Politique

Crise à l’APN : le grand retour en arrière

Ceux qui ont cru que la crise à l’APN était terminée ont dû déchanter en prenant connaissance des propos de Said Bouhadjad, samedi soir au quotidien Liberté. En effet, le président de l’APN fait de la résistance. Il annonce sa décision de reprendre ses activités en se rendant à son bureau. « Peut-être bien (aujourd’hui) dimanche », précise-t-il.

Une annonce qui ouvre la porte à une situation inédite depuis la création de l’APN en 1977, avec la perspective de voir deux présidents à la tête de l’institution. Les partis de la majorité qui ont déclaré « vacant » le poste de président s’apprêtent à élire un nouveau chef à la tête de l’APN, probablement cette semaine.

Comment cette situation va-t-elle se traduire ? Bien sûr personne ne s’attend à ce que M. Saïd Bouhadja réoccupe son bureau, comme il le proclame. Il y a de fortes chances qu’il ne siège même pas à l’APN. Mais du point de vue symbolique, sa décision de demeurer « président de l’APN » risque d’avoir des conséquences lourdes sur l’image de l’Algérie et de ses institutions.

Voilà un pays qui se revendique comme étant un « État de droit », mais dont les représentants du peuple sont régis par la violence politique et non par le droit. Hier, Saïd Bouhadja a affirmé craindre pour sa sécurité. « J’attends de l’État de sécuriser l’Assemblée pour me rendre à mon bureau. Après l’histoire de chaînes de fer et de cadenas que nous avons tous vue, je les crois capables du pire. Comme ils ont porté atteinte à l’institution, ils peuvent aussi attenter à mon intégrité physique. Ils sont même rentrés par effraction dans mon bureau et ont chassé le personnel. L’ouverture d’une enquête des services de sécurité est nécessaire », a-t-il expliqué.

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En plus de l’atteinte à l’État de droit, cette affaire pose un autre problème, celui de la stabilité des institutions. Après l’épisode du Conseil national de transition (CNT), mis en place en 1994 par le HCE alors que l’Algérie était en pleine guerre civile, l’État algérien s’était empressée une fois la paix retrouvée de revenir à une légalité institutionnelle dès 1997, avec une APN officiellement « élue ». L’institution était à la fois une vitrine démocratique et le symbole de la stabilité des institutions vantée auprès des partenaires étrangers de l’Algérie. Mais la crise qui a secoué l’APN replonge le pays vingt-quatre ans en arrière et le fait basculer une nouvelle fois dans l’illégalité.

De cette crise, personne ne sortira gagnant. D’abord, certainement pas ceux qui ont mené l’offensive contre le président de l’APN en évoquant une situation qui n’existe que dans leur imagination. Aucun des quatre cas prévus pour déclarer l’état de vacance (décès, démission, incapacité et incompatibilité) ne peut être retenu.

De son côté, Saïd Bouhadja, hormis réaffirmé sa légitimité de président élu toujours apte à exercer ses fonctions, ne semble pas disposer de beaucoup de moyens pour contrer ses adversaires.

Pour la juriste Fatiha Benabbou, le président de l’APN ne peut pas se tourner vers la plus haute juridiction du pays. « Le conseil d’État va se déclarer incompétent, car il ne s’agit pas d’une administration, mais d’une institution parlementaire, dont les membres ne peuvent être justifiables devant le Conseil d’État ».

Hakim Saheb, avocat et enseignant universitaire, pense qu’il existe une parade contre l’action qui a été menée contre Saïd Bouhadja. « Il pourrait y avoir saisine lors de la désignation du successeur à M. Bouhadja. La procédure pourra être contestée. Pour le cas présent, il y a visiblement un vide juridique. Les textes sont muets. Ce qui accentue les violences contre les lois. En revanche, Saïd Bouhadja, comme citoyen, peut parfaitement saisir le Conseil d’État pour contester un abus », a jugé Me Saheb dans un entretien accordé à Liberté.

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