Dans cet entretien, le Dr Lyes Merabet revient sur le décès de deux résidentes enceintes emportées par le covid-19, la pénurie d’oxygène, l’impact des incendies sur la demande d’oxygène, la situation sanitaire en Algérie, le nombre réel de contaminations au covid-19…
Deux résidentes enceintes sont décédées du covid-19 ce samedi matin. Les résidents et les soignants en général appellent le ministère de la Santé à trouver des solutions pour isoler cette catégorie. Que faut-il faire pour éviter la répétition de ce genre de drames ?
Laissez-moi présenter en mon nom personnel et celui du SNPSP nos condoléances les plus sincères et les plus attristées aux familles des deux consœurs.
Deux médecins en formations spécialisées et deux femmes enceintes, il faut le signaler. À travers ces deux exemples, le SNPSP rappelle le recours qui a été déjà adressé au ministère de la Santé suite au décès enregistré à Sétif il y a une année.
À l’époque, déjà, nous avions attiré l’attention et saisi officiellement le ministère de la Santé pour que le personnel féminin de la santé surtout les femmes enceintes soient préservées.
Nous avions proposé de libérer ce personnel et de le mettre en congé de confinement sanitaire. Au minimum, il faut les éloigner des services où elles seraient plus exposées que d’autres tels que les urgences, les réanimations et les services pneumologie où on reçoit des patients qui pourraient les exposer à une grosse charge virale.
Il faut aussi rappeler que cette latitude est laissée au niveau des gestionnaires au niveau des établissements voire aux chefs de services qui savent très bien qu’ils ont des femmes enceintes qui travaillent dans leurs services. Ils n’ont rien fait. Il faut parler de la responsabilité du ministère de la santé mais il y a aussi celle des responsables des services au niveau des structures hospitalières.
« Il faut multiplier par dix le nombre de cas »
La situation épidémiologique est toujours grave en Algérie. Sur le terrain, il y a toujours des morts. Le problème de l’oxygène se pose toujours. Dans certains hôpitaux, on a carrément arrêté l’hospitalisation des nouveaux patients faute d’oxygène…
Malheureusement, c’est une situation qui est posée à Alger et dans d’autres wilayas comme Laghouat et Djelfa, Msila Blida et dans l’ouest comme Mascara.
C’est une situation qui reste posée. Dans les services covid et dans les services de réanimation, nous manquons d’oxygène. Il y a des hôpitaux qui sont restés 48h sans être alimentés alors des malades continuaient d’arriver, malgré la baisse qu’on enregistre selon les chiffres officiels avec 800 à 900 cas par jour.
Mais il faut multiplier ce chiffre par dix pour avoir un aperçu de la réalité de la situation avec au moins 20% de ces cas qui arrivent dans les hôpitaux.
À peu près 2.000 patients doivent être accueillis quotidiennement dans les hôpitaux. Tout ça pour vous dire qu’on n’est toujours pas sortis de cette crise qui a été aggravée par les incendies qu’ont connues certaines wilayas à l’image de Béjaïa et Tizi-Ouzou. Les blessés ont été exposés à une forte intoxication à l’oxyde de carbone. Ils nécessitent eux aussi une oxygénothérapie.
« On voit toujours des cortèges de mariages »
Quelle est l’urgence?
L’urgence est de trouver des solutions pour alimenter les hôpitaux en oxygène et assurer les quantités suffisantes pour prendre en charge les malades.
D’autre part, il faut renforcer le dispositif au niveau préventif pour casser la chaîne de transmission du covid-19. Faire baisser la contamination, permettra une meilleure prise en charge des malades atteints du covid et des autres pathologies qui ont besoin de l’oxygène.
Il faut faire en sorte que les mesures barrières soient respectées. Il faut plus de rigueur dans l’application du couvre-feu. Il y a un laisser-aller. Les gens se déplacent après le couvre-feu. On voit toujours des cortèges de mariages pendant que des gens meurent. Ce n’est pas normal.