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Coup d’État au Niger : enjeux et implications

La France perd de plus en plus son influence en Afrique comme le montre le coup d’État au Niger qui a évincé du pouvoir le président Mohamed Bazoum, l’un des derniers alliés de Paris dans la guerre contre le terrorisme au Sahel.

Avant le Niger, le Mali et le Burkina Faso avaient eux aussi connu des coups d’État qui ont porté au pouvoir des dirigeants considérés comme anti-français.

Les évènements en cours à Niamey sont une réplique de ceux de Bamako et de Ouagadougou.

La foule qui est sortie apporter son soutien aux putschistes n’a pas manqué d’exprimer son rejet de la présence française au Niger.

Dimanche 30 juillet, des manifestants pro-junte ont arraché l’enseigne de l’ambassade de France à Niamey et ont brandi des drapeaux nigériens et russes.

Face à cette escalade antifrançaise, Emmanuel Macron a réagi fermement, promettant une réplique intraitable en cas d’attaque contre les intérêts ou les ressortissants français au Niger.

En effet, outre une présence de ses troupes déplacées depuis le Mali, la France a de gros intérêts stratégiques au Niger où le groupe Areva exploite un important gisement d’uranium, qui alimente une partie des centrales nucléaires françaises.

Dans les milieux politiques français, c’est la politique africaine du président Emmanuel Macron qui est pointée du doigt.

Trois coups d’État au Sahel, tous anti-français, c’est beaucoup pour Jean-Luc Mélenchon.

Chaque fois, la présence française est dénoncée“, déplore le chef des Insoumis pour qui “il est urgent de repenser une stratégie qui va d’échec en échec“.

Mélenchon reproche notamment à Emmanuel Macron d’avoir décidé en 2022 “sans débat” de concentrer au Niger l’essentiel de la présence militaire française au Sahel.

“Le rejet en Afrique ne vise pas la France mais les déclarations blessantes”

L’absence de débat fait aussi réagir les socialistes dont le président du groupe parlementaire Boris Vallaud a exigé du gouvernement un compte rendu sur la politique étrangère suivi d’un débat au Parlement dès la rentrée.

Quelle désolation !“, déplore pour sa part Ségolène Royal. Pour l’ancienne candidate à la présidentielle de 2007, ce rejet en Afrique ne vise pas les Français ou la France mais “les politiques conduites, les déclarations blessantes, le manque de culture“.

Elle rappelle “l’injure” de Nicolas Sarkozy sur l’Afrique qui “n’est pas encore entrée dans l’histoire“, le bombardement de la Libye et “l’absence de vision” des politiques.

Un autre partenariat égalitaire et respectueux est possible“, estime toutefois Ségolène Royal. “La politique étrangère de Macron est une catastrophe“, écrit sur Twitter le journaliste Philippe Duval.

Il rappelle par exemple qu’en 2017, Emmanuel Macron a tourné en dérision le président du Burkina Faso, à Ouagadougou même.

France-Afrique : les raisons du désamour

Pourtant, il y a quelques mois, le président Macron avait exprimé sa volonté de refonder les relations entre la France et les pays africains et de tourner la page de la « françafrique », cette politique à connotation néocoloniale alliant une diplomatie parallèle de soutien à des régimes corrompus et corrupteurs, souvent autoritaires et gardiens des intérêts de la France dans la région.

Le déclin de l’influence française et la montée du sentiment antifrançais chez les populations africaines s’expliquent, selon les observateurs, comme Pascal Boniface, directeur de l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques) par plusieurs facteurs.

D’abord, les effets que produisent sur les populations locales certaines attitudes de politiques français vis-à-vis des questions qui agitent la politique intérieure française.

C’est ainsi que les attaques répétées contre l’immigration, le racisme dont sont victimes certains ressortissants africains dans l’Hexagone, les critiques contre les musulmans ou encore les tours de vis opérés sur les politiques de visas sont très mal vécus en Afrique.

