Ahmed Gaid Salah a proposé, ce mardi 26 mars, l’application de l’Article 102 de la Constitution pour sortir de la situation de blocage politique dans laquelle est plongée l’Algérie depuis maintenant plusieurs semaines.
Sans surprise, les premières réactions émanant de l’opposition son négatives. Le RCD dénonce une tentative de coup d’État et le MSP appelle à la poursuite des manifestations pour contraindre l’armée à respecter la volonté populaire. L’opposition garde un mauvais souvenir de l’intervention de l’armée dans la politique. En 1992, les généraux n’ont tenu aucune des promesses faites aux Algériens. Au lieu de l’ouverture promise, ils ont confisqué le pouvoir, se sont enrichis et, pour finir, ils ont installé Bouteflika à la présidence.
Aujourd’hui, plus qu’en 1992, l’ANP est au cœur du jeu politique. En 1992, les généraux avaient opéré presque en cachette, selon la fameuse règle qui veut que l’armée algérienne ne fait pas de politique. Ils ont poussé le président Chadli Bendjedi à démissionner après avoir créé une situation de vide constitutionnel. On connait la suite.
Ce mardi, l’armée a agi à visage découvert. Son chef a assumé publiquement l’appel à la destitution du président de la République. Ahmed Gaid Salah a utilisé des mots clairs et une référence précise : l’Article 102 de la Constitution prévoyant la déclaration de l’empêchement du président pour raison médicale. C’est une première dans l’histoire du pays.
Officiellement, ce n’est pas un coup d’État. Le président est gravement malade et son départ est demandé par les millions d’Algériens qui manifestent tous les jours depuis le 22 février et dans son discours, Ahmed Gaid Salah s’est référé à la Constitution pour justifier sa décision historique de lâcher le président. Il a également fait référence aux manifestations populaires pour dire que l’armée a agi en accord avec le peuple souverain.
Depuis le début de la crise, le chef de l’armée s’est, en effet, positionné du côté du peuple, qualifiant à plusieurs reprises de légitimes ses revendications. C’est justement là où réside le piège pour Gaid Salah et l’armée. Désormais en première ligne, l’armée doit maintenir la même ligne et le même discours (l’armée et le peuple sont frères et unis) au risque de rompre cette cohésion avec le peuple.
Quelques heures après les annonces de Gaid Salah, sur les réseaux sociaux, les Algériens réclament déjà une vraie transition. Ils pourraient le dire massivement vendredi prochain lors de nouvelles manifestations à travers tout le pays. Dans tous les cas, le peuple a déjà fait savoir qu’il veut le changement du système et pas seulement le départ de Bouteflika. La réponse de l’armée au maintien de ces revendications fournira une bonne indication sur ses intentions pour l’avenir.
Si elle les rejette et menace la population, on comprendra que l’armée a choisi le mauvais chemin, celui d’une fausse transition avec la continuité du système actuel, sans Bouteflika. C’est la plus mauvaise option. L’Algérie a besoin d’être dirigée par un président et un gouvernement légitimes.
Si, en revanche, elle se montre disponible à accompagner une véritable transition, en concertation avec l’opposition et les acteurs du mouvement populaire, l’armée prouvera non seulement qu’elle est fidèle à sa première promesse mais aussi qu’elle a bien retenu les leçons du passé et compris les enjeux pour la stabilité du pays et son avenir. Plus que jamais, l’armée est au centre du jeu politique. Et en se mettant en première ligne, elle n’a plus le droit à l’erreur.
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