La rentrée scolaire pour l’année 2021-2022, qui était prévue le 7 septembre, aura lieu mardi 21 septembre en Algérie, dans des conditions difficiles, selon les syndicats de l’éducation nationale.
Avec la décrue du Covid-19 et l’avancement de la vaccination dont une grande campagne est en cours depuis le 4 septembre, cette rentrée s’annonce-t-elle sous de bons auspices ?
Pour le SG du Satef, Boualem Amoura, la réponse est négative au vu des nombreuses insuffisances d’ordre pratique que sont l’hygiène et la restauration dans les établissements scolaires.
« La rentrée de cette année est pire que celle de l’année dernière. Tous les voyants sont au rouge. À commencer par le manque d’eau qui pose le problème de la bonne application du protocole sanitaire » liée au Covid-19, fait-il remarquer d’emblée.
L’Algérie est repassée hier dimanche 19 septembre sous la barre des 200 cas de cas positifs en 24 heures après un pic historique de 1927 cas enregistré le 28 juillet dernier au plus fort de la 3e vague de la Covid.
Le 22 août, une campagne de vaccination contre le Covid-19 du personnel de l’Éducation nationale est lancée, en prévision de la rentrée scolaire 2021/2022. Sachant que la vaccination n’est pas obligatoire, il n’y a aucune indication chiffrée sur les taux de vaccination des personnels de l’éducation.
Les syndicats du secteur font état de réticences. « Pour le moment il n’y a pas un grand engouement pour la vaccination », relève Boualem Amoura qui réitère son rejet de l’option de la contrainte.
« Il fallait intensifier la sensibilisation et ne pas verser dans le chantage et l’intimidation », estime le syndicaliste qui rapporte que des directeurs de l’éducation ont produit des notes interdisant aux personnels de l’éducation non vaccinés d’accéder aux différents services des directions locales de l’éducation.
« Me demander de respecter les gestes barrières comme le port du masque oui, mais qu’on m’oblige à me vacciner pour accéder à une direction de l’éducation ? », s’interroge-t-il.
« Le ministre de l’Éducation nationale a promis que les cantines scolaires seront ouvertes dès le premier jour de la rentrée scolaire. Mais avec le manque d’eau, comment va-t-on cuisiner ? », se demande le syndicaliste et enseignant.
D’après M. Amoura, la majorité des établissements scolaires n’ont pas de bâches ni de citernes d’eau, et pour ceux qui en disposent, ces bâches et citernes ne sont pas nettoyées.
La faute, selon lui, à cette dualité dans la gestion des écoles primaires entre les ministères de l’Éducation et de l’Intérieur. Toujours sur ce volet lié à la restauration scolaire, Boualem Amoura évoque la hausse des prix et un probable défaut d’approvisionnement des cantines scolaires en produits alimentaires.
« Les fournisseurs refusent d’approvisionner les cantines scolaires. Parce que lorsqu’ils ont soumissionné au mois de décembre dernier, les prix des produits alimentaires par rapport à leurs niveaux actuels étaient relativement bas. La tomate qui était à 40 DA coûte actuellement 75-80 DA/kg, le riz est passé entre temps de 75 à 140 DA/kg. Même le poulet dont le prix moyen était de 250-260 DA/kg a bondi à 500 DA/kg aujourd’hui, un kilo de laitue était à 70 DA alors qu’actuellement le kilo est de 250 DA. Les fournisseurs préfèrent résilier leurs contrats d’approvisionnement que de continuer à travailler à perte », développe le SG du Satef.
Les syndicats réclament l’ouverture de nouveaux postes budgétaires
Sur le plan pédagogique, la situation est incertaine. Les enseignants n’ont toujours pas leur emploi du temps, relève M. Amoura qui anticipe sur un problème de manque d’enseignants faute de nouveaux recrutements.
« Le ministère de l’Éducation devait organiser cette année un concours de recrutement mais il ne l’a pas fait. Que fait-il alors ? On surcharge les enseignants au risque de causer une saturation, ce que nous ne sommes pas près d’accepter », prévient-il.
Cette préoccupation est également celle du syndicat Cnapest. « Nous souhaitons que les problèmes vécus par les enseignants l’an passé ne se reproduisent pas durant la rentrée 2021/2022. Nous avons formulé des propositions et notre vision au ministère de l’éducation pour ne pas revivre le même scénario que l’an passé. À savoir en premier lieu la nécessité d’ouvrir de nouveaux postes budgétaires pour toutes les filières », explique Messaoud Boudiba, coordinateur et porte-parole du Cnapest.
