La pandémie de Covid-19 connait un net regain en Algérie depuis quelques semaines. Après être descendue sous la barre des 100 nouvelles contaminations quotidiennes au printemps dernier, la courbe s’est remise à remonter jusqu’à frôler les 500 nouveaux cas/jour en ce début d’été.
Pour casser la chaîne des contaminations, l’Algérie doit prendre trois mesures en urgence, selon les spécialistes.
1-Imposer le respect des mesures barrières
Les hôpitaux sont submergés et le spectre d’une situation incontrôlable plane de nouveau. Les autorités sont appelées à revoir leur stratégie de gestion de la pandémie, en faisant prendre d’abord conscience aux gens que le plus dur n’est pas passé et qu’il est peut-être à venir et en prenant ensuite à bras le corps cette question de la vaccination qui ne démarre toujours pas sérieusement.
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Les spécialistes sont unanimes à pointer du doigt un relâchement coupable dans le respect des mesures-barrières qui, soutiennent-ils, ont fait leurs preuves ailleurs.
Un demi-millier de cas par jour, ce n’est pas encore la côte d’alerte pour un pays de la taille de l’Algérie, mais le pire est en effet à craindre si les comportements actuels ne changent pas.
Si tous les spécialistes qui interviennent régulièrement dans les médias s’accordent pour mettre en garde contre le relâchement, très peu font l’effort de l’expliquer.
Au début de la pandémie, à l’hiver-printemps 2020, le respect des gestes de prévention était strict, et ce n’était pas seulement en raison des mesures persuasives prises par les autorités.
Même sans les amendes et autres sanctions pénales brandies, les Algériens prenaient très au sérieux le danger. Ce qui n’est plus le cas maintenant. Dans l’espace public, le masque de protection est presque invisible, y compris dans les espaces fermés et bandés de monde.
Les spécialistes ne cessent de le répéter : le respect des mesures barrières doit être imposé par les autorités dans l’espace public, pour éviter que la situation dégénère et devienne incontrôlable.
2-Donner les vrais chiffres des contaminations
Pour beaucoup, les chiffres communiqués quotidiennement sont la preuve que la pandémie est passée.
Même s’il y a un regain, 500 cas par jour restent très en deçà de ce qui se passe ailleurs, en commençant par les pays voisins. Il s’agit donc d’expliquer que tant qu’il restera un seul cas, le pays ne sera pas à l’abri d’une propagation exponentielle de la pandémie.
En février 2020, tout avait commencé par quelques cas importés d’Europe. « Pour le moment, nous ne vivons pas la situation catastrophique comme dans les pays voisins, mais cela risque d’arriver », met en garde l’oncologue Kamel Bouzid dans un entretien à TSA publié hier lundi 6 juillet.
Mais pour mieux convaincre, il faudra peut-être de rendre publics ces bilans que les spécialistes jugent trompeurs. Les cas comptabilisés sont uniquement ceux détectés à travers le test PCR.
L’épidémiologiste Mohamed Belhocine, membre du Comité scientifique en charge de la lutte contre la pandémie, parle de « partie visible de l’iceberg qui peut être bien plus important que cela ». Il invite à « considérer à leur juste mesure », les chiffres annoncés « étant la déclamation des cas PCR positifs notifiés ».
« Il m’est arrivé déjà de dire qu’il y avait probablement beaucoup de cas qui échappaient aux statistiques, soit parce que les gens ne faisaient pas de PCR, soit parce que les gens étaient vus dans le secteur privé et n’étaient pas comptabilisés. Je pense que cette situation est encore plus vraie aujourd’hui, d’autant qu’il y a des gens qui passent par d’autres tests, notamment le test antigénique qui n’est pas comptabilisé dans la statistique officielle », explique-t-il.
Communiquer les vrais chiffres permettra de se faire une idée juste de l’ampleur de la pandémie et sans doute d’agir en conséquence.
La campagne de vaccination devrait par ailleurs faire l’objet de la même transparence. Les autorités sanitaires ne tiennent pas une comptabilité régulière de la vaccination, ou du moins ne communiquent pas trop sur la question.
On sait juste que le pays n’a pas acquis les quantités suffisantes de doses pour atteindre l’objectif annoncé de vacciner 70 % de sa population. Connaitre par exemple quels sont les vaccins disponibles pourrait dissiper la réticence des citoyens à se faire vacciner.
3-Valoriser et booster la vaccination
L’Algérie est très en retard en matière de vaccination par rapport aux pays voisins déjà. Même avec les quotas supplémentaires acquis, la campagne ne démarre pas vraiment à cause, semble-t-il, du faible engouement de la population qui cache d’abord une défiance née de tout ce qui a été dit de par le monde sur de supposés effets indésirables du vaccin, puis une faible prise de conscience du danger encouru sans la vaccination.
La présumée réticence de la population, puisqu’aucun sondage n’a été mené pour la montrer, est due aussi à la faiblesse de la campagne de vaccination. Faute de doses suffisantes de vaccins et pour éviter un rush sur les centres de vaccination, les autorités n’ont rien fait pour inciter les Algériens à se faire vacciner.
Les autorités sont en conséquence appelées à agir, et vite, pour valoriser la vaccination et booster la campagne en cours, d’autant qu’une panoplie de mesures peuvent être prises dans l’immédiat sans le moindre coût, comme l’exemption de la quarantaine des Algériens vaccinés qui rentrent de l’étranger ou encore la mise en place du passeport vaccinal.