En Algérie, le bilan des contaminations au covid-19 continue sa hausse. Avec un nouveau variant du virus qui se propage dans le pays et une campagne de vaccination qui peine à décoller, faut-il s’inquiéter ? Un retour au confinement est-il envisageable ? Que faut-il faire pour stimuler la vaccination? Pr Kamel Sanhadji, président de l’Agence nationale de sécurité sanitaire répond à toutes ces questions. Entretien.
L’Algérie enregistre une recrudescence des cas de contamination au covid. La vaccination tourne au ralenti et le variant Omicron continue sa progression. Faut-il s’inquiéter ?
La vaccination est un moyen important pour protéger les individus et la collectivité. C’est un bénéfice pour tout le monde. C’est extrêmement important de se faire vacciner car cela va permettre de couper la route au variant Delta et à cette vague qui est actuellement en train de s’installer.
Si on laisse cette vague Delta sans la contrer, et sans riposte, il est fort possible qu’elle puisse engendrer un variant dont on ignore complètement la virulence et la dangerosité.
Nous sommes face à une problématique. Une crise dans la crise. Nous avons deux variants qui arrivent concomitamment : le Delta, qui est là et qui s’installe, et le variant Omicron qui est en train de prendre place.
Il ne faut pas perdre de vue que nous avons affaire surtout au variant Delta qui est la préoccupation majeure parce que nous le connaissons. Delta est un virus très contagieux et très dangereux. Omicron est beaucoup plus contagieux mais moins dangereux. Il faut donc avoir des priorités et ne pas tomber dans la confusion. Sinon, ce ne sera pas clair dans les esprits.
Faisons face à la vague Delta. Ce variant est connu pour ses caractéristiques pathologiques qui ont été à l’origine d’une crise sanitaire importante en Algérie l’été dernier.
Il ne faut pas tenter de semer la confusion en essayant d’anticiper et de tergiverser au sujet du variant Omicron qui n’est pas encore installé. Omicron a une grande capacité de circulation. Il va être majoritaire. Il n’y a aucun doute.
Le variant Omicron a montré ses capacités importantes en termes de vitesse de contamination mais sa pathogénicité est moins importante. Cela a été confirmé par rapport à ce qui a été observé en Afrique australe. Ce sont ces mêmes caractéristiques qui ont été confirmées en Europe.
La seule arme contre les variants est la vaccination. Que faut-il faire pour convaincre les Algériens de se faire vacciner ?
Je n’ai pas de baguette magique. On se pose la question. Il y a une sorte de boycott vis à vis de la vaccination qui n’arrive pas à se mettre en place correctement pour avoir un niveau de couverture vaccinale beaucoup plus important.
Nous avons vu, hélas, que nos concitoyens ont toujours fonctionné de cette façon. Nous l’avons vu pendant ces deux dernières années de crise sanitaire de covid. Ce n’est qu’en situation de vague et quand il y a plus de dégâts que les gens affluent vers la vaccination. Cela pose un problème.
Il faudrait, peut-être, s’inspirer de ce qui a été fait dans d’autres pays qui ont pu inverser ce phénomène. Certains pays, au début, avaient une majorité de la population contre la vaccination et qui sont arrivés, avec la pédagogie et la mise en place de certains mécanismes tel que le pass sanitaire, à inverser ces proportions. Ils ont obtenu des résultats plus que satisfaisants.
A titre d’exemple, un pays avait plus de 60% de la population contre la vaccination et qui est actuellement à plus 90% de couverture vaccinale. C’est une adhésion importante.
En faisant de la pédagogie, car ne pouvons pas faire les choses avec contraintes, et comme nous sommes en situation d’urgence sanitaire, il est plus que préconisé de déployer et d’étendre rapidement le pass vaccinal à une grande frange de la population, et en particulier par rapport au maximum d’espaces recevant le public qui doivent être réglementés avec un pass vaccinal tout en respectant les libertés individuelles : celui qui ne veut pas se faire vacciner et ne montre pas le pass vaccinal, n’a qu’à rester chez lui.
Il s’agit là aussi d’une affaire de santé publique et de sécurité sanitaire collective.
Avec cette hausse importante du nombre de contaminations, un retour au confinement est-il envisageable en Algérie ?
Il n’y a que la situation sanitaire et épidémiologique et les niveaux de contamination qui pourront nous faire acheminer vers ce genre de situation où l’on aura un renforcement important des mesures qui sont à même de s’opposer à de grandes contaminations.
Si la situation épidémiologique est catastrophique et que l’on a cette double vague Delta et Omicron avec des niveaux alarmants de contamination, et surtout, d’hospitalisation en soins critiques, il est tout à fait logique de recourir à des mesures qui renforcent la protection, et éventuellement le confinement.
Par la suite, nous pourrons, éventuellement, utiliser ce confinement pour pouvoir s’en sortir en proposant aux personnes de se faire vacciner, ce qui permettra une sortie de confinement individuelle puis générale par la suite.
Pour compléter un schéma vaccinal, combien de temps faut-il attendre entre la deuxième et la troisième dose ?
Nous sommes en train de profiter des données et des résultats qui sont observés dans les pays qui ont beaucoup vacciné et en particulier les pays européens.
A partir de la deuxième dose, nous nous sommes officiellement acheminés en Algérie vers une troisième dose qui peut être faite au bout du quatrième mois.
En Europe, cela avait été fixé à six mois, puis cinq mois et là à trois mois. En Algérie, nous sommes à quatre mois pour faire la dose de rappel après deux doses de vaccin.
Certains pays recommandent, d’ores et déjà, une quatrième dose…
C’est une période que l’on ne peut pas éviter qui permettra de déterminer le chemin vaccinal exact, particulièrement par rapport aux vaccins contre le coronavirus.
Ce n’est qu’à travers l’observation et cette répétition de doses quitte à ce qu’on fasse une quatrième, voire une cinquième dose, jusqu’à ce que l’on puisse déterminer le schéma vaccinal exact concernant la vaccination contre le covid.
Tout cela a été fait pour les vaccins classiques. Pour chaque pathologie infectieuse, il y a un schéma vaccinal. Pour chaque maladie infectieuse, il y a un nombre de doses qui a été établi de cette manière.
Nous avons affaire là à un nouveau virus qui n’était pas connu chez l’homme. Ce n’est qu’à travers l’observation et l’expérience que nous pourrons le déterminer. Cela se fait ainsi pour tous les essais vaccinaux.
Le 8 janvier prochain seront lancées les assises nationales pour réformer le système de santé. L’Agence nationale de sécurité sanitaire que vous présidez va-t-elle y participer ?
Oui. De par ses missions statutaires, l’Agence de sécurité sanitaire est en charge de réfléchir et de proposer des recommandations par rapport à la réforme du système de santé.
L’Agence de sécurité sanitaire est dans son rôle. Elle va prendre part à ces assises et proposera ses recommandations, son analyse et ses avis par rapport à ce qui pourrait être le système sanitaire en Algérie dans le futur, et surtout de façon à ce que l’offre de soin soit la plus intéressante, la plus efficace et la plus moderne pour les citoyens algériens.