Les analystes s’y attendaient. La très forte hausse des prix du pétrole ne peut déboucher que sur une baisse des cours à cause de la récession dans les pays consommateurs, due à la hausse de la facture de l’énergie pour l’industrie.
Et c’est peut-être ce qui est en train de se produire. Après une hausse fulgurante ces derniers mois (+40 ℅ depuis le début de l’année), les cours du baril sont en train de dévisser.
Mardi 5 juillet, le Brent a perdu 5,45 ℅, à 107 dollars le baril et le WTI américain a baissé de 4, 5 ℅, à 103 dollars.
Ce mercredi, la tendance baissière s’est maintenue avec 104 dollars pour le Brent et 100 dollars pour le WTI.
Les analystes mettent en cause les craintes de récession car le facteur principal qui a provoqué la très forte hausse de ces derniers mois est toujours là, à savoir la guerre en Ukraine et les inquiétudes liées aux approvisionnements russes.
La baisse est même enregistrée, paradoxalement, alors qu’une partie de l’industrie pétrolière en Norvège est paralysée par une grève, réduisant les exportations du pays de 60 ℅, soit de 340 000 barils/jour.
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Dans le même temps, la production libyenne, freinée par l’instabilité politique, ne redémarre pas et le dossier du nucléaire iranien ne connaît aucune avancée.
Cela survient aussi au moment où un cabinet spécialisé a évoqué un baril à 380 dollars si la Russie décide de réduire drastiquement ses exportations en représailles aux sanctions occidentales.
Pour les spécialistes, ce n’est plus l’offre qui pèse sur les cours, mais la demande.
Le marché « se détourne de l’inflation » et se dirige vers le « désespoir économique », estime l’analyste de Spi Asset Management, Stephen Innes, cité par le site spécialisé zonebourse.com, expliquant que les craintes de récession mondiale ont relégué au second plan les problèmes d’approvisionnement.
Les craintes de récession sont nourries par des indices de croissance qui ne trompent pas.
Dans la zone euro par exemple, la croissance de l’activité économique a fortement ralenti en juin dans le secteur privé, au plus bas depuis 16 mois.
Si les cours enregistrent une baisse en pleine guerre impliquant l’un des plus gros exportateurs mondiaux de pétrole (la Russie) et alors que des risques sérieux pèsent encore sur les approvisionnements, qu’en sera-t-il en situation “normale” ?
Cela pour dire qu’une baisse des cours est une éventualité que les pays producteurs, notamment ceux dont l’économie est basée sur les hydrocarbures, doivent prendre en compte.
Une mécanique implacable
C’est le cas entre autres de l’Algérie, qui commence à retrouver un niveau élevé de recettes après une baisse de plusieurs années, particulièrement aggravée par la crise sanitaire.
En 2020, le pays a exporté pour seulement 22 milliards de dollars de gaz et de pétrole.
La levée des restrictions et la reprise de l’économie mondiale en 2021 ont tiré les cours vers le haut, permettant à l’Algérie d’engranger 34,5 milliards de dollars.
Les prévisions pour l’année en cours sont nettement meilleures : le Fonds monétaire international (FMI) prévoit des recettes de 58 milliards de dollars et Sonatrach s’attend à un chiffre d’affaires de 54 milliards de dollars.
Cette embellie permet au pays de réduire ses déficits budgétaires, de dégager un excédent dans la balance commerciale, de reconstituer ses réserves de change, synonyme de garantie du financement des importations, de maintenir la politique sociale et de relancer les investissements publics.
Mais la volatilité du marché pétrolier doit inciter à la prudence. La moyenne des prix est passée de 41 à 72 dollars le baril entre 2020 et 2021.
Au début de la crise sanitaire, au printemps 2020, le pétrole a enregistré des valeurs négatives (-35 dollars) et a frôlé son plus haut niveau historique deux ans plus tard, à cause de la guerre en Russie.
Les craintes qui commencent à être exprimées pour la croissance mondiale dévoilent la mécanique implacable du marché pétrolier et rendent presque inéluctable une nouvelle baisse des cours : si ce n’est pas la géostratégie internationale et l’abondance de l’offre qui tireront le pétrole vers le bas, c’est sa cherté elle-même qui le fera.
Pour mieux tirer profit de la conjoncture actuelle, l’Algérie fait le forcing depuis quelque temps pour aligner sur ceux du marché les prix de son gaz, négociés dans le cadre de contrats long terme.
Elle tente aussi d’attirer plus d’investissements dans le secteur pétrolier avec la mise en application d’une nouvelle loi sur l’énergie et d’un nouveau code des investissements.
Tout cela est légitime et de bonne guerre mais ne doit pas faire oublier la vraie bataille, celle de la diversification de l’économie et des réformes économiques.
Cette volatilité des prix est une raison de plus pour franchir des pas supplémentaires vers la réduction de la dépendance de l’économie algérienne aux hydrocarbures.
La récession qu’évoquent les analystes est un signal d’alarme qu’il ne faut pas ignorer.