« Nous avons insisté pour qu’il y ait un budget suffisant pour assurer les dispositifs sanitaires (dans le contexte de la pandémie du Covid-19). En assurant ces deux exigences, nous serions plus à l’aise dans l’application des plannings exceptionnels imposés par la Covid (enseignement par alternance) », ajoute-t-il.
« Les classes ne pourraient pas contenir plus de 25 élèves, sachant que les protocoles sanitaires exigent qu’il y ait un élève par table avec un mètre de distanciation », rappelle-t-il.
« Nous pensons qu’au lieu de réduire les matières d’enseignement, il vaudrait mieux ouvrir de nouveaux postes budgétaires et assurer la disponibilité des infrastructures nécessaires. Les enseignants ne doivent pas subir à eux seuls cette exception et ses répercussions comme ce fut le cas l’an passé », estime M. Boudiba.
Le Cnapest souhaite tourner la page de ce dossier et alléger la charge de travail sur le personnel enseignant éprouvé par la pression subie durant l’exercice 2020/2021.
« Tout le monde a bénéficié de l’exception sauf l’enseignant qui a vu sa charge de travail décupler », déplore-t-il. Le syndicaliste énumère aussi d’autres conditions à satisfaire, comme la restauration, le transport, prévoir des budgets supplémentaires pour garantir le principe d’égalité entre écoliers, etc.
Interrogations sur l’enseignement de tamazight
La rentrée scolaire 2021/2022 soulève les questionnements des inspecteurs de Tamazight autour de l’enseignement de cette langue nationale et officielle. Alertés par la perspective de voir tamazight éjecté du calendrier d’enseignement officiel, un collectif d’inspecteurs de tamazight est monté au créneau pour réclamer le maintien de son statut à l’école.
En cause, une correspondance du secrétariat général du ministère de l’Éducation nationale émise sous le numéro 194, du 14 août dernier faisant planer le doute quant à l’ « l’exclusion de l’enseignement de tamazight de l’emploi du temps alternatif de l’élève pour l’année scolaire 2021-2022 », ont écrit le 28 août dans un communiqué, des membres du collectif des inspecteurs de la langue amazighe.
Ils ont annoncé avoir adressé un courrier au ministre de l’éducation nationale, Abdelhakim Belabed, pour à la fois « attirer son attention sur les arrières pensées et les conséquences d’une telle décision, pour le moins inattendue », et « rappeler au premier responsable du secteur les devoirs de l’État envers l’enseignement de la langue amazighe ».
Le 29 août, le département d’Abdelhakim Belabed a émis une nouvelle note qui annule la précédente, intégrant de fait tamazight dans l’emploi du temps officiel de la rentrée scolaire 2021/2022.
Tout semblait rentrer dans l’ordre, mais le collectif des inspecteurs de la langue amazighe est revenu une nouvelle fois à la charge dans un communiqué publié mardi 14 septembre.
« Les explications avancées par des représentants du ministère de l’éducation nationale se révèlent aujourd’hui farfelues, dans la mesure où le problème généré par la circulaire en question dans la confection des emplois du temps n’est toujours pas réglé », ont déploré ces enseignants de tamazight.
Une montée au créneau qui s’est accompagnée d’une réaction du Haut-commissariat à l’amazighité (HCA). Une réunion a eu lieu mardi 14 septembre entre le président du HCA, El Hachemi Assad, et le ministre de l’éducation.
La rencontre s’est axée sur la situation de l’enseignement de Tamazight et les conditions de la dernière circulaire ministérielle du 14 août que le HCA a considérée comme une procédure qui « a omis les dimensions politique et législative sur lesquelles il fallait s’appuyer dans ce genre de documents référentiels ».
Le ministre de l’Éducation Abdelhakim Belabed a présenté toutes les « garanties explicites » pour prendre en charge Tamazight, niant formellement toutes les fausses interprétations quant à la position que revêt la matière de Tamazight au sein du programme scolaire national, car sa présence demeure permanente dans le calendrier officiel, selon une dépêche de l’agence officielle.
Belabed a donné une instruction complémentaire contenant des précisions et des procédures supplémentaires sur l’élaboration de calendriers pour la matière de Tamazight « en adéquation avec l’organisation exceptionnelle dans les trois paliers d’enseignement », selon l’agence officielle. Le ministre de l’Education nationale a affirmé qu’il « n’y a aucun doute » quant au processus de généralisation de l’enseignement de Tamazight.