Dans cet entretien, le Pr Reda Djidjik, chef de service d’immunologie au CHU de Béni Messous (Alger), évalue la situation épidémiologique en Algérie, évoque la réouverture des frontières, le retour à la normale…
Après un léger rebond durant le Ramadan, la situation épidémiologique liée au covid-19 en Algérie est stable, il n’y a pas eu de confinement pendant l’Aïd-el-fitr. Comment l’expliquez-vous ?
Effectivement, nous avons constaté avant l’Aïd, durant la dernière semaine de Ramadan, une recrudescence du nombre de cas du covid, mais que la situation était maîtrisée, qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter, que le confinement avec l’Aïd ne se justifiait pas.
Maintenant, les choses se confirment. Nous avons toujours une stabilisation du nombre de cas, quoique nous, en tant que personnel de santé, devons rester mobilisés et avoir cette capacité de réagir à tout moment si la situation se dégrade.
C’est important de se préparer, de préparer tout le personnel, tous les lits qu’ils soient conventionnels ou de réanimation si la situation se dégrade. Pour le moment, la situation est stable et totalement maîtrisée.
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Certains experts disent que l’Algérie a connu la troisième vague. Êtes-vous d’accord ?
Vous parlez de 200 cas par jour et c’est une vague ? Avec 9 décès par jour ? Je ne peux pas caractériser cela comme une vague. Maintenant, est-ce qu’on est dans une phase stable qui va augmenter dans le temps, ça je n’en sais rien du tout, mais je ne peux pas qualifier ça de vague.
Depuis le mois de décembre et la fin de la deuxième vague, nous avons cette stabilité. Les hôpitaux n’ont pas désempli. Nous avons toujours le nombre de cas hospitalisés. Nous avons notre réanimation qui est toujours là, pleine, mais nous n’avons pas une situation grave. Nous n’avons pas des milliers de malades qui affluent. La situation est complètement maîtrisée.
On dit qu’il n’y a jamais eu de pandémie sans une troisième vague…
Ce n’est pas une science exacte. C’est propre à l’infection virale. Quand on analyse la pandémie de 1918-1920, l’histoire dit qu’elle avait duré deux ans. On était loin de douter que la pandémie de covid-19 allait durer deux ans.
On s’est dit six mois. Apparemment, on est au même schéma que la pandémie de 1918. La deuxième vague de la pandémie de 1918 a tué plus que la première vague, et c’est ce que nous avons eu avec la pandémie de covid-19. Pour le reste, je ne spécule pas sans avoir de preuves scientifiques. Tout ce que je peux dire, c’est qu’actuellement en Algérie la situation est stable et j’espère que ça va durer.
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Dans ce cas, l’Algérie peut-elle poursuivre le déconfinement et aller vers un allègement des mesures anti-covid ?
Vous parlez de déconfinement mais il n’y a pas de confinement en Algérie. Il y a un couvre-feu qui s’installe à minuit.
Mais bon, il n’y a pas eu de confinement depuis trois ou quatre mois en Algérie. Si on compare les deux Ramadan, celui de l’année dernière à 15 h 00 on était à la maison. Ce Ramadan était assez ouvert, les gens sortaient faire leurs achats, leurs prières, voir leurs parents, etc.
Je pense qu’on est dans une situation stable et j’espère que ça va durer. Psychologiquement, c’est bien pour la société, pour les commerçants, pour l’économie… Ça a repris un peu, c’est important. Il faut peser le pour et le contre. Même l’Europe va ouvrir dans quelques semaines. Même l’Inde, où on a paniqué, ils ont une mortalité de 1,4 %. La situation n’est pas aussi grave.
Donc la vie va reprendre son cours normal…
À mon avis, la vie doit reprendre. On doit trouver un équilibre avec ce virus. On ne peut pas économiquement arrêter tout un pays, toute une planète, pour 1 % de décès.
Même les frontières, faudrait-il laisser les Algériens rentrer ?
Les Algériens doivent rentrer avec leur PCR. On ne peut pas empêcher la vie de continuer. On ne peut pas empêcher un individu de voir sa famille. On exige des règles, un protocole sanitaire à respecter.
Avec la PCR trois jours avant, pas de toux, on le laisse entrer voir sa famille. Il faut ouvrir et laisser les Algériens rentrer avec une PCR, les contrôler par un médecin à l’aéroport. S’ils ne sont pas cliniquement atteints et la PCR est négative, il faut les laisser entrer et voir leurs familles.
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