À l’ère du numérique et la mondialisation des moyens de communications, les « dérapages » de certains politiques français, notamment de l’extrême droite, provoquent instantanément des réactions, vécues comme des atteintes à la dignité chez des pans entiers des populations.

À ce titre, il est utile de rappeler le sort réservé à la chaine France 24 au Burkina Faso.

Ensuite, contrairement aux autres pays, à l’image de la Chine, la Turquie ou encore la Russie qui ont décidé d’investir dans le continent sans s’immiscer dans les politiques internes, la France, se laisse parfois aller à des commentaires peu amènes sur certains régimes.

À cela s’ajoutent, les soutiens souvent en catimini, apportés à des régimes rejetés par la jeunesse locale.

Enfin, dans un contexte de crises économique et sécuritaire qui frappent de nombreux pays africains, il n’est pas exclu que la France fasse les frais d’une campagne de dénigrement de certains régimes qui l’accusent de « complot », souvent sans preuves palpables, et à l’origine de la situation de ces pays.

Une campagne que certains observateurs attribuent aussi à la milice russe Wagner qui a réussi à convaincre des régimes de pouvoir leur assurer « une assurance-vie » et de rétablir la sécurité face aux menaces des groupes terroristes qui écument nombre de régions du continent, comme c’est le cas au Mali.

Il est souvent en effet plus facile pour ces régimes dictatoriaux et corrompus d’accuser la France, ancienne puissance coloniale, d’être à l’origine des maux qui ravagent leurs pays, au lieu de reconnaître leurs échecs et d’accepter une démocratisation de la vie politique.

Quelles implications sur la sécurité de la région ?

Au-delà de cette montée du sentiment antifrançais qui contraint la France à revoir les paradigmes de sa politique africaine, la situation au Niger dont nul ne peut, pour l’heure, prévoir l’évolution pose la question de ses implications sur la stabilité de la région du Sahel, mais aussi de la région nord-africaine.

L’Algérie figure parmi les pays qui risquent d’être soumis à rude épreuve par une instabilité dans la durée du Niger et des pays du Sahel. Confrontée à une tension permanente avec le Maroc, exposé à la menace terroriste le long des 980 Km qu’elle partage avec la Libye qui est en proie au chaos depuis plus d’une décennie, toujours sur le qui-vive avec le Mali qui peine à retrouver sa stabilité, l’Algérie doit désormais se préoccuper des 1000 Km qu’elle partage avec le Niger.

Une véritable « ceinture de feu » qui appelle vigilance à tout instant et la mobilisation d’énormément de moyens militaires. Cette préoccupation vient d’ailleurs d’être exprimée officiellement.

L’Algérie a en effet condamné le coup d’État et souligné « l’impératif pour tous d’œuvrer à la préservation de la stabilité politique ». Aussi a-t-elle mis en garde contre une éventuelle intervention étrangère.

L’Occident qui n’avait pas écouté l’Algérie en son temps lors de l’intervention libyenne mesure sans doute aujourd’hui les conséquences de la guerre engagée sur la situation dans tout le Sahel.

Et ce scénario, s’il venait à advenir au Niger, où les enjeux économiques sont immenses notamment pour la France, va impacter inévitablement l’Algérie qui a déjà fort à faire avec ce pays sur la question de la migration clandestine.

Avec une instabilité permanente dans ces pays, c’est la porte ouverte au déploiement des groupes terroristes et extrémistes et la prolifération du banditisme et de la grande criminalité, sans compter les trafics en tout genre et l’immigration clandestine.

C’est dire les défis qui l’attendent pour concourir au retour de la stabilité dans ces pays qui l’entourent. Des pays qui souvent, encouragés par la crise de la démocratie en Occident, sont réfractaires aux changements démocratiques et portent parfois au pouvoir des régimes qui eux-mêmes reproduisent…l’instabilité.

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