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Crise France – Algérie : le malaise grandissant des Franco-Algériens

Crise France – Algérie : le malaise grandissant des Franco-Algériens

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Les franco-algériens, au nombre de plusieurs millions, sont la première victime collatérale de la crise qui oppose l’Algérie et la France depuis l’été dernier.

Cette forte communauté, censée constituer un trait d’union entre les deux pays, n’est pas épargnée par le discours extrémiste et est sujette à toutes les suspicions. Son inquiétude grandit à mesure que la crise prenne de l’ampleur.

La stigmatisation des Franco-Algériens qui est, faut-il le souligner, antérieure à la crise en cours. Mais elle s’est accentuée depuis le début des tensions. Les Algériens de France et les français d’origine algérienne vivent aujourd’hui dans la peur d’être désignés du doigt. 

S’exprimant ce dimanche 16 mars sur la menace de Bruno Retailleau de  démissionner si le gouvernement « cède face à l’Algérie », le Premier ministre François Bayrou a exprimé sa convergence « sur le fond » avec son ministre de l’Intérieur sur le dossier Algérie, mais il s’est démarqué de ses amalgames et de sa rhétorique qui risquent de provoquer une cassure avec les franco-algériens qui constituent une frange importante de la société française. 

Les Franco-Algériens, une communauté depuis en plus stigmatisés

« La fermeté ne parle pas nécessairement fort », a recadré le Premier ministre, soulignant qu’il y a en France un grand nombre de français d’origine algérienne.

« Est-ce que c’est avec eux qu’on a des difficultés, est-ce que c’est avec le peuple algérien qu’on a des difficultés ? Non », a interrogé et répondu François Bayrou.  

Une manière de signifier à Bruno Retailleau que la crise avec l’Algérie doit rester dans son cadre politique et ne doit nullement déborder sur la communauté d’origine algérienne. 

Cette dernière a déjà assez souffert de l’obsession anti-algérienne de l’extrême-droite. 

Pendant les campagnes des élections européennes et législatives de l’été dernier, ce courant politique avait fait de l’Algérie un sujet important de la campagne.

Le Rassemblement national (RN) est allé jusqu’à promettre d’exclure les binationaux de certains emplois « sensibles ». Évidemment, le parti de Jordan Bardella visait spécifiquement les Maghrébins, notamment les Algériens. 

Dans une tribune publiée la semaine passée dans le journal Le Monde, des « Français d’origine algérienne, Franco-Algériens, Français aimant l’Algérie » ont souligné l’importance de la diaspora pour le rapprochement entre les deux pays.

Ils ont rappelé que les présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron ont considéré que la diaspora a un rôle de « trait d’union entre deux histoires entremêlées, deux sociétés qui partagent encore bien des choses, deux économies qui ont chacune ses intérêts, ses priorités ». 

Malgré cette reconnaissance au plus haut niveau, la communauté franco-algérienne « n’a jamais eu vraiment son mot à dire ».

Les Franco-Algériens et la peur de s’exprimer

« Ballottée au gré des circonstances, au rythme des circonvolutions d’une relation qui n’a jamais été simple, elle a toujours cherché sa place, sans vraiment la trouver », ont regretté les signataires de la tribune. 

Si ces derniers, ainsi que beaucoup d’autres, comme Karim Zeribi ou encore Sabrina Sebaihi, ont pu dire le fond de leur pensée, il n’est pas toujours évident pour les franco-algériens de s’exprimer dans un contexte plus que tendu.

La stigmatisation est omniprésente et elle l’est encore plus pour ceux qui osent assumer leur double appartenance. « S’exprimer aujourd’hui expose son auteur à un lynchage en règle de la part de la fachosphère. Il y a un grand malaise. Les personnes d’origine algérienne ne comprennent pas pourquoi on s’attaque à l’Algérie, le pays de leurs parents, de leurs grands-parents ou de leurs ancêtres. », note un haut cadre Franco-Algérien.

Sabrina Sebaihi, qui a osé apporter la contradiction à Bruno Retailleau sur l’Algérie, a été menacée par le courant extrémiste qui ne lui a rien épargné sur les réseaux sociaux.

La député écologiste d’origine algérienne a été traitée de « collabo », « traître », « cinquième colonne »…

«En France, quand un Algérien rencontre un autre Algérien, c’est du communautarisme » 

Ce genre de campagne haineuse n’est pas nouveau à chaque fois qu’un franco-algérien prend le parti de l’apaisement et de meilleures relations entre la France et l’Algérie.

« Quand un Algérien rencontre un autre Algérien, c’est du communautarisme. Ce qui n’est pas le cas pour les autres binationaux dont certains se sont mis à défendre les intérêts de leur pays d’origine au détriment de ceux de la France. Il faut que cette perception du Franco-Algérien change », pointe une autre personnalité franco-algérienne de premier rang.

Le silence d’une partie des français d’origine algérienne s’explique par cette peur d’être montré du doigt.

La divulgation en ce moment précis de l’arrestation -qui a eu lieu il y a trois mois- d’un fonctionnaire franco-algérien du ministère français de l’Economie pour « espionnage au profit de l’Algérie » n’est pas faite pour atténuer la tourmente de la diaspora. Certains craignent de perdre leur emploi, d’autres de voir leur évolution professionnelle bloquée.

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