien » qui pourrait être établi entre les personnes interpellées et les militants identitaires ou ceux de son parti. « Nous avons toujours (…) condamné toute utilisation de la violence », a abondé Nicolas Bay, membre du bureau exécutif du RN.
Parmi les interpellés ce week-end figure le chef de file présumé de ce réseau, Guy S., retraité de la police nationale et habitant de Charente-Maritime, selon des sources proches de l’enquête. Les suspects gravitaient autour d’un mystérieux groupuscule baptisé « AFO » (Action des forces opérationnelles) et appelant à lutter contre « l’ennemi intérieur » musulman.
Les dossiers judiciaires impliquant la mouvance de l’ultradroite sont rares au sein du pôle antiterroriste de Paris, accaparé depuis 2015 par les affaires jihadistes.
Mais en 2016 Patrick Calvar, alors patron du renseignement intérieur, avait redouté une possible « confrontation entre l’ultradroite et le monde musulman, pas les islamistes mais bien le monde musulman ».
En octobre 2017, les services antiterroristes avaient démantelé un groupuscule d’ultradroite fédéré autour d’un ex-militant du mouvement royaliste Action française, Logan Nisin. Il avait reconnu avoir fondé l' »OAS », un groupe reprenant le nom de l’organisation responsable d’une campagne sanglante contre l’indépendance de l’Algérie dans les années 1960. Avec pour mot d’ordre: « Enclencher une re-migration basée sur la terreur ».
Le groupe avait envisagé de s’en prendre au leader de la France insoumise (gauche radicale), Jean-Luc Mélenchon, et à Christophe Castaner, secrétaire d’Etat aux Relations avec le Parlement et ex-maire de Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence, Sud-Eest).