Politique

Crise à l’APN : les scénarios probables

Les députés des partis de la majorité qui réclamaient la tête du président de l’APN sont finalement passés à l’acte. Le bureau de l’Assemblée, réuni ce mercredi 17 octobre, a constaté la vacance de la présidence de la chambre basse du Parlement algérien. Dans le communiqué qui a sanctionné sa réunion, le bureau a annoncé qu’il saisira la commission des affaires juridiques. Cette dernière se réunira dès ce jeudi 18 octobre.

C’est donc le premier acte dans la procédure de la destitution de Saïd Bouhadja. La démarche est-elle cependant légale ? L’article 10 du règlement intérieur de l’APN que mettent en avant les contestataires prévoit effectivement une procédure pour l’élection d’un nouveau président de l’Assemblée en cas de vacance du poste.

Que dit le texte ? « En cas de vacance de la présidence de l’Assemblée Populaire Nationale par suite de démission, d’incapacité ou d’incompatibilité ou de décès, il est procédé à l’élection du Président de l’Assemblée populaire nationale suivant les mêmes modalités prévues par le présent règlement intérieur, dans un délai maximum de quinze (15) jours à compter de la déclaration de la vacance.

Le Bureau de l’Assemblée populaire nationale se réunit obligatoirement pour constater la vacance et saisir la Commission chargée des affaires juridiques.

La Commission élabore un rapport constatant la vacance et le soumet en séance plénière à l’adoption de la majorité des membres de l’Assemblée.

Dans ce cas, l’opération de l’élection est dirigée par le doyen des vice-présidents non candidat assisté des deux plus jeunes membres de l’Assemblée populaire nationale. »

La procédure semble à première vue légale, étant prévue par les textes. Ce qui ne l’est pas en revanche, c’est son déclenchement puisque le même article stipule sans ambiguïté qu’elle ne peut être actionnée qu’en cas de « démission, d’incapacité ou d’incompatibilité ou de décès ». Or, aucune de ces situations ne s’applique au cas du président Saïd Bouhadja qui est en vie, en bonne santé, refuse de démissionner et n’occupe aucun autre poste incompatible avec sa fonction.

Les membres du bureau réunis ce mercredi se sont semble-t-il appuyés sur une fausse interprétation de l’incompatibilité prévue dans l’article 10, en présentant le fait que beaucoup de députés refusent de travailler avec Saïd Bouhadja ou encore le fait que son parti lui ait retiré la couverture politique comme une situation d’incompatibilité.

La fausse interprétation d’un texte, sciemment et pas à cause de quelque ambiguïté, constitue une grave dérive du bureau de l’APN et éventuellement de la commission juridique si elle accepte de la cautionner.

Le caractère illégal de l’action des députés frondeurs est flagrant, depuis le début du mouvement d’ailleurs, que ce soit concernant la revendication principale (départ d’un président élu pour toute la durée de la mandature), les moyens utilisés (force physique avec le blocage des accès au siège, gel des activités de l’institution), ou les procédures suivies et les textes invoqués (fausse interprétation des dispositions de la loi).

Mais maintenant que la procédure devant mener à la destitution de Saïd Bouhadja est engagée, qu’est ce qui pourra se passer concrètement ?

Le scénario le plus probable est que la procédure aille jusqu’au bout pour finir par l’élection d’un nouveau président. Bouhadja pourrait alors se plier au fait accompli – s’il ne l’a pas déjà fait lui que ne s’est pas présenté à son bureau depuis hier, mardi. C’est ainsi du reste que ce sont terminés tous les coups de force, appelés pudiquement mouvements de redressement, menés ces dernières années au sein des formations politiques proches du pouvoir, notamment le FLN.

Mais le vieux Bouhadja pourrait aussi continuer à résister et on se retrouverait alors avec deux présidents à la tête de l’APN. Quelle partie est habilitée à trancher dans pareil cas ? Les textes ne prévoient aucune pour la raison toute simple qu’il ne pouvait venir à l’idée des législateurs d’en arriver un jour à pareille situation. Le recours au Conseil constitutionnel n’étant pas prévu, il restera une procédure devant la justice. Mais celle-ci, si elle s’en tient à l’esprit et à la lettre de la constitution, devrait se déclarer incompétente au nom de la séparation des pouvoirs.

Comment les contestataires feront-ils alors pour mettre à exécution la résolution de la plénière, c’est-à-dire faire en sorte que M. Bouhadja quitte son bureau et le cède à son successeur ? L’affrontement « physique » pourrait s’avérer inévitable, sauf si les autorités publiques décident de retirer au président déchu ses avantages, dont sa garde rapprochée faite de fonctionnaires de la DGSN. Ce serait un positionnement sans équivoque des plus « hautes autorités » du pays, un positionnement que Saïd Bouhadja réclame justement depuis le début de la crise pour partir…

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