Le président Abdelmadjid Tebboune s’est de nouveau exprimé samedi soir sur la crise Algérie – France qui dure depuis près de huit mois. Le président algérien a fait plus qu’afficher sa disposition à œuvrer pour dépasser la brouille.
Il a surtout défini les règles et le cadre dans lequel devra se faire la sortie de crise et a tiré le tapis sous les pieds de ceux qui attisent la mésentente, c’est-à-dire, l’extrême droite et la droite qui poussent vers la rupture des relations entre les deux pays.
Les deux pays n’ont jamais été, depuis juillet dernier, aussi proches d’une réconciliation qu’ils ne le sont après ce discours de sagesse tenu par le chef de l’État algérien.
Crise franco-algérienne : Tebboune tire le tapis sous les pieds de l’extrême droite
Avec une crise à son paroxysme, la relation Algérie-France devait être le thème phare de la rencontre périodique de Tebboune avec les représentants des médias, diffusée samedi soir par la Télévision publique.
Mais le président de la République a fait le choix à dessein de ne pas trop s’y attarder longtemps. Juste « trois mots » au président Emmanuel Macron, pour ne pas tomber dans ce « brouhaha » et ce « capharnaüm politique » qui expriment l’acharnement de l’extrême-droite et de la droite dure, et particulièrement le ministre français de l’Intérieur Bruno Retailleau.
Celui-ci est définitivement mis hors-jeu. Non seulement l’Algérie n’en veut pas comme vis-à-vis, mais aussi sa méthode du « rapport de force » n’aura rien obtenu. Bien au contraire.
L’Algérie veut dépasser la crise, elle discutera, mais seulement avec le président Emmanuel Macron ou Jean-Noël Barrot, son ministre des Affaires étrangères. « Le reste ne nous concerne pas », a tranché Abdelmadjid Tebboune.
Côté algérien, le dossier du contentieux entre les deux pays est d’ores et déjà mis entre de « bonnes mains », celles du chef de la diplomatie Ahmed Attaf, a fait savoir Abdelmadjid Tebboune qui désigne ainsi son chef de la diplomatie comme l’interlocuteur des Français.
L’Algérie aura ainsi été constante jusqu’au bout dans sa démarche légaliste, avec de nombreux points marqués sur le plan procédural, de la stratégie et de la communication.
Et c’est l’une des voix françaises les plus anti-algériennes, Xavier Driencourt pour ne pas le nommer, qui l’a reconnu avant même la sortie médiatique du président algérien, suggérant à Bruno Retailleau d’imiter la méthode algérienne.
Algérie – France : une volonté de désescalade partagée
La disponibilité de l’Algérie à fermer le chapitre de cette longue brouille est partagée en haut lieu de l’autre côté de la Méditerranée. Le discours d’apaisement de Abdelmadjid Tebboune fait suite au vœu de désescalade exprimé à deux ou trois reprises par son homologue français ces dernières semaines.
Intervenant ce dimanche matin, quelques heures après la diffusion de l’entrevue du président algérien, la porte-parole du gouvernement français a tenu des propos qui laissent penser que l’apaisement est réellement en route.
La France est « déterminée à retrouver des relations normales avec l’Algérie qui sont dans le droit international », a déclaré Sophie Primas sur CNews, ajoutant que le « petit signe » fait par Tebboune à Macron est « une façon de renouer le dialogue » et un « bon signal ».
« Voilà de la sagesse. Évitons une escalade qui ne mènerait nulle part et qui ne servirait que les ambitions personnelles d’un ministre », a réagi pour sa part sur X Gérard Araud, ancien ambassadeur de France aux États-Unis et à l’ONU.
Les deux chefs d’État partageant la même volonté de dépasser la crise, il restait à retirer au courant extrémiste en France les quelques faux arguments par lesquels il domine le débat public.
Les « trois mots » de Abdelmadjid Tebboune étaient destinés à Emmanuel Macron, mais d’une certaine façon aussi à ceux qui, en France, ont pu mordre à la propagande extrémiste. Traduits, les mots de Tebboune signifient que l’Algérie n’est ni dans une démarche de « provocation » ni dans une volonté d’« humiliation ».
Il reste à faire taire le même courant sur l’affaire Boualem Sansal. Ce cas était aussi très attendu dans la sortie médiatique du président algérien, mais Tebboune a fait le choix de ne pas l’aborder.
Une façon subtile de signifier que l’affaire est entre les mains de la justice à laquelle il appartient de trancher. L’écrivain franco-algérien connaîtra sa sentence jeudi 27 mars. Le parquet a requis 10 ans de prison. Un éventuel verdict clément mettra davantage la France et l’Algérie sur les rails du rapprochement.
Et Abdelmadjid Tebboune sera, pour la postérité, celui qui aura démêlé l’écheveau de la crise la plus compliquée entre les deux pays, avec… trois mots.
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