L’Algérie prépare une nouvelle initiative pour le règlement du conflit en Libye, a indiqué ce mardi le porte-parole de la Présidence de la République Mohand Oussaid Belaid.
« L’initiative algérienne va venir car elle est réclamée par les Libyens », a déclaré M. Belaid, en rappelant la position de neutralité de l’Algérie dans le conflit qui ensanglante ce pays voisin. Cette position fait de l’Algérie « le médiateur idéal pour une résolution politique véritable, à savoir le respect de l’unité territoriale du peuple libyen », a soutenu M. Belaid, au cours d’une conférence de presse au siège de la Présidence.
« L’initiative algérienne est incontournable pour une solution sérieuse à la crise à même de préserver les intérêts des libyens », a déclaré M. Belaid. Ce dernier a précisé que le ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum est en contact permanent avec ses homologues de la région autour de la question libyenne.
Lundi, M. Boukadoum s’est entretenu par téléphone, avec ses homologues de la Libye, de Tunisie, d’Égypte et d’Arabie saoudite. « Les entretiens ont porté sur les voies et moyens de renforcement des relations bilatérales avec ces pays frères, ainsi que les développements de la situation au niveau régional notamment les derniers développements en Libye », a précisé un communiqué du ministère des Affaires étrangères.
M. Boukadoum a réaffirmé la position inaliénable de l’Algérie en faveur d’un règlement politique par le dialogue entre les différentes parties libyennes afin de parvenir à une solution politique inclusive qui garantit l’unité, la stabilité, la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Libye, conformément à la légitimité internationale et dans le cadre du respect de la volonté du peuple libyen frère loin de toute ingérence étrangère », ajoute la même source.
Le conflit en Libye a été aussi au centre des discussions entre le président Tebboune et les ambassadeurs des États-Unis et d’Allemagne, qu’il a reçus respectivement lundi et mardi.
Interrogé sur le nouveau plan égyptien pour la Libye, Mohand Oussaid Belaid a annoncé que l’Algérie salue toute initiative dont l’objectif est de stopper l’effusion de sang en Libye, et ce quelle qu’en soit la partie initiatrice.
Dimanche, l’Algérie avait réagi en affirmant avoir pris acte du nouveau plan égyptien, selon le communiqué du ministère des Affaires étrangères.
Dans cette perspective, l’Algérie qui s’est déjà prononcée pour accueillir une réunion des « frères ennemis » à Alger a réitéré sa « neutralité », comme pour encourager une solution politique, et insisté sur le rôle que doivent jouer les pays voisins, les plus exposés aux conséquences de l’enlisement de la guerre.
« L’Algérie a réitéré son attachement au rôle axial des pays voisins afin de rapprocher les vues entre les frères libyens, à la faveur d’un dialogue inclusif en tant qu’unique voie pour rétablir la paix en Libye et garantir son unité et son intégrité territoriale », a indiqué un communiqué du ministère des Affaires étrangères. De ce fait, l’Algérie « appelle les différents acteurs régionaux et internationaux à coordonner leurs efforts pour trouver un règlement politique durable à la crise dans ce pays frère », souligne le texte.
« L’Algérie présente toutes les garanties pour accueillir des pourparlers inter-libyens, soutient une source algérienne. Sa réaction au plan égyptien peut être comprise comme une offre pour accueillir ces pourparlers. Ce n’est pas sûrement un soutien à ce plan qui en réalité n’existe pas », explique une source algérienne. « L’Algérie entretient de bonnes relations avec toutes les parties libyennes, veut une Libye unie et non divisée, et veut éviter à tout prix que ce pays devienne un champ de confrontation des grandes puissances », ajoute notre source.
L’instabilité de la Libye impacte directement l’Algérie en raison des frontières communes et des risques sur la sécurité nationale. « Une guerre d’usure en Libye est trop coûteuse pour l’Algérie », prévient notre source.
« Les pays du Golfe comme les Émirats et l’Arabie saoudite, qui sont impliqués dans le conflit libyen au nom de la lutte contre les Frères musulmans, peuvent mutualiser les ressources, ce n’est pas notre cas », poursuit-il.
L’Algérie « ne veut pas en aucun cas être le voisin d’un conflit armé où toutes les grandes puissances sont impliquées », insiste notre source, qui remarque que les États-Unis s’impliquent davantage dans le dossier libyen, en raison notamment de la présence de la Russie via les mercenaires du groupe Wagner, de l’échec des pays européens à résoudre la crise.
« L’implication directe des Américains signifie que le conflit libyen est beaucoup plus sérieux pour le sous-traiter aux pays du Golfe. C’est plutôt positif », estime la même source, surtout que l’Europe est divisée sur ce dossier.
« Par exemple, l’Italie n’est pas d’accord avec la France », remarque-t-il, en soulignant que « les choses avancent vers un règlement politique ».
« L’option guerrière de Haftar est affaiblie et la Turquie qui soutient le GNA, veut l’affaiblir davantage, ce qui explique son rejet du plan égyptien et le cessez-le-feu proposé par le maréchal », analyse la même source. « Le statut quo actuel favorise le règlement politique de la crise, il y a une chance pour la paix », estime un ex-diplomate algérien.
Sur le terrain le maréchal Hafatr, homme fort de l’est libyen, enchaîne les défaites face aux troupes du Gouvernement d’union nationale (GNA) libyen, soutenues par la Turquie, qui ont entamé ce samedi une opération pour reprendre la ville stratégique de Syrte des mains des forces de l’Armée nationale libyenne (ANL). Cette offensive marque l’échec de l’offensive de Haftar pour conquérir Tripoli et résoudre le conflit par les armes.
Le maréchal Haftar avait lancé en avril 2019 une offensive pour s’emparer de la capitale libyenne Tripoli, bastion contrôlé par le GNA présidé par Fayez el-Sarraj et reconnu par la communauté internationale.
La situation a cependant changé depuis le début de l’année 2020 suite à l’intervention officielle de la Turquie en soutien des forces du Gouvernement d’union nationale.
Sentant le vent tourner, le maréchal Haftar s’est dit ce samedi favorable à un cessez-le-feu entre les deux parties en conflit. La proposition de trêve est portée par l’Égypte, allié de Haftar. Baptisée la « Déclaration du Caire », l’initiative comporte aussi un appel à des négociations à Genève et réclame le retrait des « mercenaires étrangers de tout le territoire libyen », le « démantèlement des milices et la remise des armes », a indiqué le président égyptien, Abdelfattah Al-Sissi.
>> Lire aussi : La France et la crise libyenne : il faut sauver le soldat Haftar