Mustapha Mekideche, analyste économique et expert international, explique dans cet entretien pourquoi l’Algérie ne peut pas augmenter ses exportations vers l’Europe en cas de conflit armé entre la Russie et l’Ukraine.
Il explique aussi que l’Algérie peut tirer profit de la crise ukrainienne pour attirer les investisseurs étrangers dans le gaz.
L’Algérie peut-elle augmenter ses exportations de gaz vers l’Europe en cas de conflit armé entre la Russie et l’Ukraine ?
L’Algérie n’est pas, pour le moment, en état d’augmenter de façon significative ses livraisons de gaz et/ou de GNL, dans le cas que vous évoquez, car la Russie couvre 40 % de la demande européenne.
De plus, l’Algérie a vu ses contrats renouvelés avec l’Espagne et surtout l’Italie qui pompe beaucoup à partir du Gazoduc Enrico Mattei (qui relie l’Algérie à l’Italie via la Tunisie).
J’ajouterai une dernière raison, c’est l’explosion de la demande gazière interne algérienne dans le résidentiel mais aussi dans l’industrie.
La crise ukrainienne a montré une nouvelle fois la forte dépendance de l’Europe du gaz russe. Cette crise est-elle une opportunité pour l’Algérie pour attirer des investisseurs dans le gaz notamment afin d’augmenter sa production et ses exportations vers l’Europe ?
Alors vous envisagez la problématique sous un angle stratégique de LT. La résilience historique des approvisionnements de l’Europe par l’Algérie d’une part et la nouvelle position de l’Union européenne sur le statut du gaz comme « bridge energy » ajouté aux 22.000 milliards de m3 de gaz de schistes dont disposent l’Algérie, sont de nature, de mon point de vue, à initier ce flux d’investissement étranger et singulièrement européen.
Mais pour une fois c’est à l’Algérie de fixer l’agenda notamment pour des raisons d’acceptabilité politique et sociale.
Dans le contexte de la crise ukrainienne et des craintes de la fermeture du robinet du gaz par la Russie en représailles à d’éventuelles actions occidentales en cas de guerre, certains experts mettent en avant la décision de l’Algérie de fermer le gazoduc GME qui aurait pu être utilisé pour transporter plus de gaz vers l’Europe. Êtes-vous d’accord ?
Non pour la simple raison que le reste de l’Europe, hormis le Portugal, n’est pas relié au réseau de transport gazier européen à travers les Pyrénées alors que mon pays l’avait demandé en son temps.
Du point de vue géographique, est-ce que l’Algérie a intérêt à s’impliquer indirectement dans le conflit entre les Russes et les Occidentaux en augmentant ses exportations de gaz vers l’Europe, eu égard à la relation stratégique entre l’Algérie et la Russie ?
Non. Pensez-vous que le Qatar et la Russie nous ont demandé notre avis lorsque, par des politiques tarifaires agressives, ils ont pris des parts de nos marchés en Europe. Il s’agit pour nous, comme pour les autres fournisseurs potentiels comme les États-Unis, d’approches marchandes même si elles ont un fond géopolitique certain.