La crise entre Alger et Madrid prend de nouvelles proportions, avec l’implication de Bruxelles qui a réagi à deux reprises à la décision de l’Algérie de suspendre le Traité d’amitié avec l’Espagne.
Jeudi, une porte-parole de l’Union européenne a jugé la situation préoccupante et a appelé l’Algérie à revenir sur sa décision et vendredi, deux hauts responsables de l’UE ont clairement mis en garde le gouvernement algérien allant jusqu’à brandir la menace de représailles.
Après avoir réagi une première fois par l’intermédiaire de son ambassade à Bruxelles vendredi, l’Algérie a réagi une deuxième fois ce samedi 11 juin via le ministère des Affaires étrangères, pour répondre à l’Union européenne.
« L’Algérie déplore et rejette les déclarations hâtives et infondées faites hier au nom de l’Union Européenne à la suite de la décision souveraine prise par l’Algérie de suspendre le Traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération la liant à l’Espagne », a dénoncé le département de Ramtane Lamamra dans un communiqué.
La « précipitation » et le « parti-pris » de ces déclarations mettent en « évidence le caractère inapproprié de leur contenu, s’agissant d’un désaccord politique avec un pays européen de nature bilatérale n’ayant aucune incidence sur les engagements de l’Algérie à l’égard de l’Union européenne et ne nécessitant par voie de conséquence nullement le déclenchement d’une quelconque consultation européenne aux fins de réaction collective », a ajouté le communiqué
L’Algérie a rappelé que la décision de suspendre le Traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération répond à des « considérations légitimes, qui tiennent pour l’essentiel à ce que le partenaire se soit délié d’obligations et de valeurs essentielles inscrites dans ce Traité, prenant ainsi la responsabilité de vider cet instrument juridique de sa substance et de mettre en cause sa pertinence dans les relations entre les deux parties audit traité. »
Le département de Ramtane Lamamra rappelle aussi que l’Algérie a « pris soin de préciser publiquement la portée de la mesure conservatoire qu’il a été amené à prendre pour préserver des intérêts suprêmes, d’ordre moral et stratégique, du pays face à des actes attentatoires à l’objet et à la finalité du Traité. »
“Cette intrusion malencontreuse”
Sur la suspension du commerce extérieur entre l’Algérie et l’Espagne qui a soulevé les inquiétudes de Bruxelles, le ministère des Affaires étrangères répond que « d’évidence, la prétendue suspension des relations commerciales et d’investissement avec l’Espagne, étalée dans lesdites déclarations officielles européennes, y est précipitamment invoquée sans aucun fondement, et les instances communautaires européennes ne disposent en l’occurrence d’aucune base juridique pour établir leur compétence en la matière. »
« Cette intrusion malencontreuse est le fait d’une personnalité manifestement commise à l’amplification des thèses de sa diplomatie nationale au détriment de la préservation des intérêts bien compris de l’Union européenne au sein de laquelle l’Algérie s’honore de compter de nombreux amis et partenaires fiables et responsables », a déploré le ministère des Affaires étrangères.
Pour l’Algérie, cette « intrusion est d’autant plus douteuse et paradoxale qu’elle prend la consistance d’une vaine tentative de pression sur un pays du Sud jaloux de son indépendance nationale lorsqu’on la compare avec la posture circonspecte de la Commission européenne dans le cas récent d’un contentieux commercial majeur concernant un Etat-clé de l’Union qui a été amené à rappeler ses ambassadeurs auprès de deux Etats développés non-européens avec lesquels il était en conflit d’intérêts. »
Le département de Lamamra poursuit en affirmant que l’Algérie a « toujours tenu ses engagements » dans le cadre de son Accord d’association avec l’UE et « s’attache légitimement à promouvoir tous les volets pertinents de ce cadre, dans la transparence, en dépit du caractère asymétrique de la structure des échanges commerciaux entre les deux parties et des déséquilibres empêchant le développement d’un partenariat économique mutuellement avantageux. »
L’Algérie qualifie de « fantaisistes » et de « malveillantes, les insinuations et interrogations relatives à la question de l’approvisionnement de l’Espagne en gaz, alors même le président de la République lui-même a eu à affirmer solennellement la détermination de la partie algérienne à s’acquitter de ses obligations contractuelles y afférentes. »
« Au demeurant, cette question qui concerne des entreprises des deux pays sur des bases strictement commerciales ne se pose nullement dans le contexte des relations énergétiques avec les autres acquéreurs de gaz algérien dans l’espace euro-méditerranéen qui s’acquittent de leurs obligations contractuelles avec la même bonne foi que l’Algérie », conclut le communiqué.