International

Crise Algérie-France : Ahmed Attaf fait des révélations et met en garde

Où vont l’Algérie et la France, entrées dans une grave crise après la décision du président Emmanuel Macron d’appuyer les thèses marocaines sur le Sahara occidental ?

L’Algérie, qui a déjà retiré son ambassadeur à Paris, prendra-t-elle des mesures supplémentaires ? La visite du président Abdelmadjid Tebboune à Paris sera-t-elle annulée ? Ahmed Attaf, le ministre algérien des Affaires étrangères, a répondu en conférence de presse ce mercredi 31 juillet à Alger.

 

« C’est le don de celui qui ne possède pas à celui qui ne mérite pas ».

 

 

« C’est le don de celui qui ne possède pas à celui qui ne mérite pas ».  C’est par cette petite phrase que le chef de la diplomatie algérienne a résumé la lecture de l’Algérie des concessions faites par la France au Maroc sur la question du Sahara occidental.

 

Mardi 30 juillet, la nouvelle position française a été rendue publique à travers la divulgation de la lettre d’Emmanuel Macron à Mohammed VI dans laquelle le président français l’informait que Paris considère désormais le plan d’autonomie marocain comme la « seule base » de règlement du conflit et reconnait la « souveraineté marocaine » sur le Sahara occidental.

 

 

De cette lettre, « il ressort que la France s’aligne complètement sur les thèses marocaines et en fait une priorité qu’elle s’engage à défendre tant au niveau national qu’international », souligne Ahmed Attaf, ajoutant que, « par sa nouvelle position, la France exclut tout effort pour trouver une solution intermédiaire » conformément aux résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU « à l’élaboration desquelles la France a contribué ».

 

Le chef de la diplomatie algérienne a démonté une à une ce qu’il a appelé les « justifications » de la partie française.

 

« La France prétend que son initiative vise à relancer le processus politique, elle concourt au contraire à ancrer l’impasse causée directement par le plan d’autonomie marocain depuis près de deux décennies », a fustigé Ahmed Attaf.

Un  plan, a-t-il poursuivi, qui « n’était pas destiné à faciliter le règlement du conflit mais à faire avorter l’organisation d’un référendum d’autodétermination et à gagner davantage de temps pour imposer le fait accompli colonial ».

 

 

« L’appui total et absolu de la France vise à ressusciter ce projet de ses cendres », estime-t-il, rappelant qu’en plus de 17 ans, « pas une heure, une minute ni une seule seconde ne lui a été consacrée pour le débattre » parce qu’il « n’a jamais été pris au sérieux » et « n’a jamais bénéficié de ‘intérêt » des quatre envoyés onusiens ces deux dernières décennies.

 

 

Algérie – France : ce que Tebboune et Macron se sont dits à Bari

 

 

Pour le chef de la diplomatie algérienne,  la décision française, qui « appuie le fait accompli colonial imposé au peuple du Sahara occidental » ne pourra pas changer la donne juridique de la question sahraouie qui reste aux yeux du droit international une question de décolonisation enrôlée à la commission onusienne de décolonisation.

 

 

Pour Ahmed Attaf, il s’agit juste d’une transaction par laquelle la France veut ouvrir une nouvelle page avec le Maroc. « Une transaction entre deux parties au détriment d’une tierce partie impuissante, le peuple sahraoui qui a de son côté la légalité internationale », a-t-il dit. Elle n’est pas valable « juridiquement, politiquement et moralement », a-t-il estimé.

 

« Je ne suis pas le premier à parler de transaction. Il y a des choses que je ne peux pas dire. Il viendra le jour où nous parlerons documents à l’appui », a promis le ministre algérien.

 

 

Ahmed Attaf n’a pas exclu que d’autres mesures seront prises par l’Algérie, outre le retrait de l’ambassadeur et la réduction de la représentation algérienne à Paris qui, a-t-il expliqué, est une décision « très forte » dans les usages diplomatiques.

 

 

« C’est une première mesure et nous sommes en train de tirer toutes les conclusions qu’il faut. Nous prendrons les mesures nécessaires pour exprimer notre refus du pas franchi par la France », a fait savoir Ahmed Attaf.

 

S’agissant de la visite du président Abdelmadjid Tebboune à Paris, programmée pour l’automne prochain, Ahmed Attaf n’a pas donné une réponse franche, mais ses propos très diplomatiques signifient qu’elle n’aura pas lieu.

 

« Il n’y a pas de doute que cette visite entrera dans le cadre de ces conclusions que nous tirerons. Assurément, je ne vous étonnerai pas si je vous dis que l’initiative française ne contribue pas positivement à concrétiser cette visite au vu de la gravité des retombées qui pourraient découler de cette l’initiative française, non seulement pour la résolution de la question du Sahara occidental mais aussi pour la sécurité et la stabilité de la région », a répondu Ahmed Attaf.

 

Le président Abdelmadjid Tebboune a été d’ailleurs le premier à être informé par Emmanuel Macron du changement de la position de la France. C’était au cours de  leur rencontre le 13 juin dernier au sommet du G7 à Bari, a révélé le ministre des Affaires étrangères

 

Emmanuel Macron avait avancé des « justificatifs » afin de « baliser le chemin » au changement de position de son pays. Il a « prétendu » que la position de la France n’est pas nouvelle et date de 2007, a indiqué Attaf, qui a ensuite étalé ce que fut la réponse du président Tebboune, une « réponse ferme et précise ».

 

Tebboune a indiqué à Macron que cette initiative « dépasse de loin » les positions traditionnelles de la France puisqu’elle présente le plan d’autonomie comme la « seule » base de règlement du conflit et reconnaît clairement la prétendue « souveraineté marocaine » sur le Sahara occidental.

 

La nouvelle position française ne peut pas, a ajouté le président algérien, contribuer à relancer le processus de paix mais vient alimenter l’impasse dans laquelle le plan d’autonomie a mis la question sahraouie depuis plus de 17 ans, a révélé Ahmed Attaf.

 

Les plus lus