Dans cet entretien, le Pr Nadjet Loumi, DG du centre national de pharmacovigilance et des matériovigilance (CNPM), répond aux questions sur les quatre vaccins anti-covid utilisés en Algérie, les effets indésirables, lequel choisir, à partir de quand une personne vaccinée est immunisée, etc.
L’Algérie est frappée de plein fouet par la pandémie de covid-19 cet été. Professeur Loumi, aujourd’hui on parle beaucoup de la vaccination, et on dit que c’est un outil important et essentiel pour la lutte contre le covid -19, mais il y a toujours des personnes qui hésitent, et qui se posent des questions. Que leur dites-vous ?
Nous avons une grande chance d’avoir les vaccins et d’en avoir de plus en plus. C’est maintenant à la portée de tous les citoyens. Vu le bénéfice par rapport aux risques, et vu la dangerosité de ce virus, je tiens à dire que la vaccination est, pour le moment, la seule issue qui pourrait nous faire sortir de cette situation.
A mesure que la vaccination avance, plus nous nous protégerons, et nous protégerons nos familles. La majorité des personnes contaminées étaient en contact avec des jeunes qui ne se protégeaient pas, et qui ne respectaient pas les mesures barrières.
Ce sont eux qui ont contaminé leurs familles, leurs parents. En général, ce sont des contaminations familiales. Nous avons cette chance de nous faire vacciner, alors il faut le faire.
Les effets indésirables enregistrés sont bénins. Les gens vous disent, oui on a peur, qu’est-ce qui va nous arriver plus tard, etc. La technologie a beaucoup avancé, les vaccins à ARN ont été développés dans les années 90. Dans plusieurs pays, la majorité de la population a été vaccinée. Nous avons donc un recul à court terme. De toute façon, pour le moment, la vaccination est la seule issue.
Que répondez-vous aux gens qui disent : « Je veux me faire vacciner, mais je ne sais pas quel vaccin choisir » ?
Nous avons quatre vaccins en Algérie. Le seul qui ne doit pas être utilisé chez les moins de 50 ans est le AstraZeneca. Sinon, pour le reste des vaccins, à savoir le Spoutnik et les deux vaccins chinois (Sinopharm et Sinovac), ils peuvent être utilisés chez toute la population, jeune et moins jeune.
Il n’y a que le Astrazeneca qu’il ne faut pas utiliser chez les moins de 50 ans, à cause des réactions hématologiques, qui sont connues maintenant.
Est-ce que ces quatre vaccins covid-19 utilisés en Algérie se valent ?
Les vaccins se valent. Ils ont la même capacité de nous protéger. Ce n’est pas la peine de se dire, voilà je ne vais pas me vacciner avec le vaccin chinois, c’est le dernier qui a été introduit en Algérie.
Pas du tout, les vaccins sont équivalents. A part pour le problème de l’âge, il faut se faire vacciner par le vaccin que l’on trouve, que ce soit le Spoutnik V, l’AstraZeneca, le Sinovac ou le Sinopharm.
Le Spoutnik V demande des conditions de conservation particulières, à moins 20 degrés. L’Algérie a-t-elle les moyens de l’utiliser ?
Tous les moyens ont été déployés pour la conservation de ce vaccin. Avant de le ramener, nous avons vérifié comment il pouvait être conservé et transporté.
Le vaccin est transporté dans des camions réfrigérés. Au niveau des polycliniques et des centres de santé, il y a eu des vérifications au préalable, avant de distribuer les vaccins, surtout pour le Spoutnik V.
Les centres qui n’avaient pas la possibilité de le conserver, à -18°C, n’en ont pas reçu. Seuls ceux qui pouvaient le conserver à la bonne température, ont reçu le Spoutnik V.
Vous êtes à la tête du centre national de pharmacovigilance. Depuis le début de la campagne de vaccination, a-t-on enregistré des effets indésirables graves en Algérie ?
Non. On n’a pas enregistré des effets indésirables graves. Les effets indésirables recensés ne sont pas graves. La fièvre et l’asthénie peuvent durer deux, trois, quatre jours. Mais c’est tout ce qu’il y a eu comme effets indésirables.
De petites diarrhées, mais pas d’effets indésirables graves. On ne craint pas d’effets indésirables de ces vaccins. Depuis le début de la campagne de vaccination le 30 janvier, on n’a pas enregistré d’effets indésirables graves. Nous pouvons y aller sans soucis.
Les vaccins anti-covid utilisés en Algérie sont-ils efficaces contre le variant Delta qui est responsable de la 3e vague qui touche actuellement notre pays ?
C’est un peu tôt pour dire si le variant Delta est sensible à ce vaccin. Dans certains pays, ils sont actuellement en train d’administrer la troisième dose pour éviter la contamination avec ce variant.
Nous n’avons pas assez de recul, mais nous constatons que dans d’autres pays, il y a un effet sur le variant Delta. Mais avec le temps, on le saura. Toutefois, il y aura d’autres variants du virus, si l’on ne se vaccine pas tous, et si l’on est réticents.
Plus on est réticents, plus il y aura de variants, et plus il y aura des mutations de ce virus. Il vaut mieux se vacciner en masse, pour avoir des effets sur ce variant Delta, et sur d’autres variants qui peuvent surgir si l’on ne se vaccine pas à temps.
Lorsque l’on se vaccine, au bout de combien de temps, sommes-nous immunisés ?
Il faut compter 10 à 15 jours après la deuxième dose. C’est 15 jours après la deuxième dose qu’on est immunisé. Mais il faut absolument que la population le sache : ce n’est pas parce qu’on est vaccinés, qu’on va tout enlever. Il faut continuer à respecter les gestes barrières.
Le vaccin nous protège. On peut faire un covid éventuellement, mais si ça arrive, on fera un covid non grave.
Cela est très intéressant pour la protection du citoyen. 15 jours après la deuxième dose, ce n’est qu’à ce moment-là qu’on est vraiment bien protégé.
Lorsque l’on est atteint du covid-19, peut-on se faire vacciner ?
Non. Si l’on est atteint du covid-19, il faut attendre trois mois après la guérison pour pouvoir se faire vacciner. Après une guérison, on est immunisé, c’est comme si que l’on avait été vacciné, Il faut donc attendre 90 jours, après la guérison, pour avoir sa dose de vaccin.
Il est donc nécessaire que les gens qui se rendent dans les centres de vaccination, fassent une sérologie ou un test antigénique, avant de se faire vacciner ?
Je considère qu’il vaut mieux le faire. Si vous avez le covid, et que vous vous faites vacciner, vous risquez d’avoir des manifestations beaucoup plus importantes.
Nous avons eu deux ou trois cas, qui se sont fait vacciner alors qu’ils étaient en incubation. Ils ont fait des manifestations assez graves, plus importantes que les autres.