Les équipes de football d’Algérie et du Maroc ont offert un beau spectacle samedi soir en quarts de finale de la Coupe arabe.
Que ce soit sur le terrain ou dans les gradins du stade de Doha, un grand fair play a régné malgré l’enjeu et la conjoncture. Quatre images fortes sont à retenir.
La première est le but somptueux de Youcef Belaïli. L’attaquant international algérien a illuminé le ciel de Doha d’un tir des 40 mètres, qui a fait le tour du monde.
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A ce magnifique but et la qualification de l’Algérie aux penalties s’ajoutent un autre fait, quelque peu inattendu : le match s’est joué dans un esprit de fraternité, en témoignent les images des joueurs qui se donnent l’accolade sur le rectangle vert ou celles des supporters des deux camps qui posent côte à côte, les drapeaux respectifs bien brandis.
La rencontre est survenue pourtant dans une conjoncture bien particulière pour les deux pays voisins. L’Algérie et le Maroc ont rarement entretenu de bons rapports politiques, mais la crise qu’ils traversent depuis quelques mois est l’une des plus aigües de leur histoire.
Depuis août dernier, leurs relations diplomatiques sont rompues à l’initiative d’Alger qui a réagi à une série d’ « actes hostiles » de Rabat. Le 1er novembre dernier, date hautement symbolique pour l’Algérie, trois commerçants algériens en route pour la Mauritanie ont trouvé la mort dans les territoires sahraouis dans un bombardement de l’armée marocaine.
L’Algérie a dénoncé « un lâche assassinat » et promis qu’il « ne restera pas impuni ». Les rapports entre les deux pays ont été davantage envenimés par l’incursion d’Israël qui a signé un protocole de coopération militaire avec le Maroc le 24 novembre.
Et alors qu’aucune perspective de rapprochement ne pointait à l’horizon, le destin a fait se rencontrer les équipes de football des deux pays en quarts de finale de la coupe arabe au Qatar.
On parle de destin car les deux sélections avaient tout pour s’éviter à ce stade de la compétition. Elles ont dominé leur groupe respectif au premier tour mais l’Algérie a perdu la première place au profit de l’Egypte d’un cheveu, pour avoir cumulé plus de cartons.
En éliminatoires de la Coupe du monde, les deux équipes ne vont pas se rencontrer en barrages, dont le tirage au sort est prévu à la fin du mois, à cause de leur présence toutes les deux dans le top 5 africain du classement Fifa.
Mais il était écrit qu’elles vont s’affronter dans cette période de brouille. Pour prolonger les tensions politiques sur le terrain du sport ? C’est ce à quoi beaucoup s’attendaient, mais c’est l’exact contraire qui s’est produit pendant et après le match. Du fair play entre les 22 acteurs, aucun accrochage pendant tout le match malgré son intensité et des accolades même entre les joueurs marocains et leur bourreau du jour, Youcef Belaïli. C’est la deuxième image à retenir de cette rencontre que l’international algérien a marqué de son empreinte.
« Une image vaut mille mots », écrit sur Twitter l’ancien international marocain Abdeslam Ouaddou, commentant la photo de Belaïli avec un joueur marocain.
L’exact contraire d’Omdurman
« Bravo aux acteurs et surtout au 12ème homme : les supporters Marocains et Algériens. Merci pour le spectacle et les émotions. Je fus bien évidemment supporter du Maroc, maintenant je me rallie comme supporter numéro 1 de mon pays de cœur », poursuit l’ami de Djamel Belmadi, qui a d’ailleurs fait son stage d’entraîneur au sein de la sélection algérienne.
Avant le match, Ouaddou avait lancé un appel aux joueurs pour « faire plaisir aux deux peuples en développant un football spectaculaire.».
«Bien entendu, on n’imagine pas un derby se jouer sans l’intensité, le rythme et l’agressivité, mais tout cela dans le respect des règles. Ce n’est pas tous les jours qu’on va vivre de tels moments, les joueurs doivent nous gratifier d’un grand spectacle afin que le football en sorte gagnant, c’est notre grand souhait », a-t-il écrit sur les réseaux sociaux. Le message a été reçu 5 sur 5 et par les joueurs et par le public.
Dans les tribunes, les images étaient tout aussi belles. Le drapeau palestinien a été brandi par les supporters des deux équipes et les joueurs algériens à la fin du match. L’Algérie soutient la lutte du peuple palestinien pour disposer d’un Etat indépendant, et les joueurs de l’équipe nationale, le rappellent à chaque occasion. C’est la troisième image à retenir de ce match.
Enfin, beaucoup de Marocains et d’Algériens ont suivi le match ensemble, dans la bonne humeur. Inutile de préciser que là aussi il n’y a pas eu le moindre incident.
On a assisté en quelque sorte au scénario contraire de la confrontation entre l’Algérie et l’Egypte en 2009 dans le cadre des éliminatoires de la coupe du monde 2010.
Alors que tout marchait sur le plan politique entre les deux pays, le dernier match entre les deux sélections, au Caire, a donné lieu à des incidents. Pour départager les deux équipes, à égalité parfaite à l’issue de la phase des poules, la Fifa avait organisé un match barrage à Omdurman (Soudan) qui restera dans les annales comme l’une des rencontres les plus tendues de l’histoire du football mondial.
Les autorités algériennes avaient mobilisé tout l’Etat pour mettre en place un pont aérien pour le transport des supporters jusqu’à Khartoum, tandis que le président égyptien de l’époque, Hosni Moubarak, avait convoqué un conseil de défense juste après la rencontre, remportée par l’Algérie (1-0).
Les relations entre les deux pays avaient frôlé la rupture. En fait, plusieurs confrontations entre l’Egypte et l’Algérie se sont terminées en queue de poisson, comme le match de qualification aux Jeux olympiques en 1983 marqué par une bagarre générale sur le terrain ou celui des éliminatoires de coupe du monde en 1989 qui a valu des accusations judiciaires et une longue interdiction de voyager au joueur algérien Lakhdar Belloumi.
Avec le Maroc, les anciens se souviennent qu’en 1979, alors que les tensions étaient très vives sur le plan politique, la sélection algérienne est allée gagner à Casablanca en éliminatoires des JO sur un score très lourd (1-5).
Comme quoi, le football n’est pas toujours influencé par la politique. C’est même l’inverse qui se produit parfois.